La Parisienne à Madrid

La Parisienne à Madrid, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Maurice S[éguier], 28 floréal an 13 [18 mai 1805].

Théâtre du Vaudeville.

Almanach des Muses 1806.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Léopold Collin, an XIII – 1805 :

La Parisienne à Madrid, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles. Par M. Maurice S....... auteur du Maréchal Ferrant de la ville d'Anvers, des Hasards de la guerre, etc.

Maurice S......., c'est Maurice Séguier.

Le couplet d'annonce était chanté par Arlequin :

Air d'Arlequin afficheur.

Sur son terrein, dans sa maison,
On a toutes sortes de titres ;
On y peut agir sans façon,
Siffler, crier, casser les vitres ;
Mais, messieurs, vous devez songer
Que la rigueur, le ton sévère
Doit, quand on passe à l'étranger,
       Rester à la frontière.

Courrier des spectacles, n° 3016 du 29 floréal an 13 [19 mai 1806], p. 4 :

[Le compte rendu s’ouvre sur le résumé de l’intrigue, une histoire de mari jaloux qui veut éprouver la fidélité de sa femme, mais qui se fait berner par elle : quand il la croit en galante compagnie, il la découvre devant son portrait à lui, et elle lui révèle qu’elle avait compris sa volonté de l’éprouver. Pièce peu gaie, un peu somnifère (l’opium...). Heureusement que les interprètes sont très bons ! Un petit incident a rendu méconnaissable le portrait sur lequel repose le dénouement, et le public a bien ri quand il a vu ce qu’on lui présentait comme un portrait ressemblant. La pièce a eu un certain succès, et le nom de l’auteur a été donné.]

Théâtre du Vaudeville.

La Parisienne à Madrid.

Cette Parisienne est une jeune femme qui a quitté Paris poursuivre en Espagne un mari jaloux. Elle a heureusement emmené avec elle un jardinier fidèle et jovial qui doit servir à lui rappeler la gaîté française, et lui donner quelques avis utiles dans l’occasion. Après un mois d’une union tendre et affectueuse, son mari feint de la quitter ; mais il reste effectivement dans la ville, et n’a d’autre dessein que de mettre à l'épreuve la fidélité de sa femme. Secondé par Pédro son valet, il vient tous les soirs chanter sous les fenêtres de son épouse ; et pour mieux cacher son jeu, il a soin de lui faire remettre par Pédro des lettres datées de Cordoue et de Séville ; mais le jardinier découvre cette intrigue, et en avertit sa maîtresse. Celle-ci se décide à s’en amuser ; elle feint de répondre à l’amant prétendu ; elle lui donne même un rendez-vous, lui fait descendre une échelle de corde, et quand il est seul dans l'appartement, elle imagine de chanter dans un salon voisin une romance en faveur d’un rival. Le mari furieux force la porte du salon, et trouve sa femme en présence d’un portrait auquel elle adresse ses douces complaintes ; ce portrait est celui du mari même ; elle lui raconte alors qu’elle savoit tout, qu’elle a voulu s’amuser, et prouver qu’en France comme ailleurs, on pouvoit trouver des épouses fidèles.

Il y a peu de gaîté dans cet ouvrage ; l’opium y domine ; et si Mad. Belmont, Duchaume et Julien n’y jouoient pas, il est à présumer qu’il auroit peu de succès. Il ne faut pas juger le mérite du portrait d’après l’état où il s’est trouvé hier ; comme il est en pastel, un garçon de théâtre l’avoit tellement défiguré en le maniant, qu’il étoit impossible qu’il ressemblât à M. Julien ; aussi le public a-t-il beaucoup ri quand on a parlé de cette prétendue ressemblance.

Malgré le peu d’intérêt que présente la pièce, elle a eu néanmoins quelque succès. On a voulu connoître l’auteur, et un acteur est venu prononcer la phrase ordinaire :

« La pièce que nous avons eu l’honneur de vous représenter est de M. Maurice, auteur des Hazards de la guerre. »

Mercure de France, littéraire et politique, tome vingtième, an XIII, n° CCIII, 5 Prairial an 13 (samedi 25 mai 1805), p. 474-475 :

Théatre du Vaudeville.

La Parisienne à Madrid, vaudeville en un acte.

Ce vaudeville est, comme le Portrait, une pièce qu'on voit sans trop d'ennui et sans beaucoup de plaisir : son plus grand charme est le jeu de Mme. Belmont, dont le talent mûrit, qui acquiert l'à-plomb qu'elle n'avait pas toujours, et dont le débit moins précipité ne laisse plus rien à désirer. La Parisienne est une imitation du Curieux impertinent de Destouches, qui en avait trouvé le sujet dans Cervantes, et dans une comédie très-gaie du théâtre italien, intitulée : la Femme vengée. Mezzeriu, déguisé, veut éprouver sa femme ; elle le reconnaît, le persiffle et tourmente sa jalousie. Cela ne forme qu'un incident et une scène ; mais la scène est du comique le plus franc : la Parisienne est d'un genre plus relevé.

Elle a épousé un espagnol qui l'a emmenée à Madrid, et qui craint qu'une femme élevée à Paris ne puisse être fidèle. A peine marié, il lui prend fantaisie de voir si sa crainte est fondée ; il feint un voyage, et passe toutes les nuits sous les fenêtres de sa femme, chantant, s'accompagnant de sa guitarre, et déguisant sa voix sans doute. Il est assurément bien bon de regarder une telle épreuve comme décisive, et de se croire hors de tout danger si sa femme tient ferme contre une guitarre et contre une voix et un visage inconnu. Il aurait très-bien su échouer sous ce déguisement et d'autres arriver au port après lui. Mais sa moitié est une Lucrèce qui lui est fidèle, encore après un mois de mariage. Cependant l'ayant reconnu, elle croit devoir un peu le lutiner pour le punir de sa défiance, au moins prématurée ; en conséquence elle ouvre sa croisée, lui donne un rendez-vous, lui fait jeter une échelle de corde qui de temps immémorial servait aux expéditions amoureuses et profanes de la famille, et que cette fois l'hymen va sanctifier. Quand il est monté, il ne trouve plus personne ; mais il entend du bruit dans un cabinet voisin ; plein de préventions flatteuses pour sa parisienne, il imagine qu'il a devancé l'heure de l'audience, qu'elle écoute quelque autre soupirant. Pour attendre plus patiemment le moment du rendez, le cabinet est enfoncé ; il la trouve en conversation avec le portrait de son mari, plus heureux que sage. Elle le fait convenir :

Qu'en amour comme en mariage
Les heureux sont les vrais croyans.

Les sifflets, suivant l'invitation faite dans le couplet d'annonce, étaient restés à la frontière d'Espagne. On n'a entendu que des applaudissemens, modérés toutefois, et dont la plupart allaient à l'actrice, qu'on a demandée en même temps que l'auteur : aucun des deux n'a paru. Le dernier a été nommé. Sa pièce est facilement écrite ; mais l'intrigue n'est ni vraisemblable, ni extrêmement piquante.

Archives littéraires de l'Europe, tome sixième (1805), Gazette littéraire (mai 1805), p. lx-lxi :

[Dans le second paragraphe de cette critique, une méthode pour réussir dans l'écriture de vaudevilles (avec distinction entre les exigences de la comédie et celles du vaudeville) ; une leçon donnée aux étrangers.]

La Parisienne à Madrid, comédie en un acte.

Un Espagnol épouse une Parisienne. Jaloux à double titre, il veut éprouver la fidélité de sa femme ; il feint de voyager, et reste à Madrid. Il écrit des lettres datées d'une province éloignée ; il fait plus ; il se déguise, il vient soupirer sous les fenêtres de sa femme, et fait sa déclaration à l'espagnole aux accords de la mandoline. Son valet Pedro le sert dans toutes ces épreuves. Cependant sa femme ne s'occupe que de son mari absent ; il est toujours présent à sa pensée, et tellement présent, qu'elle fait son portrait de mémoire, qu'elle cache soigneusement à la curiosité de Pedro. Un jardinier qu'elle a mis dans ses intérêts, parvient à découvrir que le soupirant n'est autre que le mari. Il en instruit sa femme, qui se propose alors une petite correction à la parisienne. Elle fait la coquette, répond à la déclaration, et donne un rendez-vous de nuit. Alors le mari revient subitement chez lui, croit trouver sa femme fort embarrassée. Mais elle le reçoit avec toutes les démonstrations d'amour accoutumées, et l'air et le maintien de l'innocence. Le mari est indigné, mais il se contient. A l'heure du rendez-vous donné, il feint de sortir pour des affaires de haute importance, et retourne à son poste de soupirant. Fidèle au rendez-vous, la Parisienue jette l'échelle de corde et se retire. Le faux amant est bientôt monté avec son valet Pedro ; il ne trouve personne ; mais au travers de la porte d'une chambre voisine, il voit un portrait d'homme ; il ne doute pas que ce ne soit celui d'un rival. Il éclate ; il n'hésite plus à se faire connaître. La porte s'ouvre ; il voit son portrait ; sa femme paraît ; le jaloux est confondu et corrigé.

Ce court énoncé laisse voir assez d'invraisemblances, pour que nous nous dispensions de les détailler. Il n'est pas nécessaire non plus de dire que le fonds de cet ouvrage se trouve dans une foule de comédies connues : la Gageure imprévue, Pauline, le Jaloux, etc. etc. ont fourni à l'auteur toutes ses situations. Cependant l'ouvrage a eu beaucoup de succès. A quoi tient donc le succès au Vaudeville ? c'est ce qu'il faut apprendre surtout aux étrangers. La réussite d'un ouvrage à ce théâtre tient beaucoup à un choix d'airs heureux, de refreins bien placés, de jolis morceaux d'ensemble. Ce choix demande un certain tact qui n'est pas donné à tout le monde. Une grande comédie est la peinture des mœurs ; elle doit vivre dans la postérité : le public est plus sévère à son égard, et il exige, avec raison, un plan, des caractères, du style, des situations vraisemblables et bien amenées. Mais un vaudeville n'a rien à faire avec la postérité ; il est toujours très-bien quand il amuse et rappelle de jolis airs ; quand il offre un dialogue naturel, de l'esprit sans calembourgs et sans prétention, et le ton de la bonne compagnie. C'est-là ce qui distingue tous les ouvrages légers de M. Maurice, auteur de la Parisienne à Madrid.

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