La Loi singulière, ou Malheur et constance

La Loi singulière, ou Malheur et constance, mélodrame en trois actes, en prose, à grand spectacle, de L. T. de la Glenehaye [Loaisel de Tréogate], musique de Quaisain et Lanusse, ballets de Millot, 13 avril 1811.

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Almanach des Muses 1812.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Barba, 1811 :

La Loi singulière, ou malheur et constance, mélodrame en trois actes, en prose, à grand spectacle ; par M. L. T. de la Glehenaye ; Musique de MM. Quaisain et Lanusse ; Ballets de M. Millot ; décors de M. Moench ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 13 avril 1811.

La consultation du Journal de Paris, janvier à juin 1811, confirme la date de création (le 13 avril 1811) et le succès de la pièce, qui en est à sa 33e représentation le 5 juin 1811.

Tablettes de Polymnie, deuxième année, n° 22, du 20 avril 1811, p. 344-346 :

[L’édition consultable sur Internet est la réimpression de l’édition de Paris, 1810-1811, procurée par Minkoff Reprints de Genève, en décembre 1971.]

[L’article consacré à cet opéra-comique orientalisant est largement positif : la qualité prêtée à la pièce ne se limite pas, comme c’est souvent le cas, à « un titre singulier », elle a droit à tous les compliments possibles : « une intrigue neuve et intéressante, un style naturel et facile semé de traits piquants, des décorations de l'effet le plus imposant et le plus pittoresque, et des costumes d'une fraîcheur et d'une richesse extraordinaires ». Deux réserves seulement, le très classique constat que la pièce comporte des longueurs, et, fréquent lui aussi, le reproche d’abuser des « plaisanteries triviales », que le sujet appelle d’ailleurs : les histoires de mariage se prêtent bien, au théâtre, à un certain relâchement moral. Suit la longue analyse du sujet, une histoire bien compliquée, avec des rebondissements nombreux, aucune forme de vraisemblance (mais c’est la mode des pièces à sujet merveilleux, dans le style des contes des Mille et une nuits) et une fin heureuse (enfin, c’est ce qu’on souhaite à Kaleb !). Un ultime paragraphe dit l'émerveillement provoqué, au moins chez le critique, par la pièce, et tout particulièrement le ballet de Millot. La musique est moins bien jugée, accusée de ne pas être tout-à-fait originale.]

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

LA LOI SINGULIÈRE, ou Malheur et Constance.

Un titre singulier fait quelquefois la fortune d'un mélodrame; la curiosité éveillée veut absolument se satisfaire ; or, comme Paris renferme plus de curieux que toutes les villes de l'Europe ensemble, on court plus à une première représentation des Boulevards qu'aux nouveautés souvent insipides de nos grands Théâtres. La Loi singulière offre quelque chose de bien plus singulier que son titre : c'est une intrigue neuve et intéressante, un style naturel et facile semé de traits piquants, des décorations de l'effet le plus imposant et le plus pittoresque, et des costumes d'une fraîcheur et d'une richesse extraordinaires. A l'exception de quelques longueurs et de quelques plaisanteries triviales qu'il est facile de corriger à la fin du second acte et au commencement du troisième on peut assurer que cet ouvrage est le plus parfait et le plus agréable qui ait été représenté sur ce Théâtre.

Kaleb, jeune négociant maure, est jetté par un naufrage sur la côte de l'isle de Newlana. Cet évènement l'ayant réduit à la plus grande misère, un pauvre turc lui conseille de profiter de la loi des Bains. Cette loi autorise un étranger à se placer à la porte des bains publics des femmes, et à épouser la première qui lui répondra qu'elle n'est point mariée ; aux risques et périls qu'elle soit jeune ou vieille, belle ou laide. N'ayant point le choix des expédiens, Kaleb se dévoue à courir les chances de cette singulière loterie. La première femme qu'il interroge est jeune et belle, mais elle est mariée ; la seconde est une jeune fille qui n'a pas encore atteint l'âge voulu par la loi ; la troisième est une femme altière, méchante et impérieuse, elle répond à Kaleb qu'elle n'est point mariée, mais qu'elle le déteste et qu'il se garde bien d'invoquer la loi des Bains pour la forcer à l'épouser ; au surplus, elle lui demande le secret sur leur entrevue et l'invite à questionner d'autres femmes. La quatrième qui se présente est une vieille édentée nominée Canzade qui paraît le trouver fort à son goût ; mais qui heureusement goûte depuis long-temps les douceurs d'un chaste hymen. Kaleb n'est pas encore bien revenu de sa frayeur lorsque une cinquième femme remplie de grâces et d'attraits répond un non timide à la question qu'il lui adresse avec un tendre anxiété, et s'échappe en le laissant en proie à la passion la plus violente. Peu après, des esclaves richement vêtus le transportent dans un palais magnifique ; il y retrouve celle qu'il adore et qui dit se nonımer Anaïs et être veuve depuis un an. Le mariage est prêt à se conclure, lorsque le Cadi vient annoncer le retour de l'époux qu'on avait cru défunt, et l'ordre d'emmener Anais hors de la ville. Le désespoir de Kaleb s'accroît encore par l'arrivée de la femme altière qui, après l'avoir rebuté d'abord, prétend maintenant l'épouser de force. Elle lui déclare qu’étant la princesse Zarucma, la puissance souveraine qu'elle exerce dans l'isle lui donne le droit de la plus terrible vengeance contre lui et contre Anais s'il persiste à refuser de l'épouser. Ne pouvant rien obtenir de la constance de Kaleb, elle le condamne, selon l'usage du pays, à mourir par le poison au milieu des plaisirs d'un festin. Kaleb se résigne à la mort ; mais Zarucma lui apprend que le poison qu'il a bu n'est que simulé et qu'Anaïs seule va périr. Le désespoir de Kaleb est à son comble lorsqu'une magnifique gondole paraît, portant Anaïs brillante de tout l'éclat somptueux du diadême. Elle avoue à son heureux amant qu'elle est elle-même la princesse Zarucma, et que tous les divers personnages qui l'ont tourmenté étaient employés par elle pour éprouver son amour et sa constance.

On ne peut se faire d'idée da magnifique spectacle qui orne ce mélodrame dont les paroles sont de Mr. L. T. Delaglenehaye, et les ballets de Mr. Millot. C'est ce qu'il a composé de plus frais et de plus ingénieux. La musique, qui est de MM. Quaisain et Lanusse, offre des motifs agréable, un solo de cor bien phrasé et des airs de danse très chantans, mais remplis de réminiscences. Ce reproche peut surtout s'appliquer à l'ouverture dont la marche d'Aline a fait les plus grands frais de facture et d'invention.

A. G.

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