L'Ombre de Mirabeau

L'Ombre de Mirabeau, pièce épisodique en 1 acte, en vers libres, de Jean-Élie Bédéno Dejaure, 7 mai 1791. 

Théâtre Italien

Titre :

Ombre de Mirabeau (l’)

Genre

pièce épisodique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers libres

Musique :

non

Date de création :

7 mai 1791

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

Jean-Élie Bédéno Dejaure

Almanach des Muses 1792

Encore Mirabeau aux Champs Élysées. Dans cette pièce-ci, il s'entretient avec Démosthènes, Cicéron, Voltaire, Rousseau, Mably, Frédéric II, et Brutus ; du-moins leur parle-t-il suivant leurs talens et leurs caractères.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Cailleau, 1791 :

L'Ombre de Mirabeau, pièce épisodique, en un acte, en vers libres. Représentée, pour la première fois, par les Comédiens Italiens, ordinaires du Roi, à Paris, le 7 Mai 1791.

Journal de Paris, 1791, 4/6, n° 129 (Lundi 9 Mai 1791), p. 516 :

THÉATRE ITALIEN.

Il est difficile de rendre compte d'une Pièce épisodique qui, entièrement dépourvue d'action, n'offre aucun point fixe au Narrateur. L'Ombre de Mirabeau, donnée avant-hier à ce Théâtre, est composée d'une suite de conversation entre cet homme célèbre & Voltaire, Rousseau, Mably, qui se réjouissent avec lui de la Révolution Françoise, prédite par eux & préparée par leurs écrits. Le Roi de Prusse soutient la cause du despotisme, Brutus, le Consul de Rome, celle de la liberté : Mirabeau fait revenir celui-ci de sa haine contre les Rois en lui faisant le portrait du nôtre. Un Garde National, nouvellement mort, vient faire à Mirabeau le récit des honneurs que lui rend la France, & la description de son convoi : Rousseau lui met sur la tête une couronne civique.

Cette pièce est pleine de traits qui, pour la plupart, ont beaucoup réussi : quelques-uns cependant ont excité des murmures. La Pièce a paru écrite avec soin quoiqu'avec simplicité. L'auteur est celui de Louise et Volsan ; de l'Incertitude maternellr ; du franc Breton, & d'autres Ouvrages qui tous ont eu du succès. Celui-ci pourra faire encore plus de plaisir, quand les scènes seront plus reserrées.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 22 du samedi 28 mai 1791, p. 146 :

[Au cours d’une saison dramatique peu riche, la pièce épisodique mettant en scène Mirabeau mort récemment et qui fait dialoguer Mirabeau avec « plusieurs grands personnages de l’Antiquité » (mais il dialogue aussi avec des philosophes modernes) n’a pas déplacé les foules : pièce « très estimable pour le style », mais pas d’intrigue (c’est dans la nature du genre...), pas d’intérêt théâtral.]

Les autres Théatres n'ont offert aucun succès brillant, depuis que l'abondance des matieres nous a empêchés d'en entretenir nos lecteurs. On a vu au Théatre Italien l'Ombre de Mirabeau, Piece épisodique de M. de Jaure, dans laquelle cet Orateur célebre s'entretient avec plusieurs grands personnages de l'Antiquité. Cet Ouvrage, très-estimable pour le style, mais dépourvu, ainsi que le genre l'exige, de toute action dramatique, n'a pas amené l'affluence. L'intérêt que la Révolution inspire, si puissant qu'il puisse être, a besoin d'être soutenu par l'intérêt théatral.

L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingtième année (1791) tome 6, juin 1791, p. 334-337 :

[Première critique de la pièce : les différents interlocuteurs de Mirabeau sont porteurs des idées politiques que l’auteur souhaite promouvoir. Tout tourne à la gloire de Mirabeau : la rencontre avec les orateurs antiques, avec les philosophes modernes, Frédéric II lui-même, bien qu’il reste prisonnier de son statut de « despote ». Brutus enfin permet de faire l’éloge de Louis XVI, qui rencontre visiblement l’adhésion enthousiaste du public (la pièce devient consolation du roi contre « l'égarement préparé de quelques citoyens trompés par des factieux ». Enfin le récit des obsèques de Mirabeau montre sa gloire posthume. Le jugement de la pièce est positif : elle est bien écrite, bien construite, montrant bien les personnages mis en scène. Un seul reproche, quelques longueurs bien sûr (mais le reproche est récurrent).]

On a donné le samedi 7 mai , la première représentation de l'Ombre de Mirabeau, piece épisodique, en un acte & en vers libres; par M. de Jaure.

Cette piece a eu plus de succès que la précédente. L'auteur fait passer successivement en revue Démosthene & Cicéron, auxquels l'orateur françois fait hommage de l'éloquence mâle & vigoureuse qu'il avoit puisée dans leurs écrits, & qui a opéré tant de miracles sur la terre ; Rousseau, Voltaire & Mably, qui apprennent avec transport que l'édifice de la liberté, dont ils avoient jetté les fondemens dans leurs ouvrages, touche à sa perfection dans leur patrie ; enfin le roi de Prusse, Frédéric II, qui, encore tant soit peu despote dans l'autre monde, a de la peine à se familiariser avec le système de la liberté des peuples, système que la philosophie de ce prince lui eût fait embrasser avec transport, si, comme il le dit lui-même, il n'eût été roi. Ensuite paroît Brutus, premier consul de Rome ; il s'empresse de venir lier amitié avec un homme qui, ainsi que lui, a brisé le joug du despotisme ; d'abord il frémit en apprenant que les François ont gardé leur monarque ; tous les sceptres sont à ses yeux le sceptre de Tarquin ; mais le tableau fidèle de l'heureuse combinaison des deux pouvoirs, & sur-tout celui des vertus du prince régnant, fait tomber la haine du fier républicain, & le réconcilie avec le nom de roi. Le dernier personnage qui paroît, est un citoyen-soldat, nouvellement descendu dans ce séjour des morts. Il vole vers Mirabeau, lui apprend le deuil dans lequel sa perte a plongé toute la France ; & pour consoler sa grande ame, qui gémit de ne pouvoir plus être utile à son pays, il lui peint les honneurs extraordinaires rendus à sa cendre & à sa mémoire. Enfin toutes les ombres, pleines d'admiration pour son patriotisme & ses rares talens, lui décernent la couronne civique.

Cette piece a été bien accueillie. La versification en est facile & coupée avec intelligence. L'auteur a su s'élever à la hauteur du sujet. Les traits fougueux & énergiques de Mirabeau, le génie vif & sublime du vieillard de Ferney, y sont bien conservés. Le portrait de Jean-Jacques sur-tout a paru bien dessiné. Toutes ses paroles respirent cette philanthropie, cette sensibilité brûlante qui a fait le tourment de sa vie, mais à laquelle il doit sa gloire immortelle. Nous ne nous permettrons qu'un seul mot de critique. Peut-être l'auteur, pour donner à sa piece une marche plus rapide, devroit il couper davantage le rôle de Frédéric, & sur-tout élaguer quelques détails trop minutieux dans la description des funérailles de son héros. Au reste, cette production honore infiniment le civisme & les talens de M. de Jaure, qui, encore jeune, a déja enrichi ce théâtre de plusieurs pieces qui annoncent beaucoup d'esprit & de facilité, telles sont Louise & Volsan ; le Franc-Breton , &c.

On voit que l'auteur a été très-discret dans plusieurs endroits de la piece, & qu'il a senti que certains objets sont trop délicats, sur-tout au tems où nous sommes, pour être discutés au théatre. II faut lui tenir compte de cette retenue. L'éloge du roi, fait par Mirabeau, dans la scène avec Brutus, a excité des transports universels, & qui ont duré cinq minutes avant qu'on pût reprendre la scène: Cet hommage vrai, & parti du cœur, est bien capable de dédommager notre monarque de l'égarement préparé de quelques citoyens trompés par des factieux.

L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingtième année (1791) tome VII, juillet 1791, p. 285-286 :

[Second compte rendu de la pièce, plus court, mais reprenant globalement les mêmes idées, en plus resserré.]

THÉÂTRE ITALIEN.

Le 7 mai, on a donné à ce théâtre l'ombre de Mirabeau. II est difficile de rendre compte d'une piece épisodique qui, entièrement dépourvue d'action, n'offre aucun point fixe au narrateur. L'ombre de Mirabeau est composée d'une suite de conversation entre cet homme célèbre & Voltaire, Rousseau, Mably, qui se réjouissent avec lui de la révolution françoise, prédite par eux & préparée par leurs écrits. Le roi de Prusse soutient la cause du despotisme, Brutus, le consul de Rome, celle de la liberté : Mirabeau fait revenir celui-ci de sa haine contre les rois en lui faisant le portrait du nôtre. Un garde national, nouvellement mort, vient faire à Mirabeau le récit des honneurs que lui rend la France, & la description de son convoi :Rousseau lui met sur la tête une couronne civique.

Cette piece est pleine de traits qui, pour la plupart, ont beaucoup réussi : quelques-uns cependant ont excité des murmures. La piece a paru écrite avec soin quoiqu'avec simplicité. L'auteur est celui de Louise et Volsan; de l'Incertitude maternelle ; du franc Breton & d'autres ouvrages qui tous ont eu du succès. Celui-ci pourra faire encore plus de plaisir, quand les scènes seront plus resserrées.

D'après la base César, la pièce de Dejaure a connu 7 représentations, du 7 mai au 5 juin 1791.

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