Le Numéro 13, ou la Nuit avant la Noce

Numéro 13, ou la Nuit avant la Noce, vaudeville, de Théaulon et Flugence, 2 août 1813.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Numéro 13 (le), ou la Nuit d’avant la noce

Genre

comédie avec vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 août 1813

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

MM. Théaulon et Fulgence

Journal de l’Empire, jeudi 5 août 1813, p. 3-4 :

[Geoffroy se sentirait-il visé par l’allusion perfide au « critique fameux » dont parle le couplet qu'il cite à la fin de son article ? Il se défend bien sûr de s’être senti visé par les accusations du couplet final du vaudeville, mais on n’est vraiment pas obligé de le croire. Toujours est-il qu’il présente l’intrigue de façon négative, utilisation de moyens faciles (le faux contrat) et invraisemblables. Et les couplets ne valent guère mieux, puisqu'on a cru [y] trouver de l'esprit ». En résumé, un « vaudeville non sifflé, et très-digne de l'être ».]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

Première Représentation du Numéro 13, ou la Nuit d’avant la Noce ; par MM. Théaulon et Fulgence.

L'intention des auteurs était d'abord d'intituler ce vaudeville : le Numéro treize, ou la Rue Catastrophe : mais une sorte de superstition l'a emporté sur la gloriole d'avoir un titre piquant. Des esprits faibles redoutent le No. 13, et les auteurs, quelle que soit la rue où ils se font jouer, sont sujets à des catastrophes. MM. Théaulon et Fulgence ont considéré que le No. 13 était déjà assez hasardeux, et que s'il leur arrivait malheur, la rue de Chartres serait pour eux la rue Catastrophe : ils ont changé le second titre. La scène est à Rheims, dans la rue des Deux Anges, devant la maison de M. Bodin, No. 13. Les deux auteurs ont eu, en effet, chacun un bon ange qui les a garantis des accidents auxquels ils devaient s'attendre cette nuit-là. M. Bodin, notaire, doit marier sa pupille le lendemain, et le futur n'est pas encore arrivé : il n'arrivera que trop tôt, car il n'est point aimé, quoiqu'il soit fort aimable : son nom est Saint Amand : c'est un petit-maître d'une tournure heureuse ; mais Hortense la pupille, a laissé prendre son cœur par un certain Jules, clerc de son tuteur. Le fortuné Saint Amand, qui vient pour épouser, rencontre en chemin le malheureux Jules qui vient aussi : on ne sait trop pourquoi : sans doute pour être témoin du bonheur de son rival : leur connaissance, qui se fait dans la diligence, va si grand train, qu'ils sont déjà les plus intimes amis en arrivant. Le généreux Saint Amand, avant de songer à ses affaires, veut assurer le sort de son ami : il imagine je ne sais quelle fourberie d'un faux contrat qu'il fait faire au notaire. Cette fourberie est aussi obscure qu'invraisemblable : je n'y ai rien compris : on voit seulement que Saint Amand a trouvé le secret de faire dresser par le notaire un contrat qui marie Hortense avec Jules. Ces faux contrats, qui sont la ressource des pièces du Boulevard, sont des imaginations tout-à-fait extravagantes : mais enfin le notaire, qui s'est laissé duper, obéit aux clauses de ce faux acte, contre lequel il lui serait si facile de revenir. Saint Amand après avoir si bien marié son intime ami de la diligence, songe à son propre mariage. Il n'a pas seulement encore lu l'adresse de sa lettre de recommandation : et quand l'idée lui en vient, il reconnaît qu'il a travaillé contre lui-même, qu'il a marié son ami Jules précisément à celle qui lui était destinée, et qu'il ne lui reste qu'à reprendre la diligence.

Il y a quelques couplets où l'on a cru trouver de l'esprit ; le plus heureux est un couplet du vaudeville final, ayant pour refrain ; La suite au numéro prochain. Il a dû son succès, au peu de faveur dont jouissent les journalistes dans un parterre composé d'amis de l'auteur et des acteurs. Qu'on juge s'il méritait les honneurs du lis !

Admirez ce fameux critique ;
Il est partout cité, vanté
Dans sa feuille périodique :
Quelle rare facilité !
Sans penser se hâtant d'écrire,
Il va currente calamo ;
Et quand il ne sait plus que dire,
...La suite au prochain numéro.

Quel est ce critique fameux que l'on cite, que l'on vante, dont on admire la rare facilité : je me rends trop de justice, et je me connais trop bien pour m'attribuer un si pompeux éloge. D'ailleurs, je n'ai point l'art d'écrire sans penser : c'est un art que les faiseurs de couplets pourraient enseigner aux journalistes. Je ne mets jamais la suite au numéro prochain à la fin de mes articles, et quand je les finis, j'ai toujours beaucoup à dire. Quel que soit le journaliste contre lequel le trait est décoché, sa blessure est bien légère. Ce vaudeville non sifflé, et très-digne de l'être, sera sans doute bientôt suivi d'un meilleur, et j'invite les auteurs qui se sont hâtés d'écrire celui-ci sans penser, de mettre au bas :

La suite au numéro prochain.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome IV, p. 427 :

[Compte rendu limité à un résumé de l’intrigue, plutôt positif, sans réaction devant le manque d’originalité pourtant évident de cette histoire de tuteur qui veut marier sa pupille. Un seul reproche : « quelques longueurs ». Mais la pièce a réussi, et les auteurs sont nommés.]

N.° 13, ou la Nuit avant la noce, vaudeville en un acte, joué le 2 août.

La scène est à Reims, rue des Deux-Anges, au coin de la rue de la Belle-Image, devant la maison, n.° 13. C'est celle de maître Bonin, notaire public, qui attend de Paris M. Saint-Amand, auquel il destine la main de sa pupille Hortense ; mais la jeune personne a fait un autre choix ; elle aime Jules, qui a été clerc chez son tuteur. Cependant tout est prêt pour la noce qui doit être honorée de la présence de tout ce qu'il y a de mieux à .Reims, et même de celle de M. l'auditeur sous-préfet : il ne manque plus que le futur ; il arrive pendant la nuit avec un de ses amis intimes dont il a fait la connoissance dans la voiture publique ; cet ami est Jules. Déja les deux jeunes gens se tutoyent. « Une connoissance faite en diligence doit, disent-ils, aller grand train. » Ils se sont fait réciproquement confidence du sujet de leur voyage, et Saint-Amand, qui ne se marie que par complaisance pour son oncle et ses créanciers, jure de ne se présenter à sa future que quand il aura assuré-le bonheur de son ami. Il l'aide à enlever Hortense, à faire signer par supercherie un contrat au tuteur, enfin il travaille avec tout le zèle possible à mettre sa prétendue entre les mains de son rival.

Quand il a rempli son serment, il songe à ses propres affaires. Il tire de sa poche la lettre qu'il doit remettre au tuteur de sa future épouse. Quelle est sa stupéfaction, lorsqu'il lit sur l'adresse : M. Bonin, rue des Deux-Anges, n.° 13, et qu'il reconnoît qu'il est lui-même cet épouseur malencontreux aux dépens duquel il se promettoit de rire de si bon cœur. M. Saint-Amand a trop de philosophie pour ne pas prendre gaiement son parti, et tout finit à la satisfaction générale.

La pièce offre quelques longueurs. Elle a réussi ; elle est de MM. Théaulon et Fulgence.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1813, p. 292-293 :

[Le 13, numéro fatal ? Ici, il s’agit seulement d’une adresse, quoique le critique soupçonne que ce nombre ait porté malheur aux auteurs, car leur pièce ne vaut pas grand chose à ses yeux : « une demi-douzaine de scènes sans intention et sans comique, [… une] pièce […] froide et languissante, [des] couplets [...] insignifians, [des] calembourgs » sans à-propos ni gaîté. Même le choix des airs est jugé maladroit. Le résumé de l’intrigue, une « pauvre intrigue », montre qu’elle n’est guère originale, la ruse employée pour enlever la jeune pupille étant même un emprunt fait à une pièce de Picard. Le dénouement est d’une grande facilité. Les plaisanteries qui assaisonnent la pièce sont « mortellement ennuyeuses ». Le public n’en a pas moins écouté (curiosité ? indulgence ?) et les auteurs ont été nommés : un débutant et un expérimenté qui avait habitué à mieux.]

Théâtre du Vaudeville.

Le n°. XIII, ou la Nuit d'une veille de Noces.

Le n°. XIII avait piqué la curiosité ; on croyait trouver quelques plaisanteries sur l'espèce de fatalité que le peuple attache à ce nombre, et cela pouvait fournir quelques détails assez piquans. Mais le nombre 13 n’est ici que le numéro d'une maison, et je serais presque tenté de croire qu'il a exercé sa maligne influence sur les auteurs de la pièce nouvelle. Ils ont fait de vains efforts pour coudre ensemble une demi-douzaine de scènes sans intention et sans comique, pour aiguiser la pointe indispensable qui doit terminer les couplets. Leur pièce est froide et languissante, leurs couplets sont insignifians, leurs calembourgs même manquent d'à-propos et de gaîté. La maligne influence s'est même étendue jusque sur le choix des airs. Ce choix n'est pourtant pas indifférent ; des airs aimés du public, connus sans être communs, font passer des paroles médiocres, et laissent au moins dans l'oreille du spectateur une impression agréable.

La scène est en province. Il s'agit d'un tuteur qui veut marier sa pupille à sa fantaisie, tandis que celle-ci lui oppose les obstacles d'usage, et ne veut épouser que son amant. Le tuteur est notaire ; Mlle. Rosalie, sa pupille, est devenue amoureuse du maitre-clerc, qui s'appelle Jules; et le notaire a pris le parti d’envoyer M. Jules à Paris. Mais Rosalie est aussi fine que son tuteur ; elle ne sait pas plutôt que le jeune Saint-Amand doit arriver pour l'épouser, qu'elle écrit à Jules de venir l'aider à rompre ce fatal mariage. Cependant la cérémonie est fixée au lendemain ; il est déjà minuit, et l'on n'a encore entendu parler ni du futur ni de l'amant. Le tuteur se dépite, Rosalie se désole, et pour calmer leurs chagrins, ils vont se coucher. Mais à peine sont-ils rentres dans leur maison, que Saint-Amand et le jeune clerc arrivent ensemble. Tous deux viennent de Paris, ils ont fait connaissance en route, et ne savent point qu'ils sont rivaux, quoiqu'ils se soient fait mutuellement confidence du sujet de leur voyage. Saint-Amand, dont on aurait voulu faire un fat, et dont on n'a fait qu'un sot, veut finir, dit-il, sa carrière de garçon par un coup d'éclat ; il se charge d'enlever Rosalie pour son ami. Il est probable que Saint-Amand a vu jouer le Collatéral de M. Picard, car il se sert, pour éloigner le notaire, du même moyen qu'emploie l'avocat pour se débarrasser du médecin. Il éveille le . tuteur, et l'envoie à l'autre bout de la ville sous prétexte qu'on a besoin de son ministère pour un acte très-pressé.. Cela fait, Rosalie sort sans obstacle, et s'en va avec son amant. Après ce bel exploit, Saint-Amand s'avise enfin de lire la lettre du tuteur de sa future et l'adresse de ce tuteur : Rue des Deux-Anges, n°. 13. Il est dans la rue des Deux-Anges, et ne tarde pas à s'appercevoir que la maison dont il vient de faire sortir Rosalie, est précisément le n°. 13. Afin qu'il ne lui reste plus de doute, les violons et les gens priés pour la fête arrivent. Apparemment que le plaisir d'aller à la noce les a éveillés de bonne heure, car il ne doit guère être que deux heures du matin. Bientôt le tuteur survient aussi avec sa pupille qu'il a rencontrée je ne sais où. Saint-Amand se pique de générosité : il cède à Jules la main de Rosalie. Toute cette pauvre intrigue est assaisonnée de petites plaisanteries qui meurent d'envie d'être libres ou méchantes , et qui ne sont que mortellement ennuyeuses.

Soit curiosité, soit indulgence, le public a écouté la pièce jusqu'à la fin Sans marquer trop de mécontentement : il a même demandé les auteurs, et Henri est venu nommer MM. Théaulon et Fulgence. Ce dernier n'est pas, ce me semble, encore très-célèbre ; mais, à coup sûr, il faut que le nombre treize ait influé cette fois sur l'esprit de M. Théaulon, qui a fait plusieurs jolis vaudevilles.

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