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Le Paysan de Barège

Le Paysan de Barège, vaudeville en un acte, 2 juillet 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Paysan de Barège (le)

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 juillet 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

 

Mercure de France, tome quarante-troisième, n° CCCCLXVIII (samedi 7 juillet), p. 48-49 :

[Une chute, mais pas bruyante, ce qui étonne le critique. Pièce sans originalité (des « matériaux pris un peu de côté et d'autre et mis en ordre avec précipitation »). Une intrigue qui devrait être celle d’un drame, mais en un acte, elle est trop resserrée, et finalement la pièce paraît trop longue (l’obsession de la longueur !). Des scènes « trop longues et mal liées », mais toutes comportent « du comique ou de l’intérêt ». Mais le comique est un peu gâté par « les couleurs sombres qui composent le reste du tableau » .La pièce n’a pas réussi, mais elle n’a pas non pu subi les affres de « ces acclamations ironiques pires cent fois que les sifflets » : ça aurait pu être pire !]

Théâtre du Vaudeville. Le Paysan de Barège. – D'assez bons matériaux pris un peu de côté et d'autre et mis en ordre avec précipitation, telle est la construction de cet ouvrage. La base en est évidemment empruntée de l'opéra de Félix. Le héros de la pièce est un bon paysan qui a fait fortune avec une bourse qu'il a trouvée, et qui, au moment de marier sa fille, se voit dans le cas de restituer. Le dénouement n'est pas cependant le même dans les deux pièces ; mais, sans être moins romanesque dans le vaudeville, il est encore moins préparé que dans l'opéra. Les cent louis, dont le paysan de Barège a besoin pour se tirer d'affaire, lui sont fournis par un Espagnol qui habite Barège sous un faux nom, et à qui le paysan est ensuite assez heureux pour faire retrouver sa maîtresse. Cette intrigue est, comme on voit, celle d'un drame ; or, un drame resserré dans un acte ne peut avoir les développemens nécessaires, et l'acte où on le mutile est toujours trop long. Il n'est donc pas étonnant que celui-ci n'ait point eu de succès, mais on s'étonnerait peut-être que sa chute n'ait point été bruyante, si nous n'ajoutions pas que les scènes qui le composent, quoique trop longues et mal liées, ont presque toutes par elles-mêmes du comique ou de l’intérêt. On a particulièrement remarque le rôle plaisant d’un bon invalide aussi grivois que généreux  : un président Darmonville et sa femme, venus à Barège pour prendre les eaux, ont paru des originaux assez bien dessinés. Le mal est que toute la gaieté qui devait naître de ces différens caractères s'est éteinte dans les couleurs sombres qui composent le reste du tableau. Ce mérite dans les détails et ces défauts dans l'ensemble expliquent très-bien le sort de la pièce : on l'a écoutée sans murmure ; quelques sifflets se sont fait entendre à la chute du rideau. On n'a point demandé les auteurs pour les féliciter, mais on ne les a point appelés non plus par ces acclamations ironiques pires cent fois que les sifflets.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome IV, p. 173-174 :

[Malgré les efforts du théâtre (décorations, acteurs), la pièce a échoué. Une action morale, d’ailleurs pas originale, n’a pas suffi : « il est bien d'offrir, au théâtre, de la morale ; mais il faut la rendre intéressante ou amusante ». L’alternative est à retenir : « intéressante ou amusante ».

Félix, ou l’Enfant de la forêt, comédie (opéra comique) en trois actes, livret de Michel-Jean Sedaine, musique de Monsigny, a été créé le 24 novembre 1777 à la Comédie-Italienne.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le Paysan de Barrège, vaudeville en un acte, joué le 2 juillet.

Une jolie décoration, les talens réunis des meilleurs acteurs de ce théâtre, n'ont pu soutenir cette foible production. Elle ne sera pas rejouée. La principale action étoit le beau trait d'un paysan, qui, comme dans Félix, ayant trouvé une somme considérable, la rend à son propriétaire. II est bien d'offrir, au théâtre, de la morale ; mais il faut la rendre intéressante ou amusante.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1810, p. 278-285 :

[L’action, située dans une ville d’eaux, est longuement décortiquée dans ce compte rendu méticuleux. Après un début assez neutre, le critique s’autorise des interventions qui soulignent le caractère plus que rebattu de cette intrigue : le lecteur devine bien sûr ce qui va se passer, et il sent l’approche du dénouement au terme duquel tout est bien qui finit bien. Le fonds de cette intrigue est d’ailleurs un emprunt à « l'opéra de Félix », mais ce n’est pas le plus grand défaut de la pièce à l’intrigue romanesque, qui «  frise le drame et presque le mélodrame », deux genres peu appréciés du critique. Ne trouvent grâce à ses yeux que les scènes de noce campagnarde, et le personnage de La Tulipe. Dommage que « le ton romanesque et sentimental des scènes principales » gâche le plaisir que ces éléments agréables pourraient procurer. Le critique croit que l’auteur a voulu compenser « la nudité du sujet et la nullité de l'intrigue par un tableau de mœurs » en plaçant la scène aux eaux de Barège, mais « ce tableau ne se lie point assez à l'intrigue » et occupe trop de place : pièce très longue (en un acte !), intrigue longue à démarrer, puis marche trop rapide. Le public a écouté, la fin a été un peu sifflée, et on n’a pas demandé les auteurs (il y en aurait plusieurs ?). Après ces longues réflexions, un dernier point est soulevé : le parterre a peu goûté les calembours d’un des personnages. le critique analyse ce rejet de la part du public de plaisanteries présentées comme ridicules. Peut-être « qu'il veut qu'on les lui donne pour argent comptant, sauf à en vérifier lui-même le poids et le titre ? »]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le Paysan de Barège.

Un paysan de Barège, nommé Guillaume a trouvé, il y a vingt ans, une bourse, de cent louis. Il en a acheté une maison où il loue des chambres aux personnes qui viennent prendre les eaux ; ce qui lui donne une certaine aisance. Il a une fille nommée Lise qu'il va marier à un paysan nommé André, et cette union bien assortie semble devoir assurer le bonheur de sa vieillesse. Le jour de la noce est arrivé ; elle s'annonce d'une manière très-joyeuse ; mais un des étrangers logés chez Guillaume ne tardera pas à la troubler sans le vouloir. Cet étranger est un président nommé Dormonville : en causant avec sa femme en présence du bon Guillaume, il exprime le désir de retrouver à Barège ce qu'il y a perdu ; la présidente veut qu'il s'explique, et il raconte qu'il perdit, il y a vingt ans, sur les bords du Gave, une bourse de maroquin contenant cent louis en or. Guillaume ne doute pas que ce ne soit celle qu'il a trouvée, et prend sur-le-champ la résolution de restituer ; mais il laisse le président et sa femme prendre le chemin du Waux-Hall, afin de réfléchir, un peu sur la triste situation où il va se réduire. C'est alors que son ami la Tulipe, brave invalide à jambe de bois, vient le trouver et lui demander quel est le sujet de sa tristesse. Guillaume ne lui cache rien, La Tulipe ne conteste point la nécessité de rendre l'équivalent de la bourse trouvée, mais il se flatte de se procurer les cent louis, sans que Guillaume fasse le sacrifice de sa maison, et lui fait promettre de garder le silence sur cette aventure, jusqu'à, ce qu'il ait épuisé tous les moyens que lui fournira son imagination.

La première idée de la Tulipe est de vendre sa pension de vétéran ; mais à qui la vendre ? Et comment la vendre assez tôt pour que le mariage d'André et de Lise, que Guillaume veut rompre, ne soit pas au moins différé ? Il faut songer à autre chose. La Tulipe s'imagine alors de s'adresser à un M. de Saint Remi, jeune faiseur de calembourgs, venu aux eaux pour jouer, et qui se vante de gagner tous les jours quelques cents louis à la banque. Le bon invalide surmonte donc la répugnance que lui inspiraient la fatuité de Saint-Remi, ses calembourgs et même son goût pour le jeu ; il commence à trouver que ce goût pourrait bien n'être pas si coupable, s'il fournit les moyens de faire une bonne action ; mais il éprouve bientôt que s'il en donne quelquefois les moyens, il en ôte presque toujours l'envie. Saint-Remi reçoit fort mal la Tulipe et lui déclare que l'argent que l'on gagne au jeu appartient au jeu, et qu'il serait affreux de l'employer à un autre usage.

Econduit par un joueur, la Tulipe se rappelle que, parmi les locataires de Guillaume, se trouve un jeune homme d'un caractère tout différent ; il porte le nom d'Albert, ne fréquente point la société des eaux, et passe son temps à promener sa mélancolie dans les montagnes des environs, sans autre compagnie que sa guitarre. Nos lecteurs devinent sans doute que cette nouvelle tentative réussira, et en effet, à peine Albert a-t-il entendu le récit du bon vétéran, qu'il lui remet les cent louis et s'évade. On sent que le dénouement s'approche ; mais avant de le raconter, il est bon de dire que, dès le commencement de la pièce, Guillaume a confié à la Tulipe un papier qu'on l'a chargé lui-même de remettre à un Espagnol nommé D. Gusman, que ses amis supposent errant dans les Pyrénées. Albert, dans sa conversation avec la Tulipe, a laissé échapper le nom de Gusman, et à peine est-il sorti, que la Tulipe se souvient de la lettre et songe qu'elle pourrait bien faire le bonheur de Gusman, caché sous le nom d'Albert. Il voudrait courir après lui, mais sa jambe de bois l'arrête, et il prend le parti de charger de la lettre un jeune paysan.

Le reste se devine sans peine. La noce se rassemble ; le président, la présidente, Saint-Remi reviennent du Waux-Hall ; Guillaume découvre tout ; et faute des cent louis qu'il ne peut rendre en espèces, il offre au président le contrat qui le rend propriétaire de sa maison, La Tulipe intervient alors et remet à Dormonville la bourse qu'Albert lui a donnée ; il n'y a plus qu'un cri pour demander le généreux Albert ; il paraît, en effet, avec la lettre où il vient d'apprendre qu'une femme qu'il adorait et qu'il croyait perdue existe encore et l'aime plus que jamais. La joie devient générale ; et Mme. Dormonville achève de la combler, en reprenant à son mari la bourse de cent louis, qu'elle donne en présent de noces à l'aimable Lise.

Le fond de cet ouvrage est évidemment emprunté de l'opéra de Félix. Le rôle de Guillaume est calqué sur celui du père Morin, et n'est point, â beaucoup près, aussi dramatique. Ce défaut de nouveauté n'est même pas le plus grand de la pièce nouvelle ; l'intrigue en est romanesque : elle frise le drame et presque le mélodrame, par le rôle du mélancolique Albert ; et c'est en vain qu'on a voulu l'égayer par des scènes comiques. Les tableaux de noce villageoise qui commencent et finissent la pièce, sont cependant gais et gracieux ; et ce qu'elle offre de meilleur, c'est sans doute le rôle de ce bon la Tulipe, toujours prêt à lâcher quelques gros jurons, terminant les phrases qui l'embarrassent, par ces mots comiques : je ne dis que ça, et couvrant le cœur le plus généreux d'une écorce passablement âpre. On aime aussi beaucoup un petit garçon que le brave vétéran exerce au maniement des armes, et qui vient lui demander une leçon, au moment où il est le plus occupé de chercher un moyen de sauver le pauvre Guillaume. Mais les effets comiques qui pourraient en résulter, et la gaieté que devait exciter le ton militaire et même un peu grivois de la Tulipe, sont neutralisés, si l'on peut dire, par le ton romanesque et sentimental des scènes principales. On a cru peut être que les unes et les autres seraient relevées par le contraste ; mais au lieu de contraste, il y a dissonance : les tons sont trop éloignés pour se fondre dans un même accord. Les auteurs avaient aussi pensé qu'il serait bon de couvrir la nudité du sujet et la nullité de l'intrigue par un tableau de mœurs. C'est pour cela sans doute qu'ils ont placé la scène aux eaux de Barège, et qu'ils ont fait paraître quelques-uns des originaux qui fréquentent ces sortes de lieux. Mais ce tableau ne se lie point assez à l'intrigue ; il occupe beaucoup trop de place et les personnages ne sont pas assez piquans. La pièce est très-longue, l'action ne commence guères qu'au milieu, et une fois commencée, elle marche trop rapidement. Le public l'a écoutée avec beaucoup d'attention, parce que chaque scène annonçait des intentions plus ou moins heureuses ; parce que toutes offraient des détails agréables, et qu'on espérait découvrir enfin le fil qui devait les enchaîner. Trompés dans cette espérances lorsque le dénouement s'est précipité, quelques spectateurs ont sifflé, mais sans colère ; et lorsque la toile est tombée, on s'est contenté de ne pas demander les auteurs. On trouvera peut-être que nous avons rendu compte avec trop de détails de leur ouvrage ; nous l'avons fait, parce que, malgré tous ses défauts, malgré sa tournure étrangère au Vaudeville, il offre les germes d'un talent comique qui n'aurait besoin que d'être mieux dirigé.

Nous ne finirons point cet article sans faire mention d'une particularité assez remarquable de cette représentation. Une des choses que le parterre a le moins goutées, ce sont les calembourgs de St.-Remi : ils sont pourtant donnés comme mauvais ; ils sont dans la bouche d'un personnage ridicule, et le public semblait enclin à en jetter le ridicule sur les auteurs. Ce même public rit cependant des calembourgs et les applaudit, lorsque c'est un niais qui les débite ; loin qu'il en murmure, il se plaît souvent à les répéter, à les citer. Cette différence viendrait-elle de ce qu'il se réserve le privilége de rire des calembourgs en les condamnant, et qu'il veut qu'on les lui donne pour argent comptant, sauf à en vérifier lui-même le poids et le titre ? Dans ce cas, ce ne serait pas la première fois que des auteurs auraient porté la peine d’avoir osé prévenir son jugement.                 G.

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