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Lisia

Lisia, comédie en prose & en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de M. Monnet, musique de M. Scio, 8 juillet 1793.

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Lisia

Genre

comédie mêlée d’ariettes

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

ariettes

Date de création :

8 juillet 1793

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Monnet

Compositeur(s) :

M. Scio

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 7 (juillet 1793), p. 367-371 :

[Après un long résumé de l’intrigue, le jugement porté peut surprendre : « il y a trop de récit, & pas assez d’action » (est-ce à dire que la pièce est trop bavarde, et raconte trop au lieu de montrer ?). Autres défauts : motifs mal développés, au détriment de l’intérêt qu’on devrait porter aux « deux infortunées », un dénouement trop prévu et donc « sans effet », « des imitations trop frappantes ». La musique est couverte d’éloges : « parfaitement adaptée aux paroles » (ce qui constitue « un très-grand mérite » : faut-il comprendre que les paroles sont mauvaises ?), « souvent fort dramatique » ; petit bémol : elle est plus harmonieuse que mélodieuse (c’est un défaut, pour le critique qui se range du côté de la mélodie dans le combat entre harmonie et mélodie). Un incident (« un coup de sifflet », révélateur de « mauvaises intentions ») a perturbé le moment de la révélation du nom des auteurs, qui ont toutefois pu être nommés. Satisfécit pour les costumes, « soignés, assez purs », et les interprètes (la « pièce est fort bien jouée »).]

THÉATRE DE LA RUE FEYDEAU.

Lisia, comédie en prose & en deux actes, mêlée d'ariettes, paroles de M. Monnet, musique de M. Scio.

Don Fernand, gentilhomme espagnol, a la douleur de voir devenir mere sa fille Isabelle , qui a été séduite par un officier françois. C'est dans l'intention de se venger, ou du moins de cacher sa honte, qu'il la fait partir avec son enfant pour le nouveau-monde. Une tempête affreuse accueille leur vaisseau dans les mers d'Amérique, il fait côte, & Lisia se sauve du naufrage avec le malheureux fruit de son amour.

Un des chefs de la peuplade, le prêtre du soleil, Tamar, touché du malheur de ces infortunées, veut, pour donner à Isabelle une marque d'attachement, qu'elle prenne le nom de Lisia, que portoit une fille chérie qu'il vient de perdre, & il fait prendre celui de Zima à l'enfant d'Isabelle. La scene s'ouvre au moment où les Indiens se préparent à célébrer la fête du soleil. C'est pour la quinzieme fois qu'Isabelle & Zima voient cette solemnité, & conséquemment c'est depuis quinze ans qu'elles sont dans ces contrées : elles se réjouissent avec les Indiens de l'approche de ce grand jour, lorsque tout-à-coup le bruit du canon se fait entendre ; ceux-ci sont épouvantés, Lisia vole sur les bords de la mer.

Pendant qu'elle y court, Dorval, officier françois, & Pedro, son domestique, paroissent sur la scene : Zima se cache. D'heureux pressentimens font croire à Dorval qu'il doit retrouver enfin celle qu'il a perdue depuis quinze ans, & il invite ses soldats à se livrer avec lui aux plus soigneuses recherches : ils sortent. Pedro, comme on s'y attend bien, est extrêmement poltron ; il demeure, par ordre de son maître, pour faire sentinelle devant l'habitation de Tamar. Après avoir tremblé de bon cœur pendant long-tems, après avoir ensuite parlé de sa patrie, que peut faire Pedro ? il a chaud, il est fatigué, eh bien ! il s'endort, sans songer que la peur ne sauroit composer ni avec la chaleur, ni avec la fatigue.

Zima, qui s'étoit cachée derriere un arbre, se familiarise peu-à-peu avec la figure de l'Européen ; elle va appeller ses compagnes, elles l'entourent, elles veulent savoir ce que c'est que le fusil posé aux pieds de Pedro. Zima le prend, lâche la détente; le feu prend, le coup part ; les jeunes Indiennes épouvantées disparoissent ; Zima tombe ; Dorval accourt ; Pedro se frotte les yeux, & ils demeureroient l'un & l'autre fort long-tems interdits, s'ils ne trouvoient sur leurs pas Zima & le fusil. Ils la relevent ; elle revient de son premier étonnement ; Dorval est surpris de l'entendre parler espagnol ; il la considere attentivement ; il croit reconnoître en elle quelques traits d'Isabelle ; il lui demande le nom de sa mere, & lorsqu'il apprend que c'est celui de Lisia, il croit avoir perdu toute espérance.

Cependant on entend un grand bruit : tout l'équipage du vaisseau de Dorval est poursuivi par les Indiens, & vient se ranger autour de son capitaine. Tamar est à la tête des sauvages. Dorval lui présente des paroles de paix ; le calme renaît, & Tamar invite les François à se joindre à lui pour aller arracher à l'équipage du vaisseau espagnol, avec lequel celui des François est arrivé, la malheureuse Lisia qu'on enleve. Un prêtre, dit-il, l'a reconnue pour Isabelle, fille de Don Fernand ; il l'a dit à tous ceux qui l'entouroient : on l'entraîne, allons la délivrer.

Qui pourra décrire l'effet que produisent ces paroles sur Dorval ? Celui de l'étincelle électrique n'est ni plus prompt, ni plus surprenant. Les soldats, les matelots, les Indiens se réunissent : on atteint les Espagnols ; on leur arrache Lisia : & son époux Dorval, & Tamar son pere adoptif, la rendent à Zima ; & l'on se dispose à retourner en Europe pour y goûter désormais un bonheur acheté par quinze ans de peine & de chagrins.

II y a trop de récit, & pas assez d'action dans cette piece, & la plupart des motifs sont mal développés ; ce qui empêche de s'intéresser autant qu'il semble qu'on le devroit, au sort de deux infortunées. Le dénouement est trop prévu, & ne produit conséquemment point d'effet. Il y a d'ailleurs dans Lisia des imitations trop frappantes, & elles sont telles qu'on croit voir par fois recommencer des scenes que l'on connoît déjà depuis long-tems. Le rôle de Pedro, par exemple, est absolument calqué sur celui du poltron Fabrice d'Azémia.

La musique de cette piece nous a paru parfaitement adaptée aux paroles, & certes, c'est un très-grand mérite. Elle est souvent fort dramatique : en général, elle est peut-être plus harmonieuse & raisonnée que mélodieuse. Le déclamateur & le musicien ne doivent jamais oublier qu'en imitant la nature, on doit cacher l'art à force d'art. M. Scio, jeune encore, est fait pour laisser loin derriere lui, dans la carriere qu'il parcourt, la plupart de ses rivaux. Qu'il ne se laisse point décourager par les manœuvres de quelques envieux ; tôt ou tard on rend justice au mérite.

La piece dont nous entretenons nos lecteurs a été fort attentivement écoutée d'un bout à l'autre, & plusieurs morceaux ont même été vivement applaudis. Mais lorsqu'on a demandé les auteurs, un coup de sifflet est parti des secondes ou des troisiemes loges. Le public, indigné, a voulu qu'on fît sortir celui qui manifestoit si ouvertement ses mauvaises intentions, & l'on a redemandé les auteurs à grands cris. M. Gaveaux est venu dire, en les nommant, que c'est à eux que nous devons déjà Lisidor[e] & Monrose.

Les costumes de Lisia font soignés, assez purs, & cette piece est fort bien jouée par MM. Gaveaux, Chateaufort, & Mesdames Scio -& Martin.

César : opéra en un acte (et non plus deux). Texte de Monnet, musique de Scio. Première le 8 juillet 1793. 14 représentations en 1793, 19 en 1794 (jusqu'au 30 juin). 2 représentations en 1795, 2 en 1796.

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