Les Mariniers de Saint-Cloud

Les Mariniers de Saint-Cloud, impromptu en un acte, de Sewrin, 22 brumaire an 8 [13 novembre 1799].

Théâtre Favart.

Titre :

Mariniers de Saint-Cloud (les)

Genre

impromptu

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

22 brumaire an 8 [13 novembre 1799]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique (théâtre Favart)

Auteur(s) des paroles :

M. Sewrin

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les Marchands de Nouveautés, an viii :

Les Mariniers de Saint-Cloud, im-promptu. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Opéra-Comique National, rue Favart, le 22 Brumaire an viii.

Notre union, mes amis, fera sa force... et la nôtre..... Scène dern. p. 15.

Courrier des spectacles, n° 986 du 24 brumaire an 8, p. 2 :

[Version étonnante des événements de brumaire : une scène allégorique un peu étrange, mais qui tourne à la glorification de celui qui sauve la France. Le couplet cité donne la clé de ce qui est décrit comme une tentative d'assassinat (allégorie d'une tentative d'assassinat de Bonaparte), sans citer le nom de celui qui sauve la patrie, mais c’est bien inutile ! La pièce soulève bien sûr l’enthousiasme.]

Théâtre Favart.

L’impromptu que on joue à ce théâtre sous titre des Mariniers de St-Cloud, présente une allégorie dont il est aisé de reconnoître le sujet.

Les bons mariniers de St-Cloud se réjouissent le verre en main de la journée qui a ranimé 1’espérance des Français. Pendant qu’ils se livrent à la joie, un individu à face blême aux yeux creux, revêtu d’une houpelande salle, le chapeau ciré sur la tête, la pipe à la bouche et le bâton noueux à la main, le cit. Noireau enfin enrage du bonheur commun et se flatte que ça ne durera pas toujours. La bande joyeuse le chasse et continue ses refrains, qui ont pour objet de chanter la paix. Le jeune Michel accourt et apprend à son camarade Guillaume que son bateau s’en va. Il lui raconte qu’une dame étant dans son bateau et s’y trouvant fort balottée appella à son secours un brave soldat, que celui-ci s’empressa de la secourir ; mais qu’un monstre assis près d'eux, irrité de les voir si bien d’accord, profitant du moment où le bateau étoit en pleine rivière, tira son couteau pour en frapper le militaire, mais que la barque ayant tourné, l’assassin seul est tombé dans l’eau :

Aux cris joyeux de mill’ gens accourus,
        Les deux voyageurs sont reçus,
                On ne les quitte plus.
        La dame se nomme : La France.
        Le guerrier.... son nom, je pense,
                Vous est bien connu.
A ce héros qu’on n’a jamais vaincu,
                Honneur, gloire et salut !
                Le r’pos nous est rendu,
        L’espoir du méchant est déçu,
                Les factieux ont vécu.

De nouveaux chants terminent cette pièce allégorique qui excite tous les transports du plus vif enthousiasme.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome IV, p. 242 :

Théâtre Favart.

Les Mariniers de Saint-Cloud.

Cet impromptu a été joué le 22 brumaire. Il n'offre aucune intrigue. Les Mariniers de Saint-Cloud se sont rassemblés pour célébrer, le verre en main, la journée qui a ranimé l'espoir des François ; ils chassent un factieux qui, loin de partager l'alégresse publique, la troubloit par son air sinistre, et continuent leurs joyeux refrains, lorsqu'un jeune marinier vient apprendre à un de ses camarades que son bateau vient de se détacher, et chante une allégorie relative à l'assassinat projeté de Bonaparte. Des chants patriotiques terminent la pièce.

L'auteur est le C. Sewrin.

L.-Henry Lecomte, Napoléon et l’Empire racontés par le théâtre, 1797-1899 (Paris, 1900), p. 48-49 :

[On retiendra surtout que le nouveau pouvoir avait la volonté marquée de tirer un trait sur les événements antérieurs.]

Opéra-Comique-National, 22 brumaire an VIII (13 novembre 1799) : Les Mariniers de Saint-Cloud, impromptu en 1 acte, par C. A. B. Sewrin.

Réunis clans une guinguette de Saint-Cloud, des mariniers fêtent le 18 brumaire en buvant et en chantant les louanges du héros qui l'a fait. Cela contrarie certain factieux, nommé Noiraud, qui essaie de troubler la joie populaire par des discours dont la foule se rit, si bien que l'orateur disparait, furieux, en oubliant de payer sa dépense. Cela ne touche guère le cabaretier Jérôme, qui met à la disposition des mariniers le meilleur de ses vins pour boire à la paix que chacun souhaite, parce qu'elle garantira l'affermissement de la République. Les danses succèdent aux libations, et tous les assistants célèbrent le bonheur de la France, débarrassée des brouillons et des exploiteurs.

Cet impromptu vaut surtout par les sentiments qu'il reflète. Représenté le 22 brumaire avec un succès retentissant, il fut, par ordre supérieur,suspendu après la deuxième représentation ; permis à nouveau le 28 du même mois, il reparut avec des modifications qui ne lui firent aucun tort vis-à-vis du public. Usant d'un autre procédé, le ministre de la police écrivit alors aux administrateurs de l'Opéra-Comique-National la lettre suivante :

« La révolution du 18 brumaire, citoyens, ne ressemble à aucune de celles qui l'ont précédée : elle n'aura point de réaction, c'est la résolution du gouvernement. Si les factions persécutent lorsqu'elles obtiennent l'une sur l'autre quelque léger avantage, la République, lorsqu'elle les écrase toutes, triomphe avec générosité.

« Une pièce intitulée les Mariniers de Saint-Cloud a été jouée sur votre théâtre. L'intention en est louable sans doute, mais trop de détails rappellent amèrement d'anciens souvenirs qu'il faut effacer. Quand toutes les passions doivent se taire devant la loi, quand nous devons immoler au désir de la paix intérieure tous nos ressentiments et que la volonté de le faire est fortement exprimée par le peuple et par ses magistrats, quand ils en donnent le touchant exemple, il n'est permis à personne de contrarier ce vœu. Vous obéirez, citoyens, et j'augure assez bien de votre patriotisme pour croire que vous ferez, sans que je vous en donne l'ordre, le sacrifice de votre pièce, puisque la tranquillité publique vous l'impose. »

Que répondre à cela ? S'exécuter était la seule chose à faire : les Mariniers de Saint-Cloud disparurent pour toujours de l'affiche.

La lettre du ministre de la police a été imprimée dès le 25 brumaire [16 novembre] dans le Journal de Paris, p. 256. Elle interdit la pièce, représentée deux ou trois fois donc, les 22 et 23 brumaire [13 et 14 novembre], peut-être aussi le 24 brumaire [15 novembre] (elle est annoncée ces trois jours-là dans le Courrier des spectacles).

Le même 25 brumaire, le Journal de Paris publie trois comptes rendus de pièces jouées sur les théâtres parisiens,,

Les deux pièces sur la « journée de Saint-Cloud » ont été écrites et montées de façon très rapide : 24 heures pour la première, 15 heures pour la seconde.

L'interdiction aurait été levée le 28 brumaire [19 novembre] : une représentation est annoncée ce jour-là dans le Courrier des spectacles, avec le nom de l'auteur. Nouvelle annonce de représentation le 30 brumaire [21 novembre]. Le Journal de Paris de ces deux jours ne semble pas parler de la pièce, jouée ou interdite.

On peut estimer qu'il y a deux représentations sûres (ou presque) de la pièce, les 22 et 23 brumaire, une troisième le 28 brumaire, et deux représentations hypothétiques les 24 et 30 brumaire. Toujours est-il que la pièce semble bien être la première victime de la censure « bonapartienne » du théâtre, censure faite au nom de la liberté, bien sûr. Le 29 brumaire, un article du Journal de Paris explique très bien qu'on entre à nouveau avec le 18 brumaire dans « les premiers beaux jours de la liberté (p. 274-275).

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