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Il Pazzo per la musica

Il Pazzo per la musica, opéra en 2 actes, musique de Mayr, 11 vendémiaire an 14 [3 octobre 1805].

Théâtre de l’Opéra-Buffa

Courrier des spectacles, n° 3179 du 16 vendémiaire an 14 [8 octobre 1805], p. 2 :

[Rapide compte rendu d’un opéra buffa qui enfin vaut mieux que tout ce qui vient d’Italie : le canevas n’est pas mauvais, l’ouvrage est « spirituel, bien conduit, plein de gaité et « d’intérêt ». Le personnage principal est comique et s’intègre à « une action conduite avec habileté ». Le public a beaucoup aimé, et les chanteurs ont été excellents. Rien par contre sur la musique de Mayr, même pas cité.]

Théâtre de l’Opéra-Buffa.

Il Pazzo per la musica (le Mélomane).

Voici la première pièce vraiment régulière que nous ait donnée l’Opéra-Buffa. Ce n’est point un mauvais cannevas, comme toutes les farces qui nous viennent d’Italie ; c’est un ouvrage spirituel, bien conduit, plein de gaité et d’intérêt. Le Mélomane est un fou très-risible ; ses folies sont liées agréablement à une action conduite avec habileté.

Le public y a pris un grand plaisir ; et les talens supérieurs de Madame Ferlendis e! de MM Barilli et Nozari ont beaucoup ajouté à ce plaisir. Ces artistes ont chanté leurs rôles avec un succès digne des plus grands éloges. La pièce a fini au milieu des applaudissemens universels.

Courrier des spectacles, n° 3180 du 17 vendémiaire an 14 [9 octobre 1805], p. 2-4 :

[L’article de la veille n’était qu’un hors-d'œuvre, et c’est celui du jour qui va longuement nous parler du nouvel opéra de Mayr. C’est une Théâtre en plein renouveau qui présente cet opéra, bien éloigné des mauvais livrets auxquels les opéras italiens avaient habitué le public. Et ce changement est en bonne part due à l’action du nouveau directeur du Théâtre de l’Impératrice, qui abrite le Théâtre Italien, Picard, très soucieux de proposer des pièces ayant un livret pleins « d’ordre et d’intérêt dans leur composition ». La pièce nouvelle, digne de tous les théâtres, a tout ce qu’on attend d’une bonne pièce : intrigue, caractères, dialogue, situations, tout est de qualité, au point qu’on ne s’aperçoit plus qu’il s’agit d’une pièce italienne. L’obstacle de la langue a disparu, et même le récitatif n’y est ni ennuyeux, ni somnifère. La simplicité du canevas n’empêche pas qu’il soit supérieur à celui de la Mélomanie, et toute une série de morceaux sont « d’une intention vraiment dramatique » (c’est vraiment de la musique pour le théâtre : c’est une grande qualité). L’examen des différents rôles s’ouvre sur celui d’Aristée, magnifiquement interprété par Mad. Ferlendis, sur laquelle le critique ne tarit pas d’éloges : sa voix, son apparence, son accent, tout en elle est extraordinaire. Même enthousiasme pour M. Barilli, qui remplit le rôle de Febeo : la liste de ses qualités est longue, et sa voix est la plus frappante : le meilleur interprète que l’Italie ait envoyé en France. Même le valet de Febeo doit se montrer fanatique de musique, ce que montre, mais assez visiblement, son costume. Là encore, c’est un chanteur remarquable qui joue ce rôle. On arrive au compositeur, le célèbre M. Mayer. Ses œuvres dans les différents genres d’opéras sont célèbres, et encore supérieures à ce Pazzo per la musica, dont le critique entreprend de détailler les éléments remarquables. La plupart des analyses sont très élogieuses, les chanteurs y sont jugés excellents. Une remarque négative toutefois : le compositeur est censé avoir fait une faute en traitant certaines syllabes finales comme des longues, alors que ce sont des brèves. Et il fallait donc innocenter la chanteuse. Le critique passe ainsi en revue de très nombreux morceaux, pour en dire du bien, tant pour la composition que pour l’interprétation, les reproches étant rares et mineurs (« un accompagnement de cor anglais » qui serait mieux placé ailleurs que là où le compositeur l’a mis...). La fin de l’article promet à l’opéra de Mayr le plus brillant des avenir, pour lui comme pour le théâtre où il est donné.]

Théâtre de l’Opéra-Buffa.

Il pazzo per la musica (le Mélomane).

Le Théâtre de l’Opéra-Buffa justifie de plus en plus la bonne opinion qu’on a conçue de son mérite. Chaque nouvel ouvrage est pour lui le sujet d’un succès nouveau, et l’on peut compter la représentation d’hier au nombre de ses plus beaux triomphes ; mais en vantant les Italiens, il faut aussi rendre justice aux Français. Depuis que M. Picard est à la tête de ce spectacle, il acquiert chaque jour plus d’intérêt et de perfection. Persuadé que tous les charmes de la musique italienne seroient insuffisans pour des Français, s’ils n’étoient liés à une action dramatique bien conduite, il s’est particulièrement attaché à améliorer les poëmes italiens, et à leur faire donner toute la régularité dont ils sont susceptibles. Le succès a justifié ses vues ; car jusqu’à ce jour les pièces qui ont obtenu le plus d’applaudissemens, sont celles qui présentent plus d’ordre et d’intérêt dans leur composition. Aussi, le Théâtre de l’Opéra-Buffa est-il devenu de puis quelque te ms le rendez-vous de la bonne compagnie.

La pièce jouée hier, est supérieure à toutes celles qui ont été représentées jusqu’à ce jour. L’intrigue est régulière et .spirituelle ; les caractères sont très-bien dessinés ; le dialogue vif et animé ; les situations d’un bon comique, et sur quelque théâtre que ce soit, sons le rapport de l’art, ce ne seroit point une pièce à dédaigner.

Ce que l’on a pu remarquer avant-hier, c’est que personne ne s'est apperçu que ce fût une pièce italienne jouée devant des spectateurs français. La différence des langues a disparu, et on y a pris tout le plaisir qu’auroit donné un ouvrage national. Le récitatif, ordinairement si languissant, si ennuyeux, si léthargique, n’a ennuyé ni endormi personne, ce qui prouve que lorsqu’il fatigue, c’est l’ouvrage qu’il faut accuser.

Le cannevas de cette pièce est simple, mais bien entendu ; il ressemble au plan de notre Mélomanie, mais les détails en sont souvent beaucoup plus comiques. La scène du trio : Vedrai moi ben, celle de la répétition du grand air, celle du quintetto et de la finale sont d’une intention vraiment dramatique ; elles appartiennent à l’auteur italien, et ont fait le plus grand plaisir.

Le rôle d’Aristée est d’une caractère très-plaisant ; elle est follement passionnée pour Métastase, et ne parle jamais sans employer les vers et les phrases de ce grand poète ; de sorte que toute la partie du dialogue qui se rapporte à ce rôle devient une espèce de parodie très-agréable, qui nous rappelle les beaux vers du poète italien que l’on connoit le mieux et que l’on goûte le plus en France. Ce rôle a été joué avec un succès très-brillant par Mad. Ferlendis. Sa belle figure, sa voix touchante, sa démarche et son costume héroïque, son bel accent romain, ont fait sur l’assemblée autant d’impression que sur son amant. Ses auditeurs sont devenus autant de Carolino ; elle justifie à merveille le proverbe connu Lingua Toscana in bocca Romana. I! faut inviter les amateurs de la langue italienne à l’entendre souvent ; ses leçons vaudront mieux que celles de leurs maîtres ; ils ne sauroient manquer de faire les progrès les plus rapides sous un aussi aimable précepteur. Car cette langue, que l’on peut appeler la langue de la mélodie, n’a jamais plus de charmes que dans la bouche d’une jolie virtuose née sur les bords du Tybre.

Le rôle de Don Febeo est le plus original de la pièce ; il est tracé avec beaucoup de comique et d’un effet très-piquant ; et quand ce ne seroit que sa robe-de-chambre chamarée de violons, de flûtes, de mandolines et de cors de chasse, il y aurait toujours assez de quoi rire pour un Français. M. Barilli, qui s’est déjà fait une réputation très-brillante par la gaîté, le naturel et la vérité de son jeu l’a rempli avec un talent digne des meilleurs comédiens. Son masque est d’une charge parfaite ; son geste toujours animé, et son chant surpasse encore toutes ces qualités. L’Italie ne nous avoit point encore envoyé d’artiste d’un plus beau talent.

Comme tout doit porter un caractère musical dans la maison d’un mélomane, le comte Febeo a pour valet Biscroma (double croche) garçon adroit, qui fait semblant d’être passionné pour l’art, et dont les manches sont bigarrées de notes, mais pas assez visiblement. Ce rôle est rempli par M. Carmanini qui le joue avec un grand talent.

M. Mayer, auteur de cet opéra , est très-connu à Paris ; mais c’est la première fois que l’on nous ait donné un ouvrage entier de ce célèbre compositeur, et s’il a obtenu de nombreux applaudissemens, ce n’est qu’un juste tribut rendu à son mérite. Le caractère général de ses compositions, c’est d’être riches en accompagnemens, dramatiques et toujours adaptées à la situation, il est auteur de plusieurs opéra sérieux et buffes, très-estimés en Italie, tels que la Lodoiska , le Due Rivali, etc., ouvrages supérieurs encore au Pazzo per la musica.

L’ouverture est savante et très-agréable ; l’introduction est dramatique et d’un effet gai. L’air : Marito mi chiede est d’une facture vive, animée et légère. Mlle. Salucci l’a très bien chanté ; mais on y a remarqué une faute de prosodie musicale ; et quoique Français, nous nous permettrons de la relever. Le compositeur a mis une longue sur les dernières syllabes de marito, chiede, fuoco, riposo, consento , etc., tandis que toutes ces syllabes sont brèves, comme la plûpart des filiales italiennes. Cette faute étoit si frappante, que plusieurs auditeurs ont cru que Mad. Salucci avoit l’intention de faire sa cour aux Français en prononçant mal sa langue. Mais Mad Salucci, toute polie qu’elle soit, ne pousseroit pas l’amabilité jusqu’à trahir l’harmonie italienne. Mayer est le seul coupable. Quoique la faute ne soit pas grave, il convenoit néanmoins d’en absoudre Mlle. Salucci.

La cavatine Chi dice mal d'amore est d’un style charmant ; Mad. Ferlendis l’a chantée avec une expression et un goût admirables. Sa voix nous paroît acquérir tous les jours plus de force, de charme et de flexibilité. Sa méthode est vraiment parfaite ; mais ce qui constitue le mérite principal de cette cantatrice, c’est l’art d’aller au cœur ; talent le plus rare et le plus précieux.

Le trio : Vedrai mio ben la pecora , ect. a été si bien exécuté par Mad. Feriendis, MM. Nozari et Carmanini, que l’auditoire l’a couvert d’applaudissemens. La situation est très comique ; c’est Aristée et Caroline qui se disent des douceurs dans le style du grand opéra, tandis que Biscroma (le valet) s’amuse à rire à leurs dépens, et accompagne leurs roulades sentimentales de ces mots : Son matti, son matti, etc. ce qui forme un contraste très-agréable. Ce morceau est un des meilleurs de la pièce.

L’air Se no foste quel che siete est bien adapté à l’esprit de la scène ; et comme il étoit chanté par M. Nozari. il ne pouvoit manquer de l’être avec beaucoup de talent. Le grand air qui termine le premier acte a charmé le public. C’est Don Febeo qui répète devant ses filles et son valet chargés de retourner la feuille la fameuse scène qu’il a composée pour un grand opéra, et qu'il doit faire entendre bientôt dans un concert La situation est d’un excellent comique, et il est difficile de la jouer d’une manière plus gaie, plus originale, plus véritablement maniaque que ne l’a fait M. Barilli.

M. Maver, dont le grand mérite est de très-bien exprimer le sens des paroles, a aussi très-bien compris que le moyen le plus propre à donner à cc morceau le caractère de l’originalité et une grande force comique etoit de le charger de contre-sens ; aussi, lorsque dans le récitatif Febeo dit : Dunque scapar devro etc., ce qui devroit être exprimé par une mesure très-vive, on entend un grand air martial, bien sublime et bien digne. Lorsqu’il dit : Ma che tu piangi ! les accompagnemens sont du genre le plus gai ; c’est à ces traits que l’on reconnoit l’homme de génie.

Quoique ce morceau soit long et fatigant, M. Barilli a eu le talent d’en rendre toutes les intentions, et de faire rire les spectateurs depuis la première note jusqu’à la dernière.

Le duo qui commence le second acte, chanté par Mlle. Salucci et M. Carmanini est de Fioraventi Il a été bien exécuté.

Le duo : giuro ch’ad altri mai, etc., a fait le plus grand plaisir. La voix de Nozari s’allie très-bien avec celle de Mad. Ferlendis, et il en résulte une harmonie délicieuse. Ce duo, d’un genre sérieux, est très-bien écrit pour la situation de deux amans occupés à se dire des madrigaux dans le style héroïque.

Le quintetto est d’une composition savante et dramatique. Carolino déguisé en secrétaire, et d’accord avec Biscroma, vient proposer ses services à Don Febeo qui les accepte, persuadé que tous les secrétaires doivent écrire en musique. Le Mélomane met aussi-tôt son nouveau serviteur à l’épreuve ; il lui dicte des notes, que Carolino ne comprend pas ; ce qui amène un débat, lequel se termine par une reconnoissance), et produit une scene assez gaie.

L'air No che padre a me non siete, etc., est très-beau ; Mad. Ferlendis l’a chanté avec une expression inimitable. On y regrette un accompagnement de cor anglais ; les sons de cet instrument qui imite si parfaitement les modulations de la voix humaine auroient été très-bien adaptés à cette belle phrase : Piangereste al pianto mio, etc. On a voulu sans doute économiser nos plaisirs, mais nous aimons à croire qu’on en sera moins avare désormais.

La finale du second acte est digne du plus grand compositeur elle est très-longue, et l’on ne s’en apperçoit pas. Quelle douce mélodie dans le petit trio : Cor tu palpiti, etc. ! Mad. Ferlendis chante ces vers avec l’accent le plus tendre, et la phrase de Barilli : Le volpi si consigliono, etc., fait un contraste charmant. Il faut observer ici que le compositeur possède au suprême degré l’art des nuances, ce qui fait le charme principal des beaux-art.

La cavatine : Tu di questa anima, etc., est ravissante, et quoiqu’elle se trouve à la fin de la pièce, moment où l’on écoute rarement, le public a voulu l’entendre deux fois.

Ce que nous venons de dire de cette piece annonce assez qu’elle est digne du succès dont elle a été couronnée. C’est en nous donnant des ouvrages de ce genre que les artistes de l’Opera-Buffa accréditeront ce spectacle, naturaliseront parmi nous le goût de la bonne musique, et nous procureront des plaisirs aussi gracieux pour nos oreilles, que productifs pour le coffre du caissier.

Le succès promis a permis à la pièce de connaître une seconde carrière : en 1815, elle reparaît sous un autre titre.Le Journal de Paris du 9 décembre 1815 annonce la première représentation del Fanatico per la musica, au Théâtre Royal Italien, en précisant que Mme Catalani remplira le rôle d’Aristea, et qu’on commencera par le premier acte de la Cosa rara. Mais ce Fanatico n’est que le Pazzo rebaptisé.

Castil-Blaze, l’Opéra-Italien de 1548 à 1856, p. 367-368, donne pour cette résurrection la date lu 14 novembre 1815, date à laquelle le Journal de Paris donne comme programme à ce théâtre la Caccia d’Enrico IV, et précise que la pièce avait été donnée en 1805 sous le titre de il Pazzo per la Musica. Date inexacte, lien avec le Pazzo exact.

La brochure pour il Fanatico per la musica est parue en 1816 chez Barba (renseignement trouvé dans la Bibliothèque de Soleinne). L’opéra y est présenté comme un « dramma giocoso in due atti », la version française étant intitulée « le Mélomane », et étant décrite comme un « opéra bouffon » en 2 actes.

Titre :

Fanatico per la musica (il)

Genre

opéra bouffon (dramma giocoso)

Nombre d'actes :

1 ou 2

Vers / prose

 

Musique :

oui

Date de création :

9 décembre 1815

Théâtre :

Théâtre Royal Italien

Auteur(s) des paroles :

 

Compositeur(s) :

Mayr (ou Mayer)

Journal de Paris, n° 344 du 10 décembre 1815, p. 2 :

[Non pas une pièce nouvelle, mais la reprise avec un nouveau titre d’un opéra déjà représenté, sur un sujet déjà traité dans le passé dans « deux petits ouvrages charmants ». L’intrigue est vite résumée : un maniaque de musique qui ne veut marier sa fille qu’à un virtuose, et qu’on trompe finalement facilement : l’amant prend le nom d’un musicien célèbre, et l’affaire est faite. Mais la musique de Mayer (ou Mayr) ne vaut pas celle de l’opéra comique de Champein, la musique italienne et ses roulades spectaculaires, mais impossibles à faire pour le profane, ne pouvant rivaliser avec les « airs gracieux, gais et chantans » de la musique française (le débat dépasse de très loin l’opéra du jour !). L’interprète principale est exceptionnelle, mais les autres chanteurs ne sont pas à son niveau.]

Théâtre Royal Italien.

Reprise del Fanatico per la musica, opéra-buffa.

Nous avons eu en France sur le même sujet del Fanatico ou del Pazzo perla musica (titre qu’il avait auparavant à l’Odéon, et qu’on a changé je ne sais pourquoi), nous avons eu, dis-je, deux petits ouvrages charmans, la Musicomanie, comédie en un acte et en prose, représentée sur le théâtre de l’Ambigu Comique en 1779, et la Mélomanie, opéra comique de MM. Grenier et Champein, qui fut jouée aux Italiens l’année suivante.

Le principal personnage dans ces trois pièces aime la musique avec fureur. Il prétend que tous ceux qui l’entourent partagent son goût. Il ne veut donner sa fille qu’à un célèbre virtuose ; l’amant de la jeune personne prend le nom d’un musicien fameux et obtient la main de son amante.

Le charme des détails ou de la musique peut seul faire supporter un fond aussi léger. Le signor Mayer, avec tout son talent, n’a point fait oublier la délicieuse mélodie de M. Champein. Des airs gracieux, gais et chantans l’emporteront toujours chez des Français sur des ariettes à roulades que personne ne peut répéter, qui étonnent, mais n’amusent pas. Mme Catalani a chanté comme à l’ordinaire, c’est à dire parfaitement. Il aurait été à désirer qu’elle fût mieux secondée.

Journal des débats politiques et littéraires, 11 décembre 1815, p. 1-2 :

[Plutôt que de se concentrer sur la présentation d’une pièce nouvelle (ce que il Fanatico n’est pas, d’ailleurs), l’article fait le compte rendu de la représentation, au cours de laquelle ont été donnés l’acte premier de la Cosa rara et il Fanatico per la musica. Et les deux parties du spectacle ont été fort inégales : le critique éreinte la première partie, non à cause de la pièce jouée, mais pour la prestation plus que médiocre de l’ensemble des interprètes, à deux exceptions près. Jamais avare de conseils, il prévint la directrice du théâtre, la remarquable cantatrice Mme Catalani, qu’elle risque gros à présenter de tels spectacles et à se moquer du public. Par contre, la deuxième pièce a soulevé l’enthousiasme : une très belle musique, « originale, pleine de verve et de mélodie », de très beaux airs, merveilleusement chantés, en particulier par Mme Catalani, à qui le critique se permet de demander qu’elle chante un air supplémentaire, qui n’est pas dans l'œuvre jouée, mais on n’est pas à ce détail près : Mme Catalani a de toute façon montré le mauvais exemple. Ce double compte rendu montre surtout qu’on ne se soucie guère de l’intrigue, à peine évoquée : seul compte le plaisir procuré par le chant. Vision tout à fait conforme à ce que disent toutes les critiques d’opéras italiens : leur livret ne vaut rien, mais quelle musique, et quels chanteurs !]

THÉATRE ROYAL ITALIEN.

Première représentation d’il Fanatico per la musica, musique de Mayer.

Le spectacle du Théâtre royal Italien a offert hier le contraste le plus rude, la dissonance la plus choquante : le public a passé des murmures et des sifflets à des bravos unanimes et aux applaudissemens de l'enthousiasme. Peut-être ne seroit-il pas sage de compter toujours sur une justice distributive aussi impartiale. La musique de la Cosa rara a été exécutée d'une manière vraiment barbare. Si l’on excepte Crivelli et Bassi qui eux-mêmes eussent mieux fait s'ils eussent été mieux secondés, les autres acteurs sembloient avoir été choisis tout exprès pour dénaturer, pour flétrir cette charmante composition de Martini.

Ce n'est pas tout : on avoit supprimé un rôle absolument nécessaire dans ce premier acte, celui de Corrado ; en sorte que le beau trio per che mai, malgré les bruyantes réclamations du parterre, n'a point été chanté et il se trouvoit une partie de moins dans le finale.

De pareilles négligences, si elles se renouveloient souvent, finiroient très certainement par faire le plus grand tort à ce théâtre. Toute la faveur, si bien méritée, dont jouit Mme Catalani, toute admiration dont elle est l'objet ne suffiroient pas à la longue pour faire supporter à des spectateurs français un tel défaut d'ensemble. L'exemple de l’Italie et de l'Angteterre ne prouve rien ici.

Je passe avec plaisir à la seconde partie, à la partie brillante de cette représentation. La musique du Mélomane, il Fanatico per la Musica, a obtenu le plus grand succès : elle est originale, pleine de verve et de mélodie ; les accompagnemens sont charmans, riches d’harmonie sans être confus ou bizarres. L’ouverture est faite merveille ; et l'ouvrage que l’on a, je ne sais pourquoi, réduit à un acte, renferme encore cinq ou six morceaux délicieux. Tel est, entr'autres, le beau duo que Mme Catalani chante avec Barilli, qui semble avoir été composé dan: le but de faire briller dans tous ses développemens le prodigieux talent de cette grande cantatrice : elle s'y exerce dans tous les tons sur toutes les difficultés d'exécution. L'art avec lequel le musicien a su moduler est très remarquable : ce morceau annonce le maitre. Le duo : Vedrui moi ben, qui finit en trio, a excité aussi des applaudissemens universels. Mais, tout en jouissant du bel effet que produisent à la fin les voix de Mme Catalani et de Porto, on a regretté que Crivelli ne se soit pas chargé de la troisième partie. Le charme eût été complet. Vercellino n'a pas assez de moyens pour se trouver en pareil voisinage : ses sons étaient entièrement étouffés.

Mme Catatali a donné, dans le rôle d'Aristea, une nouvelle preuve de l’étonnante flexibilité de son talent comme actrice. Dom Febeo est fou per la musica, sa fille est folle per metastasio : il est impossible de jouer ce personnage d'une manière plus originale.

Quoique la folie d'Aristea ne soit pas du genre de celle de Nina, ce rôle fait cependant désirer que Mme Catalani reproduise sur la scène la Pazza de Paësieillo : elle peut être assurée d'un double triomphe.

Barilli a fort bien joué et suffisamment chanté le Mélomane : cet acteur, auquel la faveur publique est assurée depuis long-temps, a beaucoup de naturel et une vraie gaîté.

Cet ouvrage, qui est digne dans son ensemble de la grande réputation de Mayer aura des représentations nombreuses et suivies. Mme Catatani n'a pu douter de l'enthousiasme qu’elle inspiroit : de toutes les parties de la salle, les transports ont éclaté lorsqu'elle a chanté, à la fin de la pièce, ses variations sur la cavatine qui ouvre le second acte de la Molinara, et qu’elle a transportée dans le nouvel opéra. L'art du chant ne peut aller plus loin : c'est la perfection même.

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