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La Lettre équivoque, ou Lequel des Deux ?

La Lettre équivoque, ou Lequel des Deux ? comédie en un acte, en prose, de Merville, 6 septembre 1814.

Théâtre de l'Odéon.

Titre :

Lettre équivoque (la), ou Lequel des deux ?

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

6 septembre 1814

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

M. Merville

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1814 :

Lequel des deux ? ou la Lettre équivoque, comédie en un acte en prose, De M. P.-F.-C. Merville, Représentée pour la première fois sur le Théâtre de l'Odéon, par les Comédiens du Roi, le 6 septembre 1814.

Almanach des Muses 1815.

Imbroglio qui n'a eu qu'un demi-succès.

[C’est aussi ce que disent Paul Porel et Georges Monval dans leur L’Odéon, Histoire administrative, anecdotique et littéraire, p. 267.]

Esprit des journaux, français et étrangers, septembre 1814, troisième trimestre, tome IX,p. 265-267 :

[Accusation de plagiat : comment peut-on oser refaire en un acte la Métromanie, qui a cinq actes ? Le poète est devenu antiquaire (mais mauvais antiquaire et mauvais poète). L’intrigue sentimentale oppose les deux inconnus hébergés par l’antiquaire et se résout par des lettres, l’une ambigüe, l’autre claire enfin : la jeune fille sait qui elle va épouser. Mais tout cela ressemble tant à la Métromanie ! La pièce a réussi, « grace à quelques traits plaisans », et l’auteur a été nommé.]

La Lettre équivoque, ou lequel des Deux, comédie en un acte et en prose, de M. Merville.

Il fallait que M. Merville comptât fortement sur l’obscurité dans laquelle restent, malgré leur succès, les petites pièces jouées à l’Odéon, pour avoir l’audace de refaire en un acte la Métromanie, qui cependant n’était pas trop mal en cinq.

M. Rigobert, riche bourgeois, a pour l’antiquité et tout ce qui s’y rapporte, le même enthousiasme que Francaleu pour la poésie. Pour compléter la ressemblance, M. Rigobert est aussi mauvais antiquaire que Francaleu est mauvais poëte. Il a recueilli chez lui deux inconnus, sans leur demander leur profession. Ils lui étaient suffisamment recommandés, l’un par sa ressemblance avec Epaminondas, l’autre par l’extase dans lequel il l'a surpris devant l’Apollon du Belvédère.

Angélique, mieux instruite que son père, sait à quoi s’en tenir. Elle aime en secret Morinval, l’un des deux inconnus, jeune officier que les suites d’une affaire d’honneur obligent à se cacher, et dédaigne les soupirs de l’autre, Edmond, poëte tragique, qui moins aguerri que beaucoup de ses confrères, fuit tous les regards pour une tragédie sifflée comme pour une mauvaise action. M. Rigobert a reçu de son fils une lettre équivoque où on lui recommande vivement le jeune homme à qui il a donné l’hospitalité : lequel des deux ? Son incertitude, qui forme le faible nœud de l’ouvrage, durerait encore, si une seconde lettre ne le tirait d’embarras, en annonçant que l’affaire de Morinval est arrangée, et que la tragédie d’Edmond est ressuscitée, comme quelques autres, à la. seconde représentation. Il faudrait n’avoir jamais vu la Métromanie, pour ne pas deviner que Dorante-Morinval va épouser sa maîtresse, et que Damis-Edmond se consolera avec les muses, qui

Lui tiendront lieu de fortune et d’amour ;

La pièce a réussi, grace à quelques traits plaisans du rôle de Rigobert, joué par Bourdais avec beaucoup de feu. Cet acteur est venu nommer l’auteur, M. Merville, qui, dit-on, joue lui-même la comédie en province. Si M. Merville sait aussi bien rappeler Grandménil-Francaleu que Piron, ses spectateurs ne doivent pas être mécontens de lui.             M.

Malte-Brun, Le Spectateur, ou variétés historiques, littéraires, critiques, politiques, et morales, tome II (juillet, août et septembre 1814), n° XVIII, p. 372-374 :

[La pièce, due à un auteur qui est également acteur, a rencontré le succès. Son personnage principal, antiquaire, fait penser au héros de la Métromanie. Il loge deux inconnus qui sont tous deux amoureux de la fille de la maison. La pièce tourne autour du choix de celui qui épousera la jeune fille, une lettre créant la confusion jusqu’à ce qu’une autre lettre lève l’équivoque. Tout s’arrange, y compris pour l’amoureux éconduit, dont la pièce a réussi. La pièce emprunte vraiment beaucoup à la Métromanie, mais elle a « un style facile, quelques traits heureux, et des saillies » qui sont bien à elle. Un seul acteur a brillé, mais le rôle des autres ne leur permettait pas de se distinguer.]

Odéon. —La Lettre équivoque, ou Lequel des deux, comédie en un acte et en prose.

Molière fut à la fois acteur et auteur. Aux noms des artistes qui, à son exemple, ont couru cette double carrière, il faut ajouter celui de M. Merville. Cet ancien acteur, qui, comme l'a dit assez plaisamment Bourdais, en venant l'annoncer, a eu l'honneur de jouer sur le théâtre de l'Odéon, ne doit point regretter une tentative légitimée par un succès assez marqué.

M. Rigobert est un Francaleu pour les antiques ; ravi de jouir, il s'extasie devant une brique venue soi-disant d'Herculanum : il en conclut, avec une sagacité étonnante, que les anciens se chauffoient ainsi que nous.

Deux jeunes gens lui ont demandé l'hospitalité ; l'un se nomme Morinval, c'est un militaire qu'une affaire d'honneur a forcé à la retraite ; Edmond est le nom du second. M. Rigobert ne connoît aucun des deux ; mais le moyen de ne pas les recevoir ? le premier offre quelque ressemblance avec Epaminondas, et l'autre a paru regarder avec admiration un Apollon du Belvédère.

Mais le goût de l'antique n'a point rendu nos deux inconnus insensibles aux charmes plus récens d'Angélique, fille du connoisseur Rigobert ; tous deux en sont épris. Sur ces entrefaites, le père reçoit une lettre de son fils, qui lui recommande instamment le jeune homme qui se trouve chez lui. Mais ils sont deux ! lequel des deux est désigné par cette lettre équivoque ? Edmond paroît amateur : ce titre décide Rigobert, qui aussitôt lui prodigue les plus grands éloges sur son talent, ses succès et sa réputation dans Paris. Or, cet Edouard est un malheureux disciple de Corneille et de Racine, qu'un énorme faux pas de sa muse tragique a fait fuir de la capitale : chaque compliment de Rigobert lui semble une injure cruelle ou un sarcasme outrageant : furieux, il se dispose à quitter l'asyle qu'on lui fait si chèrement payer, quand son valet explique le mal-entendu, et révèle son infortune au généreux Rigobert, qui, pour expier ses torts, offre la main de sa fille au poëte sifflé.

Mais il y a des jours malheureux. En annonçant cet hymen à sa fille, Rigobert ne s'explique pas plus clairement que ne l'a fait son fils ; on croit aisément ce qu'on désire, et mademoiselle Angélique se persuade que c'est à Morinval que son père a dessein de l'unir.

Encouragés tous deux, celui-ci par la soubrette, et l'autre par le père, les rivaux viennent à la fois remercier la charmante Angélique, qui se trouve ainsi sur le point d'être la femme à deux maris.

Une autre lettre vient heureusement terminer la double équivoque ; elle apprend à Rigobert que l'affaire de Morinval est assoupie, et qu'une seconde représentation de la tragédie d'Edmond a obtenu les plus grands applaudissemens. Morinval obtient la main d'Angélique, Edmond n'épouse point, mais le succès de son ouvrage a rallumé sa verve ; et comme l'Empirée, il s'écrie dans sa poétique ivresse :

Vous à qui cependant je consacre les jours,
Muses ! tenez-moi lieu de fortune et d'amour !

Piron, Métrom.

Il est aisé de deviner les nombreuses obligations qu'a l'auteur à celui de la Métromanie, ainsi qu'à Marmontel pour son conte du Connoisseur.

Mais il reste à M. Merville un style facile, quelques traits heureux, et des saillies qui paroissoient, à la première représentation, vivement senties du parterre.

Cette petite pièce sera vue avec plaisir.

Bourdais a joué, avec son talent accoutumé, le rôle de Rigobert. Si les autres acteurs n'ont point mérité cet éloge, il faut en accuser l'auteur, qui a beaucoup trop sacrifié leurs rôles à celui de Bourdais.

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