Lise et Colin dans leur ménage

Lise et Colin dans leur ménage ou la suite de la Fille mal gardée tableau villageois, de Hapdé, musique de Foignet, ballet de Jacquinet, 18 mai 1812

Théâtre de la Salle des Jeux Gymniques.

Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 141 du 20 mai 1812, p. 2-3 :

Présentée comme la suite d'une pièce à succès, ce « tableau villageois » est considéré avec beaucoup de réserves par un critique qui le trouve bien éloigné de son modèle. Aux « détails gracieux et piquans » de la pièce originelle, on n'a ici qu'« une querelle d'époux rustiques ». L'intrigue se réduit à « une mystification ». Et le divertissement final est peu divertissant, indigne d'être qualifié de ballet. Les auteurs sont cités, mais par « un public peu difficile ».]

THÉATRE DES JEUX GYMNIQUES.

Première représentation de Lise et Colin dans leur ménage,
ballet-pantomime, faisant suite à
la Fille mal gardée.

La suite de la Fille mal gardée ! ce titre peut offrir une idée bien différente de celle que l'auteur a voulu présenter....... Une Fille mal gardée ! Quelles suites cela ne peut-il pas avoir ? Pour dissiper ces craintes, le public n'a qu'à se rappeler qu'il a été le témoin du mariage de Lise et de Colin, et que c'est l'intérieur de leur ménage dont on lui a promis le tableau...... Monsieur Colin est un épouseur téméraire ; peu d'hommes seraient tentés de prendre pour femme une fille qui aurait été mal gardée ; ils craindraient que la surveillance maritale n'eût pas un meilleur succès que la vigilance maternelle ; et s'il était permis, à propos d'un ballet, de parodier deux vers du Shakespear français, je dirais au mari de Lise :

Veille, Colin, sur elle, une fille si chère
Peut tromper son époux, ayant trompé sa mère.

Mais s'il fallait prendre à la lettre ce conseil prophétique, que deviendraient tant de pauvres filles qui se sont fiées tout bonnement à ce vieil adage : Un bon mariage pare tout. Qu'elles se rassurent ! l'amour-propre chez les hommes sera toujours plus fort que la prudence, et le réparateur d'une faute, aimant mieux l'attribuer à son propre mérite qu'à la faiblesse de sa future, ne manquera jamais de se dire : il n'y avait que moi dans le monde qui pût la lui faire commettre. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ; ce n'est pourtant pas ce que je disais avant-hier en sortant des Jeux Gymniques. Au lieu de tous les détails gracieux et piquans dont fourmille la Fille mal gardée, le Ménage de Lise et Colin ne présente qu'une querelle d'époux rustiques. M. Colin est infidèle, Mme Lise est jalouse ; une grande dame se déguise en paysanne pour ramener l'époux à son devoir par une mystification, et voilà tout. La vieille mère est chargée d'égayer ce fonds assez maussade ; mais ce n'est plus la mère Simone, c'est une vraie mère Gigogne, qui grimace, qui gambade avec un marmot entre les bras et deux autres pendus à ses jupons. Le tout est terminé par un divertissement qui n'est pas autrement divertissant ; des pas se succèdent sans motif, des danseurs remplacent des danseurs, et on appelle cela un ballet. On a pourtant remarqué à travers tout cela, quelques jambes qui meritaient d'être mieux employées. Les auteurs, qui sont M. Augustin pour la pièce, M. Jacquinet pour les ballets, M. Foignet pour la musique, ont eu le bonheur de rencontrer un public peu difficile et l'ouvrage a été beaucoup plus applaudi que s'il l'eût mérité.

A.          

Louis Henry Lecomte, Histoire des théâtres de Paris: les Jeux gymniques, 1810-1812, le Panorama dramatique, 1821-1823 (Paris, 1908) p. 59-60 :

18 mai : Lise et Colin dans leur ménage, ou la Suite de la Fille mal gardée, tableaux villageois terminés par un divertissement, par Augustin *** (Hapdé), musique de Foignet, divertissement de Jaquinet.

Colin

MM.  

Hoguet

Simone

 

Foignet.

L'Intendant

 

Adolphe

Bastien

 

Rousseau.

Thomas

 

Audibert.

Lise

Mmes    

Darcourt.

La comtesse de Sainville

 

Thérèse Peraze.

Trois enfants sont nés de l'union de Lise avec Colin, mais leur ménage n'est point heureux. Lise, aimable et fidèle, a pour époux un homme quinteux, brutal et, par surcroît, volage. La comtesse de Sainville, confidente de ses peines, veut donner au coupable une sévère leçon. Vêtue en paysanne, elle s'offre comme bergère aux époux. Colin, qui la trouve charmante, l'engage incontinent, et Lise n'a garde de s'y opposer. Bientôt Colin, conquis par la nouvelle venue, sollicite d'elle un rendez vous qu'il obtient, mais, sous le berceau où il court la rejoindre, se trouvent sa femme et ses enfants qui lui tendent les bras Touché et repentant, Colin tombe aux pieds de la comtesse qui survient sous son vrai costume, et jure à Lise de n'être plus volage.

L'étiquette de paysannerie dissimulait une de ces manifestations chorégraphiques dont l'Opéra détenait l'exclusif privilège. Le succès qu'elle eut provoqua, de sa part, une troisième plainte dont l'effet ne se fit pas attendre : le 25 du même mois M. Pasquier, Préfet de Police, sommait la direction des Jeux Gymniques de régler, sous huitaine, l'arriéré dû au personnel de son spectacle. L'importance de cette dette rendait le délai dérisoire, aussi l'exploitant tenta-t-il sans espoir d'exécuter l'ordre reçu. Le travail pourtant n'en fut point ralenti.

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