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Lise et Colin

Lise et Colin, opéra-comique en deux actes, paroles d’Eugène Hus, musique de Pierre Gaveaux. Hus, 17 thermidor an 4 [4 août 1796].

Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois

Almanach des Muses 1797.

Beaucoup de tableaux entassés dans le même cadre. C'est le ballet-pantomime de Dauberval, intitulé la Fille mal gardée.

Hus reprendra en 1803 le ballet de Dauberval, la Fille mal gardée, ou Il n'est qu'un pas du mal au bien.

Sur la page de titre de la partition, Paris, A la nouveauté, chez les Frères Gaveaux :

Lise et Colin Opera Comique en deux Actes Paroles d'Eugene Hus Dédié à Madame Hainguerlot par P. Gaveaux, Auteur de la Musique Représenté pour la 1re Fois, à Paris, sur le Théâtre de la Rue Faydeau, le 17 Thermidor, An Quatrieme de la République.

Sur la brochure, publiée par le même éditeur, le titre est complété par un sous-titre, Lise et Colin, ou la surveillance inutile, et la pièce est présenté comme un opéra.

La Décade philosophique, littéraire et politique, quatrième année de la République, IVe trimestre, n° 84, 30 thermidor (17 août 1796 v. s.), p. 366-368 :

[Le critique ne cache pas que pour lui l'opéra-comique de Hus est mal construit, suite plus ou moins bien cousues de « scènes incohérentes » et de « tableaux sans liaison ». Il entreprend ensuite d'en résumer l'intrigue, riche en « effets recherchés et [en] coups de théâtre multipliés ». Il s''agit une fois de plus d'un amour contrarié, cette fois par la mère de la jeune fille. Les deux amants cherchent à se retrouver à l'insu de cette mère si sévère, mais qui finit, après bien des péripéties, par être bien obligée de céder à la passion de sa fille et de son bien aimé. Le critique s'amuse à souligner que « ce n’était pas la peine de faire tant d'échaffaudage ». Le bilan qui termine l'article est peu favorable : la pièce paraît être un mélange de diverses figures dramatiques, Rose et Colas (de Sedaine, musique de Monsigny, 1764) ou Alexis et Justine (de Monvel, musique de Dezède, 1785). La musique se ressent de ce manque d'unité, mais elle a plu par sa variété que le critique décrit comme des « aimables habitués ». La pièce est présentée ensuite comme étant la simple transformation du fameux « ballet pantomime de Dauberval intitulé La fille mal gardée ». Occasion pour plaider contre la transformation des ballets en opéras-comiques, qui ne vaut pas mieux que la transformation inverse : si on peut faire d'un assez mauvais « poëme » « un excellent ballet », l'inverse risque fort de ne pas être vrai, et l'article s'achève pour un plaidoyer pour le respect des limites des genres.]

Lise et Colin.

Si pour faire un ouvrage dramatique il ne s’agissait que de coudre bien ou mal des scènes incohérentes et d'amener des tableaux sans liaison, la pièce de Lise et Colin aurait assurément rempli son but : jamais on ne vit un luxe semblable d'effets recherchés et de coups de théâtre multipliés :

Lise aime Colin et Colin aime Lise. Mais la mère de la jeune villageoise préfère comme d'usage pour sa fille un benêt fort riche. L’amant exclu cherche tous les moyens de parler à sa bien-aimée ; à l’inçu de cette mère inhumaine. Une fois surpris il se précipite par une fenêtre, il rentre déguisé en moissonneuse ; reconnu sous ce déguisement il est forcé d’avoir recours à un nouveau : il se fait introduire dans une gerbe parmi cinq ou six autres que les moissonneurs rapportent des champs dans cette chambre qui sert de grange on ne sait pourquoi ; mais nous allons voir que cette paille ne sera pas inutile.

L’amant quoique seul avec sa maîtresse aime apparemment mieux se laisser désirer en étouffant dans sa cachette. Car ce n’est qu'après quelques plaintes amoureuses de Lise qu’il se détermine à en sortir ; alors Lise qui n’avait pas paru craindre si fort un premier tête-à-tête, trouve celui-ci plus dangereux et déploie tout-à-coup une pudeur tragique à grands mouvemens ; l'entretien s’anime, on se fuit, on supplie ; Lise sent sa faiblesse, les jambes lui manquent, elle tombe sur la paille ! ! ! Le spectateur commence à frémir un peu pour Lise : bien plus encore en voyant Colin courir aussi vers ce sopha rustique ; mais cette grande scène de combat entre 1’amour et la pudeur finit par l'échange réciproque que les deux amans se font entre eux.... de quoi ? rassurez-vous; d’un mouchoir de col, détaché lentement et avec grace ; l’amant dont on ne peut trop admirer la retenue, est dans l'ivresse de son triomphe 1orsque la mère revient avec le benêt et le notaire. Colin pour sauver l'honneur de sa maîtresse veut se dérober ; mais il oublie cette fois qu’il s’est très-bien enfui la première [fois] par la fenêtre ; il préfère de monter dans la chambre de Lise.

Bientôt la maman toujours grondeuse arrive ; voit le fichu de Colin sur le col de sa fille, et pour la punir l'envoie dans sa chambre, mais grace à deux petites ouvertures pratiquées sur le côté, que voit le spectateur et que la mère ne voit pas, on s'assure que l'indécence de la situation ne sera pas poussée trop loin. Le benêt est chargé d’aller chercher Lise ; à peine l’a-t-il appellée deux fois que Colin paraît fièrement au haut de l’escalier, et demande de quel droit on veut lui ravir sa maîtresse ;grand étonnement ! après lequel un peu de courroux, puis des prières, puis le pardon de la mère. Puisqu’elle était si facile à fléchir, ce n’était pas la peine de faire tant d'échaffaudage.

Toute la pièce ressemble un peu à une carricature qu’un peintre peu instruit aurait composée avec des figures découpées dans d’autres tableaux. On y voit presque tout le fond de Rose et Colas, quelques détails d’Alexis et Justine, et des scènes de beaucoup d’opéra comiques très-connus.

La musique se ressent un peu du désordre de l’ouvrage ; mais son extrême variété, et sur-tout le nom de son auteur l’a fait trouver délicieuse à tous les aimables habitués.

On a demandé les auteurs avec un enthousiasme qui devrait bien faire un peu réfléchir sur la facilité malheureuse avec laquelle on obtient cet honneur et pour un couplet comme pour un ouvrage en cinq actes.

Il n’est pas inutile de savoir que la pièce n’est autre chose qu’un ballet pantomime de Dauberval intitulé La fille mal gardée.

Si quelques auteurs de paroles se plaignent qu’on leur vole leurs plans pour en faire des ballets d’action, on voit que les auteurs de ballets pantomimes peuvent aussi prendre leur revanche ; mais il résulte seulement que la comparaison n’est pas égale, en ce que d'un assez médiocre poëme on peut faire sans talent un excellent ballet : au lieu que du meilleur ballet on ne ferait quelquefois qu'un poëme très-médiocre. Il vaudrait mieux classer les genres et ne jamais les confondre ; mais c’est un peu la manie du siècle et du jour.

D'après la base César, la pièce a été jouée 12 fois en 1796 (du 4 août au 4 octobre), 2 fois en 1797 (les 2et 22 avril) et 8 fois en 1798 (du 30 janvier au 7 décembre). Toutes les représentations au Théâtre Feydeau.

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