Créer un site internet

Les Noces de Gamache (opéra-comique 1815)

Les Noces de Gamache, opéra-comique en 3 actes, paroles de Planard, musique de Bochsa, 16 septembre 1815.

Théâtre de l’Opéra Comique.

Titre :

Noces de Gamache (les)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

16 septembre 1815

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Planard

Compositeur(s) :

Bochsa

Les Noces de Gamache ont déjà inspiré une pièce au citoyen Milon, jouée en pluviôse an IX, une folie-pantomime (janvier 1801), qualifiée de ballet-pantomime sur la brochure

Journal des débats politiques et littéraires, 18 septembre 1815, p. 1-4 :

[Le nouvel opéra-comique repose sur un épisode célèbre du Don Quichotte, et le premier soin du critique est de contester la possibilité d’une telle adaptation : l’épisode repose sur le conflit, classique au théâtre, entre l’amour et l’intérêt ; dans le roman, le stratagème qu’il met en jeu est « aussi ingénieux que vraisemblable » (rappelons que Basile, l’amoureux éconduit, fait semblant de se tuer pour obtenir la main de celle qu’il aime, et il réussit à épouser Quitterie !). L’adapter au théâtre pose de grands problèmes : la première part de l’histoire (Basile se lamentant d’avoir été éconduit) n’est guère dramatique, seule la seconde serait « à peu près exécutable », mais il faudrait y garder la place que Cervantès fait jouer à la religion et au curé. Ce sujet peu propre au théâtre a pourtant été souvent adapté à la scène, et le critique en donne deux exemples, peu convaincants. L'adaptation en comédie, comme l’a fait Planard (la pièce nouvelle) pose le problème du style : imiter celui de Cervantès et passer pour un simple copiste, ou accepter de se comparer à lui en tentant de se substituer à lui. Enfin, il faut être gai quand on fait parler Don Quichotte et Sancho, ce que n’a pas été Planard. L’analyse détaillée de l’intrigue conduit à une conclusion définitive : la pièce a une double intrigue, entre lesquelles l’intérêt est dispersé. Cette dualité est un « double vice capital auquel on n'a. jamais connu de remède ». De plus, le critique est très sévère avec la musique de Bochsa, froide et sans couleur ni vérité dramatique : de la mauvaise musique de théâtre ; le malheureux compositeur est prié de ne pas se laisser aller à sa facilité et à chercher la qualité avant l’abondance. Les auteurs ont certes été nommés, mais dans le bruit mêlé des applaudissements et des murmures désapprobateurs.]

OPERA-COMIQUE.

Première représentation des Noces de Gamache, opéra comique es trois actes et en prose, paroles de M. Planard, musique de M. Bochsa.

L'épisode des Noces de Gamache, dans le célèbre roman espagnol, n’a rien d’extraordinaire que le dénoûment. Un berger sans fortune est sacrifié par sa maîtresse à un laboureur opulent ; celui-ci étale dans la célébration de ses noces un faste ridicule : l'amant malheureux se désespère et se consume dans la langueur et les regrets Tout cela sans doute est naturel, et relevé par les grâces inimitables du style, forme une narration intéressante dans l’ouvrage original ; mais jusques là le fond de cette aventure n'offre point de situations piquantes et dramatiques. Rien n'est si commun au théâtre que ce combat de l’amour et de 1’intérêt : les pères, les tuteurs se rangent du côté de la fortune ; les jeunes gens, les valets, les intrigans du côté de la passion et la comédie étant, comme on sait l'école des mœurs, c'est toujours la passion qui triomphe.

Dans le roman, le stratagème qui enlève la belle Quitterie à Gamache est aussi ingénieux que vraisemblable. On connoît d'avance le long désespoir de Basile ; on suit le malheureux berger dans le creux des vallées, sur le sommet des montagnes, on entend les échos retentir de ses plaintes. amoureuses ; sa fureur s’accroît par la cruelle ostentation de son rival. Le moment de la catastrophe arrive : il accourt avec avec toutes les marques d’une douleur désespérée ; il va périr sous les yeux de son ingrate maîtresse ; il se précipite sur le fer : on frémit en voyant l’épée enfoncée jusqu’à la garde dans sa poitrine ressortir toute sanglante derrière son épaule. L'illusion est complète ; le lecteur est dupe comme Gamache et les autres spectateurs. Le bon curé engage Quitterie à consoler, par un mariage sans conséquence et de quelques minutes les derniers instans d'un amant aussi fidèle. Les parens, les amis de Gamache lui-même déterminent son consentement ; on met la main de Quitterie dans la main défaillante de Basile ; les paroles irrévocables sont prononcées ; la religion bénit l’union des deux époux : à l'instant la scène change ; Basile se relève lestement, jette au loin l'épée, le tuyau de fer b1anc et la vessie, instrumens de son innocent artifice. On le porte en triomphe dans sa maison avec sa nouvelle conquête, et Gamache en est pour les préparatifs orgueilleux de ces noces.

Des deux parties de cette narration, la première seroit évidemment froide au théâtre ; la seconde, à peu près exécutable Si vous retranchez le rôle du curé et les motifs de religion si admirablement développés dans Don Quichotte, vous détruises tout l’effet : qu'un amant vienne se poignarder sous le» yeux de son heureux rival, aucun motif humain ne-pourra, ce me semble, déterminer celui-ci à faire le sacrifice de sa femme à- un homme tout près d'expirer ; et c'est cependant pour ce sacrifice que l’aventure est imaginée Si ces observations sont vraies, il suit que l'historiette des Noces de Gamache, telle que Cervantes l’a conçue, n'auroit jamais dû être transportée sur la scène, et cependant il en est peu que l'on ait essayé plus souvent d’y introduire.

Il y a environ un siècle que Fuzelier, l’aimable collaborateur de Le Sage et de Dorneval, essaya ce sujet au théâtre Italien. La pièce dut avoir peu de succès, puisqu'elle n'est pas même analysée dans la volumineuse histoire de ce théâtre, et qu’elle n’est point imprimée dans le recueil des Œuvres de cet auteur.

Dans le cours de la révolution, les Noces de Gamache furent mises en pantomime sur l'un des théâtres du Boulevard. M. Milon en a fait un ballet à l'Opéra ; mais, sans le livret et l'apparition du fameux Rossinante et de l’âne de Sancho, il seroit impossible..de deviner la source où le chorégraphe a puisé.

Des tableaux et des danses ne peuvent rendre que très imparfaitement une série d'événemens dont le dialogue fait presque tout le mérite. Qu'est-ce que don Quichotte sans ses graves sermons ? Qu'est-ce que Sancho sans ses proverbes ? C'est probablement cette considération nui a déterminé M. Planard à présenter les Noces de Gamache sous la forme d'une comédie embellie de danses et de musique ; mais, indépendamment de la difficulté fondamentale du sujet, que, par les raisons déduites plus haut, je crois insurmontable, l'auteur s'en împosoit une autre non moins embarrassante, celle d'établir à chaque phrase une comparaison dangereuse entre son style et celui de Cervantes. Point de milieu : il falloit ou le copier, ou hasarder de faire autrement: Dans le premier cas, l'amour-propre de l'écrivain ; dans le second, le goût du spectateur étoit blessé. Transcrire des -pages de Don Quichotte, c’étoit une humiliation pénible ; y substituer les siennes, une témérité périlleuse ; suivre pas à pas la narration originale où étoit le mérite ? S' en écarter, que devenoit la comédie ? C’étoit bien, si on le veut absolument, c'étoit bien encore des noces ; mais ce n'étoit pas celles de Gamache.

Ajoutez que le titre seul imposoit à l'auteur .l’obligation d’être très plaisant. Or suivant le conseil de La Fontaine,

           Il ne faut jamais dire aux gens :
Ecoutez un bon mot, oyez une merveille.

Annoncer don Quichotte, c’est promettre de la gaîté, et M. Planard n'a pas tenu parole.

Voici comment il a arrangé sa fable :

Quitterie est la fille d'Antonio, aubergiste de village : elle est aimée de Basile, et doit dans le même jour lui donner la main.

Perès, ce même barbier à qui don Quichotte a enlevé l’armet de Mambrin, vient d'être nommé intendant de Gamache, petit paysan qui naguère ne possedoit pas trois arpens de terrain, mais qui, par la mort d'un de ses oncles, décédé au Mexique, vient d'hériter d’une fortune immense. Perès, pour s'acquitter envers Antonio de quelques crédits que l'aubergiste lui a faits, propose à ce père avare d'inspirer à Gamache l'idée de supplanter Basile et d'épouser Quittterie. L'affaîre est bientôt conclue à l'insu des deux amans.

Basile est allé au château de Mme la duchesse, solliciter un emploi de garde-chasse ; mais l'homme d'affaires exige pour l'expédition du brevet un pot-de-vin de 200 ducats. Où les trouver ? Gamache seul est assez riche pour les lui prêter : il a bon cœur, il est son cousin. Basile les lui demande ; Gamache ne se fait point tirer l'oreille, et prête du très bonne grâce les 200 ducats. Basile devenu garde-chasse, se croit bien plus assuré de la main de Quitterie.

Pendant que les villageois préludent par des danses à la fête qui doit terminer la journée, un grand bruit annonce l'arrivée de don Quichotte et de son écuyer. Les uns s'enfuient ; les autres, avec une curiosité inquiète, entourent les deux grotesques personnages. Sancho, dans un très long récitatif, déclame contre les inconvéniens de la chevalerie errante. Son maître paroît et le somme d'acquitter la promesse qu'il lui a faite de désenchanter Dulcinée en s'appliquant ou se faisant appliquer trois mille trois cents coups d'étrivières. Après une longue résistance, Sancho, intimidé par les menaces et par l'épée flamboyante de don Quichotte, consent à subir la fustigation convenue. Fanchette, servante d'Antonio, lui prête officieusement son ministère. Toute cette parade seroit assez gaie si elle tenoit au fond du sujet ; mais c’est un hors-d'.œuvre, un incident étranger qui fait languir l'action. Le désenchantement de Dulcinée n'a aucun rapport avec le mariage: de Quitterie,

Gamache vient déclarer à cette belle -qu'il est résolu à lui offrir sa main. Quitterie, trompée par quelques mots équivoques, lui exprime sa reconnoissance pour sa conduite généreuse envers Basile. Gamache, de son côté,, prend pour de l'amour l'expression naïve de la sensibilité de Quitterie. Cette scène est bien conduite ; mais c'est à peu près la seule où l'on trouve quelque intelligence des effets de théâtre.

Enfin Quitterie est instruite des changemens survenus dans son sort ; elle fait part de sa douleur à don Quichotte, qui, fidèle aux lois de la chevalerie, promet de redresser ses torts et de punir l’audacieux qui veut usurper les droits de Basile ; mais Gamache n’est point chevalier : don Quichotte ne peut se mesurer avec lui ; c'est un emploi qui revient de droit à son écuyer. Voilà donc Sancho obligé de se battre contre Gamache. Don Quichotte est le juge du camp : les deux champions, mourant de peur l'un et l'autre, s'attaquent, se défendent avec des démonstrations qui trahissent, leur lâcheté. Cette scène est encore assez comique ; mais elle est tout entière dans Jodelet maître et valet.

Sancho est vaincu, et le mariage de Gamache ne paroît plus devoir éprouver d'obstacles. Tout à coup on apprend que Basile vient de se percer d’un coup d'épée : il arrive soutenu par don Quichotte et par Sancho. Quitterie s'abandonne à la plus vive douleur. Gamache en conclut qu'il n'étoit point aimé. « Mon intendant dit-il, est un fripon, et moi je suis un imbécille. Je renonce à Mlle Quitterie : tâche de ressusciter et je te la donne avec une fière dot. » Don Quichotte menace d'exterminer toute !a famille si l’on n'unit pas l’instant ces deux victimes de l’amour. Basile se remet sur ses deux pieds, fait voir qu'il n'est pas blessé et chante en chœur avec tout le village :

Vive l'adresse
El la finesse !
C'est un tour
De l’amour.

On peut voir, par cette analyse, combien les parties de cet opéra sont incohérentes : on pourrait au besoin, y trouver deux pièces. Réunies ou séparées, .elles pècheroient toujours par le défaut d'intérêt et de gaieté, double vice capital auquel on n'a. jamais connu de remède. La médecine s'exerce avec fruit sur un corps encombré d'humeurs surabondantes ; mais quand le principe même de la vie est attaqué, elle se retire et laisse la nature achever douloureusement son ouvrage.

Je n'ai point .encore parlé de la musique : hélas ! et qu'en pourrois-je dire ? Comment analyser ce qui n'a point de substance ? comment peindre ce qui n'a pas de couleur ? Certes, ce n'est point la facilité, ce .n'est point le mécanisme de la composition qui manque à M. Bochsa : c'est la chaleur, c'est l'expression, c'est la vérité dramatique. Il est fort jeune, dit-on, et le voilà à son cinquième opéra. Sur ces cinq ouvrages, il en est deux que le sujet a soutenus et soutiendra long-temps au théâtre ; mais ces succès, dont la cause est-étrangère à l'art, ne contribuent que bien légèrement à la gloire de l'artiste..M. Bochsa a besoin de travailler plus difficilement : qu'il se défie de cette abondance qui s'épuise en productions éphémères, et qui, quant aux résultats, ne diffère en rien de la stérilité. Qu’il me permette dans l'intérêt même de son talent, de lui rappeler un apologue persan : « Une hase, qui venoit de mettre bas sa portée, se vantoit à la lionne de sa fécondité. – Je ne fais que deux petits, lui répondit la lionne indignée, mais mes enfans sont des lions. »

On a demandé les auteurs, et c'est au milieu d'un orage confus d'applaudissemens et de murmures que leurs noms ont été proclamés.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année, 1815, tome V, p. 190-191 :

[Le roman de Cervantes a souvent servi de source d’inspiration aux auteurs de théâtre, mais sans grande réussite, d’après le critique. La pièce nouvelle ne fait pas exception : encore les Noces de Gamache, et encore un succès très incertain (« la froideur de l'ouvrage et le mauvais accueil qu'il avoit reçu aux premières représentations »), mais il restera peut-être au théâtre. Pas d’analyse : à quoi bon, tout le monde connaît l’histoire. La musique paraît supérieure au livret, puisqu'elle « n'a pas peu contribué à soutenir le poème ». On a le nom des auteurs.]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Les Noces de Gamache, opéra comique en trois actes.

Dom Quichotte et Sancho Pança, ces deux héros de Michel Cervantes, si comiques dans son immortel Roman, n'ont presque jamais réussi au théâtre ; et l'auteur de la pièce nouvelle, n'ayant pas profité des exemples de ceux qui l'avoient précédé dans une semblable entreprise, y a échoué comme eux. Cependant, malgré la froideur de l'ouvrage et le mauvais accueil qu'il avoit reçu aux premières représentations, on a continué de le jouer, et il se soutiendra peut-être quelque temps. Je n'entreprendrai point d'en donner l'analyse. Qui n'a pas lu le charmant épisode des amours de Basile et Quitterie ? La musique, de M. Bochsa, n'a pas peu contribué à soutenir le poème de M. Planard.

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 342, les Noces de Gamache, créées le 16 septembre, ont connu 13 représentations.

Ajouter un commentaire

Anti-spam