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Ovinska, ou les Exilés en Sibérie

Ovinska, ou les Exilés en Sibérie, drame lyrique en trois actes, de Bidon de Villemontez, musique de Gaveaux, 29 frimaire an 9 [20 décembre 1800].

Théâtre Feydeau.

Titre :

Ovinska, ou les Exilés en Sibérie

Genre

drame lyrique / opéra

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

29 frimaire an 9 [20 décembre 1800]

Théâtre :

Théâtre Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Bidon de Villemontez

Compositeur(s) :

Gaveaux

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez André, an IX – 1801 :

Ovinska, ou les Exilés en Sybérie, drame lyrique en trois actes. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre Feydeau, le 29 frimaire an IX. Paroles du C. Villemontez. Musique du C. Gaveaux.

Courrier des spectacles, n° 1392 du 30 frimaire an 9 [21 décembre 1800], p. 2 :

[La pièce a un sujet historique : elle revient sur la disgrâce de Menzikoff, favori de Pierre le Grand et devenu gouverneur de l’Ingrie avant d’être exilé en Sibérie. Le compte rendu commence par l’évocation de l’avant-scène, puis raconte par le menu les aventures de la fille de Menzikoff, Ovinska, amoureuse du fils des Dolowski, qui se cache sous l'identité d’un Tartare, ce qui rend furieux son père quand il découvre qui est celui qui courtise sa fille. Les Tartares, ennemis de Menzikoff, prennent tout le monde en otages, mais tout s’arrange finalement de façon bien artificielle : un courrier du czar met fin à l’exil des Menzikoff et des Dolowski. Ce dénouement est évidemment critiqué, tout comme l’ensemble de l’acte 3 (celui de l’interventiond es Tartares). De plus le dialogue est « souvent fastidieux » et multiplie les « sentences rebattues » : le livret est jugé « un ouvre=age extrêmement foible ». S’il a rencontré le succès, c’est grâce aux deux premiers actes, par la musique et les décors, par le jeu des interprètes, et particulièrement madame Scio. L’article donne enfin le nom du compositeur (le parolier n’a pas été donné) et des responsables des décors. Et il annonce un autre article que je n’ai pas trouvé dans les journaux suivants.]

Théâtre Feydeau.

L’histoire de Menzikoff qui avoit été traitée par l’un de nos meilleurs écrivains, a fourni le sujet de l’opéra qu’on a représenté hier pour la première fois, et avec succès, sur ce théâtre.

Menzikoff après avoir joué le rôle le plus brillant à la cour du Czar Pierre, est devenu victime de la jalouse ambition des Dolowski, et a été exilé au fond des déserts de la Sibérie. C’est-là que ce vieillard vertueux s’est formé, à force de peine, une habitation souterraine qui le met à l’abri des incursions des Tartares, auxquels il s’étoit rendu redoutable. Là il vit ignoré avec son fils, Ovinska sa fille, et deux fidèles serviteurs qui n’ont pas voulu l’abandonner. La femme de Menzikoff est morte en se rendant en exil, et son époux a déposé ses restes sur le revers d’une montagne voisine de sa demeure sauvage.

Cependant les Dolowski ont à leur tour encouru la disgrâce de Pierre le grand qui a également exilé au fond des neiges de la Sibérie le père et le fils. Ce dernier est aimé d’Ovinska et se rend auprès d’elle en cachant son nom à Menzikoff, et se faisant passer pour un Tartare égaré qui demande l’hospitalité. Il rencontre auprès d’Ovinska un jeune officier Français nommé Valmont, qui parle d’arracher cette infortunée à l’exil. Dolowski, dans un transport jaloux, assigne à celui qu’il croit son rival, un rendez-vous pour l’entrée de la nuit. Valmont accepte et se rend en effet au lieu désigné, après avoir demandé à Ovinska une heure à laquelle il puisse l’entretenir seule.

Cependant il est bientôt de retour, il assiste à la veillée qui se fait dans cette sombre demeure. Après les occupations qui remplissent le tems, on se sépare pour aller se livrer au repos.

Ovinska reste seule avec Valmont, elle est dans l’attente du secret que doit lui confier l’officier français, mais sa surprise égale sa frayeur quand elle le voit introduire Dolowski. Au moment où elle s’entretenoit avec lui, Menzikoff survient, il accueille un courrier venu de Pétersbourg et qui s’étoit égaré en cherchant Dolowski. Il apprend ainsi l’exil de ses mortels ennemis. Menzikoff élève alors plus de soupçons sur le prétendu Tartare ; il ne tarde pas à savoir son véritable nom et l’intérêt que lui porte Ovinska. Son cœur qui ne respire que vengeance se soulève à cette dernière idée , il maudit Ovinska et se retire plein de fureur.

On entend une marche militaire, on voit les Tartares dans leur camp ; ils en sortent bientôt pour aller à la recherche de Menzikoff ; ce vieillard, sans en avoir été apperçu, vient avec sa fille, qu’il accable de reproches, sur le tombeau même de son épouse, et rentre dans son habitation. Ovinska, dans son désespoir, reçoit les consolations d’un exilé : c’est le père de Dolowski, son amant. Un groupe de Tartares revient au camp, veut emmener Ovinska ; d’autres Tartares conduisent Menzikoff, son fils et ses compagnons d’infortune. Tous sont chargés de fers, mais le fils de Dolowski paroît avec Valmont, et les Tartares rendent toute cette famille à la liberté au nom de Dolowski auquel ils doivent leur indépendance. Un dernier incident réconcilie Menzikoff avec ses anciens ennemis, et contribue à l’union des deux amans : c’est l’apparition du courrier dont on a déjà parlé, et qui est porteur du rappel des Menzikoff et des Dolowski.

Ce dénouement n’a point paru heureux, et en général tout ce troisième acte, à l’exception de la scène où Menzicoff conduit sa fille sur le tombeau , a semblé mal conçu. Ces défauts joints à un dialogue souvent fastidieux, et à une espèce de prodigalité de sentences rebattues, ont fait de cet opéra un ouvrage extrêmement foible.

L’intérêt des deux premiers actes, une musique excellente et de belles décorations, ont décidé entièrement le succès, que le jeu des acteurs et sur-tout la voix enchanteresse de madame Scio, ont encore appuyé.

Les auteurs ont été demandés, on est venu dire que celui des paroles n’étoit pas connu, celui de la musique est le citoyen Gaveaux ; ce nom dit tout. Il a été amené sur la scène et couvert des plus justes applaudissemens.

Les décorations sont de la composition des citoyens Matis et Desroche.

Nous donnerons incessamment d’autres dé tails.

B ***.

Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 91, du 1er nivôse an IX, p. 372 :

[Le critique de la Gazette nationale a de nombreux griefs contre la pièce nouvelle, dont l’auteur du livret a choisi prudemment de garder l’anonymat. Citons en vrac l’erreur sur la chronologie, l’utilisation maladroite de la haine entre les deux familles russes, l’intrigue sentimentale mise en scène de façon elle aussi maladroite, le dénouement peu intéressant parce qu’il est à la fois faible et invraisemblable. Ni le style, ni la « disposition des scenes » ne rachètent « les vices du plan », et la liste des défauts est longue. La musique paraît d’abord mieux traitée : elle a été applaudie, et certains éléments sont jugées de qualité. Mais la finale est inégale, parfois faible,et trop longue. Conclusion : « l’ensemble a besoin d'être revu par le compositeur, & peut-être aussi par le poëte ». L’analyse de la musique se poursuit en soulignant le contraste entre l’acte II, jugé bien fait, et l’acte III, globalement critiqué. Le critique profite de l’occasion pour s’adresser à Gaveaux pour lui conseiller de ne pas tenter de sortir du genre où il a réussi, « le genre agréable » pour s’attaquer à une musique savante, celle qui naît avec Gluck de la réunion des écoles étrangères (allemande et italienne), qui veut faire une musique nouvelle inventant une nouvelle forme d’harmonie. Une fois cette mise en garde faire, il ne reste plus qu’à parler de l’interprétation (avec une notation amusante : l’erreur de costume de Fay) et des décorations : les deux sont jugées bonnes.

L’article de la Gazette nationale est partiellement repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome V, pluviôse an IX [janvier-février 1801], p. 229-230. les suppressions portent surtout sur la part négative de la critique de la Gazette nationale, tant pour le livret que pour la musique de Gaveaux. Les critiques développées dans la Gazette ont peut-être paru excessives pour une pièce qui a finalement été un succès.]

THÉATRE FEYDEAU.

Ovinska, opéra en trois actes.

L'auteur de cet opéra nouveau, donné dernièrement à ce théâtre, n'a pas voulu quitter le voile de l'anonyme.

On sait que Menzikoff mourut dans son exil, & qu'après sa mort seulement, ses enfans découvrirent que les Dolgorouski, auteurs de l'exil de leur père, s'étoient comme lui vus bannis à leur tour.

L'auteur, en choisissant Menzikoff pour le héros de son drame, a confondu les époques, déplacé les événemens : il fait paroître Menzikoff vivant en présence de son ennemi. Sa fille, Ovinska, se trouve dans cette situation qui, depuis Chimène jusqu'à Juliette, toujours imitée à la scene, y paroît toujours intéressante & dramatique.

L'auteur a tiré un assez faible parti de la haine qui existe entre les Menzikoff et les Dolgorouski, (auxquels il donne le nom de Doloski), de la position de ces deux rivaux qui ne purent s'asseoir ensemble au faîte des honneurs, et qu'une même infortune accable et réunit dans les horreurs d'un commun exil. L'amour d'Ovinska pour le fils de Doloski, produit quelques scenes mal amenées, peu développées, mais dont le fond est attachant. La réconciliation des proscrits, leur rappel à Pétersbourg, le mariage de leurs enfans, forment le dénoûment : il intéresse peu, moins sans doute parce qu'il n'est point historique, que parce qu'il est faible, et produit par des moyens invraisemblables.

Le style de l'ouvrage ne rachete nullement les vices du plan, et la mauvaise disposition des scenes. On peut reprocher à l'auteur un dialogue sans mouvement et sans chaleur, des lieux communs, de longs raisonnemens composés de sentences rebattues, et ressemblant assez à ce qu'on appelle un sermon en proverbes. Au milieu d'un dialogue en prose, une foule de vers frappent l'oreille de leur cadence imprévue, tandis que, par un contraste bizarre, des phrases prosaïques déparent les passages écrits en vers.

La musique a reçu de très-vifs applaudisemens ; l'ouverture est d'une vigueur & d'une beauté soutenues. Les entr'actes sont des morceaux de genre très piquans, dans lesquels les motifs connus, soit du Pas russe, soit de la Marche des Tartares de Kreutzer, sont ingénieusement introduits : le premier acte offre un beau trio, & une finale dont Chérubini a donné le modèle dans les deux Journées, mais sans donner son secret. Celle de Gaveaux a de très-belles parties, mais elle en a de très-foibles : elle est trop longue ; quelques traits d'un récitatif froid & déclamatoire en suspendent trop souvent le mouvement. L'ensemble a besoin d'être revu par le compositeur, & peut-être aussi par le poëte, qui réussira sans doute à terminer ce morceau autrement que par une froide moralité.

Le second acte, le mieux fait et le plus intéressant de l'ouvrage, est semé de morceaux où le talent naturel et facile de Gaveaux s'est plu à opposer le ton de nos vaudevilles français à celui des romances galliques et des chansonnettes russes. Cette opposition, le talent des chanteurs, et celui de Vernier sur la harpe ont été justement applaudis.

Au troisieme acte, les chœurs des tartares ont paru faibles. L'air d'Ovinska sur la tombe de sa mere nous semblait exiger une autre couleur, un autre mouvement. Nous ne parlerons pas du passage où les tartares, émus à la vue des charmes d Ovinska, changent en madrigaux galans leurs cris de fureur et de vengeance ; cette situation ridicule sera sans doute supprimée.

En général, cette composition fait honneur à Gaveaux ; mais son talent est assez intéressant, pour qu'on lui peigne le danger de l'altérer en en dépassant les bornes : ne peut-on pas lui dire ? « Vous étiez un des premiers compositeurs dans le genre agréable ; vos petits airs étaient des modeles, vos accompagnemens légers étaient charmans. Je crains qu'on ne retienne pas tout Ovinska, et tout le monde sait, répete, entend avec un nouveau plaisir votre premier ouvrage qui fut votre chef-d'œuvre. C'est que l'Amour filial était de vous seul, et qu'Ovinska, production inégale dans ses diverses parties, imitation de différentes écoles, vivant de réminiscences, offrant quelquefois la couleur locale qui lui est propre, et plus souvent s'en montrant dénuée, paraît le fruit d'une longue étude, plutôt que le produit d'une vive inspiration, décele le travail plus qu'elle n'atteste de verve.

« Continuez donc à prétendre au prix du chant et de la mélodie, mais laissez disputer un prix plus difficile e tplus élevé à ces disciples savans de Gluck, qui fondant une école nouvelle sur la réunion de celles d’Allemagne et d’Italie, reculent les bornes de leur art, et suivant l’impulsion de leur génie, semblent contraindre l'harmonie à recevoir des lois nouvelles pour enfanter de nouvelles beautés. »

La pièce est généralement très-bien jouée : madame Scio, dont les moyens ont de plus en plus besoin d’être ménagés, en déploie de très-beaux dans le rôle d’Ovinska. Gaveaux fait preuve de talens dans le rôle ingrat de Doloski. Fay chante bien celui de l’officier français, rôle à-peu-près inutile. Mais en calculant les dates pour le choix de son costume, il s’est trompé d’un siècle ou à-peu-près. Les décorations sont belles, elles font honneur aux citoyens Mathis et Desroches.                          S......

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, n° 12, décembre 1807, p. 296-297 :

[Compte rendu de la reprise d’Ovinska au Théâtre de Bruxelles. Un compte rendu d’une rare sévérité : rien n’est jugé positivement, ni le poème, ni la musique (la composition de Gaveaux ou l’interprétation qui en a été faite ? Généralement, les critiques ont été moins sévères envers lui, même si dans Ovinska il s’est aventuré hors du champ habituel de la musique légère pour un genre plus audacieux), ni l’interprétation. Après une première représentaiton paisible, la seconde n’a pu aller à son terme, Parce qu’un acteur a été indisposé, mais le public n’a pas protesté contre cette interruption prématurée. le mieux à faire : oublier Ovinska, et recycler ses décors dans Béniowski.]

L'opéra d'Ovinska avait été donné, il y a huit ans, au théâtre Faydeau, où il était tombé sans le secours des sifflets. On aurait pu lui laisser terminer ici son existence avec aussi peu d'éclat. La longueur inouie de la pièce, sa mauvaise contexture, la nullité de la musique, la distribution des rôles, tout s'est réuni pour causer l'ennui le plus mortel. Si c'est le but qu'on voulait atteindre, le succès a été complet. La première représentation a été assez tranquille ; mais la seconde, malgré les coupures nombreuses faites dans le poëme et dans la musique, n'a pu aller jusqu'à la fin. L'indisposition d'un acteur en a été cause, il est vrai ; mais le public, fatigué, a profité de cette circonstance pour énoncer clairement son avis sur cette pièce. On sait bien ce qu'il pense, et le meilleur avis que l'on puisse donner à l'administration, est d'en oublier jusqu'à l'existence, et de faire servir les décorations nouvelles, dont elle a fait la dépense, au bel opéra de Béniowski, dont l'action se passe également en Sibérie:

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