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Lantara, ou le Peintre au cabaret

Lantara, ou le Peintre au cabaret, vaudeville en un acte, de Barré, Picard, Radet et Desfontaines, 1809.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Lantara, ou le Peintre au cabaret

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 octobre 1809

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Picard, Radet et Desfontaines

En 1809, Pierre-Yves Barré, Louis Benoît Picard, Jean-Baptiste Radet et François Georges Desfontaines ont fait jouer un vaudeville consacré au peintre Simon-Mathurin Lantara, Lantara, ou le peintre au cabaret, vaudeville en 1 acte, dont le texte a été publié à Paris, chez Fages. Joué au Vaudeville, il a connu un grand succès.

Dossier de presse de l'exposition Simon-Mathurin Lantara : Un paysagiste et sa légende - 8 avril au 16 juillet 2011 au Musée des peintres de Barbizon :

« L'Historien d'art Georges Levitine a montré comment, dès les premières années du XIXème siècle, Lantara est devenu un personnage de théâtre caractéristique, le « peintre de cabaret », et va bientôt incarner un des avatars de la « vie de bohème qui a si fortement marqué le monde artistique à l'époque romantique. Dans un contexte théâtral qui aime mettre en scène des vies d'artistes, réels ou fictifs, et dont le génie contraste avec une existence misérable, un vaudeville intitulé Lantara ou le peintre au cabaret va largement contribuer à faire connaître le nom de ce peintre mais également à constituer sa légende ; présentée pour la première fois en 1809, cette pièce dont ni les éléments de l'intrigue ni le caractère du personnage ne s'appuient sur des faits réels, connaîtra un grand succès. »

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 180 :

Lantara, ou le peintre au cabaret, vaudeville en un acte, Par MM. Y. Barré, L. Picard,, J. Radet, et F. Fontaines ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le Lundi, 2 Octobre 1809.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1809, tome V, p. 377-378 :

[Après quelques mots sur le peintre Lantara, pas très flatteurs, résumé de la pièce. Puis jugement équilibré : une intrigue un peu légère, mais un caractère principal bien tracé, le rôle de Lantara étant joué « avec un vrai talent ». Succès, auteurs nommés, mais par des pseudonymes qui ne trompent personne, et dont le critique donne la clef.]

Lantara, ou le Peintre au Cabaret, vaudeville en un acte , joué pour la première fois le 5 octobre.

Le peintre Lantara, bon paysagiste, étoit très-original, pour ne pas dire un peu timbré. Sa paresse étoit extrême, et la gourmandise avoit plus d'empire sur lui que l'intérêt. Des marchands de tableaux, qui connoissoient son foible, l'enfermoient et lui donnoient des petits pâtés pour l'engager à travailler. Souvent il refusoit les occasions de gagner de l'argent, et alloit chez des amis dans l'espoir d’un bon déjeuner. Inspiré par le vin il faisoit alors des tableaux que l'on vendoit fort cher. Son talent et ses bizarreries l'ont conduit à l'hôpital, où il est mort.

Tel est le héros du vaudeville nouveau ; il y est peint avec ce caractère indépendant, et cette noble fierté qui doivent distinguer un artiste. Au milieu de tout cela, il n'en a pas moins le défaut de se griser ; mais il y a une grande différence de son ivresse et de sa gourmandise, à la gloutonnerie de Belletête, son modèle, avec lequel il déjeune au Jardin du Roi. Lantara a oublié sa bourse ; et le Suisse qui, sur sa mauvaise mine, hésitoit déja à le servir, ne veut pas le laisser sortir sans payer. Le Peintre fait poser son modèle, et envoye son dessin à un certain M. Jacob, marchand de tableaux dont le fils aime Mademoiselle Lantara. Il fait demander un louis de ce dessin. Jacob en offre douze francs. L'artiste, indigné, déchire son ouvrage. Les deux jeunes amans qui savent que M. Jacoh ne veut pas les unir, se font alors de tristes adieux ; Lantara, excité par la vue de ce groupe touchant, le fait rester en position, le dessine et l'envoye à M. Jacob à qui il en demande 3 louis. Des marchands de tableaux, qui se trouvent là, le poussent jusqu'à 50 écus; mais le peintre, fidèle à sa parole, le donne pour le prix convenu à M. Jacob qui consent à- l'union des deux enfans.

Le fonds de cette pièce est léger ; mais le caractère de Lantara est bien tracé. Joly joue ce rôle avec un vrai talent ; il en fait bien ressortir toutes les nuances ; et les applaudissemens du public lui ont prouvé combien il y plaisait. Quatre auteurs, habitués au succès , se sont déguisés sous les noms de Louis, Pierre, François, Saint-Yon. Ils ont fait ensuite mettre leurs noms sur l'affiche : ce sont MM. Picard, Radet, Desfontaines et Barré.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1809, p. 286-290 :

[Le compte rendu est bien long avant d’aborder la pièce dont il s’agit de parler. Au lieu de dire ce qu’il pense du vaudeville, le critique aligne des « réflexions sérieuses », dont le rapport avec la pièce et son sujet n’est certes pas évident. Vanité des vanités ? Un peu de pessimisme à la manière de l’Ecclésiaste ? La pièce, dont le critique dit qu’il soupçonne être l'œuvre d’auteurs connus (il doit en savoir plus qu’il ne dit...), a droit à une présentation positive, « le sujet bien choisi, les personnages et le ton tels qu'ils doivent être », avec toutefois une limite, elle manque de flamme. L’intrigue est une histoire de mariage entre le fils d’un marchand de tableaux et la fille d’un peintre. Bien sûr, il faut faire accepter le mariage que le peintre voudrait conclure sans dot. Le peintre est assidu au cabaret, tente vainement de payer ses consommations avec des dessins, mais finit par convaincre le marchand de tableaux par un dessin des deux amoureux : le mariage aura lieu, et la dot, ce sera un contrat d’exclusivité signé par le peintre. Le critique, qui n’aime pas le jeu de l'acteur principal, trouve que la pièce est trop lente, et il faudrait bien sûr des coupures (on est habitué à ce reproche dans les critiques). Les couplets ont plu (surtout ceux qui se moquent des femmes : c’est un moyen qui ne rate jamais). Quelques sifflets, mais les auteurs ont été nommés, mais est-ce bien leur vrai nom ?]

Lantara, ou le Peintre au cabaret.

J'ai vu des femmes à qui l'on avait dit pendant vingt ans qu'elles étaient jolies, et elles y étaient si bien accoutumées qu'elles ne pouvaient plus cesser de le croire On nous a tant dit que nous étions gais, que nous ne pouvons nous empêcher de le penser. Nous croyons rire, et nous nous regarderions au miroir sans nous appercevoir que nous sommes sérieux, tant nous avons oublié ce que c'était que le rire : de même que la femme de quarante ans, en se regardant, croit être encore jolie comme à vingt (tant on oublie à quarante ans ce qu'on était à vingt). Ferons-nous un tort à cette femme de ne plus se rappeller ce qu'elle n’a pas vu depuis vingt ans ? En ferons-nous un à nos auteurs d'oublier ce qu'ils n'ont pas senti depuis si long-temps ? Et qui d'ailleurs aurait droit de s'en plaindre ? Si les auteurs ne sont plus gais, le public l’est-il davantage ? Et le critique ? Il l'est comme tout le reste. Une teinte de sérieux s'est répandue depuis vingt ans sur toutes nos idées. Ce sérieux, ce n'est point de la profondeur, ce n'est point de la réflexion, c'est de l'occupation ; ce n'est point qu'à force de creuser et d'examiner la plupart des choses nous en ayons reconnu le vide ; jamais on n'a moins senti qu'actuellement la vanité des choses humaines ; ce n'est point qu'à force d'analyser les objets et d'en classer les différentes parties, nous ayons détruit le charme et le piquant de l'ensemble, jamais on n'a moins cherché dans ces objets autre chose que ce qui frappe, jamais on ne leur a moins demandé autre chose que ce qu'ils veulent bien paraître. Nous ne sommes point des philosophes, nous sommes des gens d'affaires sortant de leur cabinet pour dissiper le mal de tête d'un travail qu'ils songent à recommencer demain. Nous avons tous des affaires, et nous en voulons avoir ; c'est là le pis. Des affaires qu'on n'a que parce qu'il le faut bien, sont finies une fois qu'on les quitte, et ne servent qu'à faire sentir le plaisir de l'oisiveté ; on avait remarqué autrefois que les gens occupés étaient les plus aisés à amuser ; mais c'étaient des gens occupés sans que leur imagination s'en mêlât et dont l'occupation ne servait alors qu'à calmer l'imagination des gens qui ne cherchaient qu'à remplir la place où le ciel les avait déposés, et qui, pourvu qu'il n'y eût pas de lacunes dans leur existence, ne cherchaient pas à la gonfler ; sûrs, pour la .plupart, d'être demain ce qu'ils étaient hier, ils ne pensaient qu'à ce qui devait remplir la journée d'aujourd’hui. Nous pensons toujours à quelque chose. Accoutumés depuis long-temps à des agitations de fortune dans tous les sens et dans tous les genres, nous sommes tous agités de quelque projet, tourmentés de quelque espérance. Et l'espérance, grand Dieu ! dont on a fait une enchanteresse, quelle magicienne ! et, si j'osais le dire, quelle sorcière ! Boileau a dit : l'espérance au front gai ; on nous la peint riante, c'est donc une espérance toute jeune, qui ne fait que d'entrer dans le monde, qui n'a encore rien vu, qui n'a eu affaire ni aux hommes, ni aux événemens, c'est l'espérance de l'enfant la première fois qu'il voit s'éveiller un papillon de dessus une fleur ; il s'élance avec un cri de joie, l'œil riant, la main ouverte; dès le premier bond il croit saisir l'objet de son désir ; mais, deux ou trois fois frustré dans son espérance, il n'est déjà plus transporté par la confiance, il marche avec précaution, l'œil fixe, la main timide, la respiration arrêtée. Déjà la gaieté a fui l'espérance, elle ne renaîtra qu'avec le succès, avec cette espérance générale, celle de la jeunesse qui ne se fixe sur rien en s’attachant à tout. L'espérance une fois fixée est entraînée sans distinction par l'objet qui la mène à sa suite. Les yeux attentifs, l'oreille au guet, elle interroge tous les bruits, tous les regards, elle s'éveille de bonne heure parce qu'elle attend, elle s'endort tard pour attendre encore. Si elle se prête à ce qu'on appelle un plaisir, c'est pour tuer le temps qu'elle emploie à attendre. D'où sortira dans cette disposition l’élan de la gaieté ? La gaieté ne peut naître que de l'oisiveté de l'ame, comme ces rejettons vigoureux, productions spontanées d'une terre fertile et bien reposée. La gaieté est l'abondance de la vie, l'excédant de nos facultés, que nous employons, pour ainsi dire, malgré nous, à augmenter de notre joie celle des autres. L'homme affairé peut chercher le plaisir, et on ne l'a jamais tant cherché qu'aujourd'hui ; mais le plaisir cherche l'homme gai, et l'on n'a pas maintenant le loisir de prendre son heure. Celui à qui la situation de son caractère permettait d'échapper à l'agitation générale, ne trouverait pas où jouir de son repos ; la gaieté ne vit que de communications, et la sienne, toutes les fois qu'elle voudrait naître, se trouverait repoussée de tous côtés par les soucis et les espérances des autres. Qu'un homme d'esprit songe à faire un vaudeville, quelle que soit sa disposition particulière, il sera nécessairement refroidi en songeant à la disposition de ceux qui doivent l'entendre. Cette froideur réagira sur eux, et la preuve de tout cela ce sont les réflexions sérieuses que m'a inspirées ce vaudeville.

On l'attribue, sous des noms déguisés, à des auteurs connus dans ce genre par la grace et la gaieté de leur esprit, et il suffit de l'avoir entendu pour savoir du moins que ce sont des gens d'esprit ; les couplets en sont bien faits, le sujet bien choisi, les personnages et le ton tels qu'ils doivent être ; tout semble bien combiné, bien arrangé ; il n'y manque que l'étincelle qui doit mettre le feu à la paille. Un peintre au cabaret devrait être et nous mettre en pointe de gaieté ; il fait mieux, il s'enivre et n’a pas de quoi payer Cette situation est tout-à fait bachique. Les idées qui en résultent sont bien à-la-fois d'un peintre et d'un ivrogne. Cet ivrogne, c'est Lantara, peintre assez connu dans le siècle dernier, sur tout par sa facilité à saisir et à rendre tout ce qui se présentait à ses yeux. Il passait sa vie an cabaret, et quand il y avait mangé ou bu tout ce qu'il possédait, il payait son note avec des dessins ; c'est encore plus solide que de payer en gambades. Il arrive chez le Suisse du jardin du roi pour y commander un déjeuner qu'il veut donner à M. Jacob, le marchand de tableaux, à qui il voudrait persuader de marier leurs enfans, le jeune Victor, fils de M. Jacob, et Thérèse, fille de Lantara. L'arrangement de Lantara, c'est que M. Jacob prendra sa fille sans dot, pour décharger sa conscience des marchés de juif qu'il a faits avec le père, dont il achette les tableaux pour rien. Mais M. Jacob prétend que sa conscience ne lui a jamais rien. dit à cet égard-là, ou que du moins il n'a pas entendu, et laisse là Lantara et son déjeûner, pour aller manger à l’Arc-en-Ciel une matelotte avec trois de ses confrères. Pour se consoler, Lantara commença à boire ; pendant ce temps-là arrive le modèle dont la barbe doit lui fournir un Bélisaire ; Lantara est déjà assez attendri par le vin pour le faire déjeuner avec lui ; mais pendant qu'ils s'enivrent, le Suisse, M.. Fribourg , à qui la toilette de ses hôtes n'a pas donné bonne opinion d'eux, vient prendre ses sûretés et prétend qu'on le paie : il n'y a qu'une petite difficulté, c'est que personne n'a de l'argent. M Fribourg se fâche ; Lantara demande du papier, taille son crayon, fait poser son Bélisaire en Silène, ébaucha un dessin et envoie le Suisse à l’Arc-en-Ciel porter ce dessin à M. Jacob et lui en demander un louis ; pendant ce temps il achève de s'enivrer : mais la Suisse revient, rapportant le dessin dont on n'a voulu donner que.12 francs ; Lantara le déchire, le Suisse se désole et le peintre se console de ne pas payer et de rester au cabaret. Il voit paraître Thérèse et Victor qui s'étaient donné rendez-vous au jardin des plantes ; moitié irrité, moitié attendri, il leur ordonne de se séparer ; mais au moment où ils se rapprochent pour la dernière fois en faisant leurs adieux, frappé de l'expression de leurs figures, de la grace du groupe que formaient ces deux jeunes amans, l'enthousiasme le saisit : attendez, s'écrie-t-il, et ils ne demandent pas mieux que de demeurer en attitude ; il reprend son papier, ses crayons et sur le dos de Bélisaire qui, pour cette fois, sert de pupitre, il trace un nouveau dessin. Cette idée est très-jolie ; mais passé le premier mouvement qui peint bien l'originalité de l'artiste, on sent que la situation a plus de grace que de gaieté, et que même en se prolongeant elle peut devenir froide ; c'est ce qui arrive à plusieurs scènes de ce vaudeville ; mais peut-être en faut-il accuser la manière dont est joué le rôle de Lantara par Joly, qui ne marque pas assez la versatilité des sentimens d'un ivrogne, et ces alternatives de colère et d'attendrissement si plaisantes et si naturelles dans un personnage de ce genre. Lantara renvoie le Suisse avec ce nouveau dessin, dont il demande deux louis ; les marchands de tableaux réunis à 1’Arc-en-Ciel accourent pour lui reprocher d'avoir déchiré l'autre ; ils mettent celui ci à l'enchère et veulent tous s'attacher à Lantara ; mais M. Jacob consent au mariage des deux jeunes gens, à condition que Lantara ne travaillera que pour lui, et promettra une dot de vingt mille francs en tableaux à faire. Ce vaudeville, auquel il ne manque qu'un peu de mouvement, pourrait peut-être en acquérir au moyen de quelques coupures. On a fait répéter plusieurs couplets, entr'autres celui sur les femmes qui vont toujours sans poches, et dont au moyen de cela

Il faut toujours payer l'écot.

Ces à-propos sont toujours sûrs du succès ; l'à-propos est l'essence du vaudeville. La pièce a été applaudie. Quelques oppositions n'ont pas empêché à la fin de nommer les auteurs. On a nommé M. Pierre Louis, Charles Saint-Yon, et les habitués ont prétendu que ces noms, très-nouveaux au Vaudeville, en cachaient de beaucoup plus connus.

P.          

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