Les Pages du duc de Vendôme

Les Pages du duc de Vendôme, vaudeville en un acte, de Dieulafoy et Gersain, 17 juin 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Pages du comte de Vendôme (les)

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

17 juin 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dieulafoy et Gersain

Almanach des Muses 1808.

On trouve sur Internet plusieurs sites reproduisant l'édition faite en Belgique en 1827 de la pièce, mais l'édition de 1807, chez Madame Masson, n'est pas en ligne à notre connaissance. Sur Gallica, deux gravures représentant des acteurs jouant la pièce : M. Hervey, dans le rôle de Victor, et Vertpré dans le rôle du duc.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1807, tome VIII, août 1807, p. 277-281 :

[La pièce transpose une anecdote concernant un lointain roi de Lombardie, en substituant au roi italien le duc de Vendôme. Tâche difficile, habilement réussie par les auteurs, qui ont aussi changé la jeune femme en cause dans l’anecdote initiale. Le critique raconte ensuite avec précision l’intrigue, pleine de tous les passages obligés de ce genre de théâtre (une jeune fille qu’on veut marier à quelqu’un qui ne lui convient pas, un page rusé qui trompe le duc alors qu’il croyait le confondre, une scène de balcon, etc.). Mais il ne veut pas dévoiler tous les détails, pour entretenir le suspense, il se limite à souligner le charme gracieux de cette peinture des pages (qui semblent avoir été joués par des jeunes filles). « En général, il règne dans cet ouvrage une aimable et franche gaîté ; elle est écrite avec esprit ; les couplets sont tournés avec art », ce qui explique son franc succès. Un reproche toutefois, le rôle que les auteurs font jouer au duc de Vendôme, qui n’est pas conforme au personnage historique, et surtout le sort réservé au comte de Muret, qui passe pour un imbécile sans talent ni mérite : « il n'y a ni talent, ni mérite à faire rire le public aux dépens d'un sot ; il faut laisser cette ressource aux boulevards », et les auteurs ont assez de talent pour ne pas utiliser un tel procédé.]

Première représentation des Pages du duc de Vendôme, vaudeville en un acte , de MM. Dieu-la-Foi et Gersain.

Tout le monde connaît l'histoire qui nous est rapportée par les deux véridiques chroniqueurs Jean Bocace et Jean Lafontaine, touchant certain roi de Lombardie qui, pour découvrir l'auteur de l'outrage qu'on venait de lui faire, descendit sans lumière à son écurie, tâta le pouls de ses muletiers, distingua le coupable à l'agitation de son sang et se crut bien sûr de le reconnaître le lendemain au jour, après avoir pris la précaution de lui couper les cheveux sur le haut de la tête. Mais tout le monde sait aussi comment le galant muletier s'en tira ; dès que le roi fut sorti, il se leva et tondit tous ses camarades au même endroit où il venait de l'être par le monarque. Agiluf, c'est son nom, fut bien étonné le lendemain de cette uniformité de coiffures mais prenant son parti en honnête hommes :

Or bien, dit-il ; qui l'a fait si se taise :
Au demeurant qu'il n'y retourne plus !

Arranger un pareil sujet pour la scène, n'était guère moins difficile que d'en imaginer un tout à fait nouveau, et MM. Dieu-la-Foi et Gersain ont surmonté très-heureusement la difficulté. Au lieu du roi de Lombardie et de ses muletiers, ils ont présenté le duc de Vendôme et ses pages ; au lieu d'une reine outragée, ils ont mis en scène une jeune et jolie demoiselle à qui l'on chante des couplets ; et d'un conte plus que libre ils ont fait un vaudeville dont la gaîté n'a rien d'indécent.

La scène se passe en Espagne, le jour même de la bataille de Villa-Viciosa, et près d'un château où Vendôme se rend après sa victoire. Il est habité par une tante et sa nièce que le duc protége spécialement, car il a obtenu du général ennemi une sauve-garde pour les terres de la tante, et il veut marier la nièce au comte de Muret, l'un de ses favoris. A la vérité ce projet n'est pas du goût de la jeune personne qui se nomme Elise, et elle n'a pas si grand tort. Le comte de Muret est un grand homme aussi sec de corps que d'esprit, qui n'a jamais su lui répondre que par des monosyllabes ; et parmi les pages du duc, il y en a un nommé Marimont, qui a su gagner le cœur d'Elise ; il n'est pas aussi riche que le comte, mais il est fils d'un braye officier qui a perdu un œil et un bras à la guerre, sans avoir jamais voulu recevoir de la cour la plus légère récompense, ce qui donne de belles espérances pour l'avancement du fils.

Or, tandis que Marimont le père va, par l'ordre du duc, s'emparer d'une petite place où deux mille Anglais se sont jettés, tandis que le duc lui-même va faire la ronde de ses postes, Marimont le fils vient avec sept autres pages dresser sa tente devant la maison qui renferme l'objet de son amour.Ses camarades se couchent, et il profite des premiers momens de leur sommeil pour chanter sous les fenêtres d'Elise ; après le second couplet, Elise lui répond. Il veut entamer une conversation avec elle ; mais elle ne répond plus, et il escalade le balcon, afin de lui parler de plus près. Alors paraît le duc de Vendôme ; le page se blottit dans le balcon, et un moment après, il saute à terre. Le duc, averti par le bruit, s'apperçoit, malgré les ténèbres, que le sauteur se réfugie sous la tente de ses pages ; il s'y prend comme le roi de Lombardie pour distinguer le coupable des innocens, mais il se sert d'un autre moyen pour s'assurer de le reconnaître, lorsque le jour paraîtra ; il lui ôte son aiguillette. On devine bien que Marimont ne manque pas, aussi-tôt que Vendôme s'est retiré, de détacher celles de ses camarades ; on devine également quelle sera la surprise du duc, lorsqu'il verra tous ses pages sans aiguillette ; mais il serait moins aisé de prévoir ce qui suivra. Des cheveux coupés ne peuvent renaître sur-le-champ ; au lieu qu'il est possible de retrouver une aiguillette perdue, et Vendôme menace tous ses pages de les renvoyer, s'ils ne reparaissent dans une heure avec cette marque d'honneur.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur le reste de la pièce, il faut ménager le plaisir de la surprise à ceux de nos lecteurs qui iront la voir. Il suffira de leur dire ici que les différens incidens qui se succèdent servent à développer d'une manière très-piquante ce caractère d'étourderie, de malice aimable, de générosité qui distinguait les pages et sur-tout leur esprit de corps. Les auteurs de ce vaudeville en faisant paraître tant de jeunes actrices sous cette élégante livrée, avaient pris en quelque sorte l'engagement d'offrir des tableaux gracieux, et ils ont tenu parole. ll y en a un sur-tout qui semble emprunté de l'Albane ; c'est celui où, pour aider à dresser la tente, les pages grimpent aux poteaux qui la soutiennent ou montent sur les arbres voisins. Le moment où Marimont fait un lit à ses camarades des drapeaux pris à l'ennemi, n'a pas eu autant de succès ; et en effet, les auteurs n'ont pas montré le discernement qui les distingue, en dénaturant cette anecdote : ce fut Vendôme lui-même qui dressa ce lit honorable à Philippe V. En général, il règne dans cet ouvrage une aimable et franche gaîté ; elle est écrite avec esprit ; les couplets sont tournés avec art, et le public en a redemandé plusieurs. La réussite a été complette.

On aurait pu désirer cependant que le duc de Vendôme eût dans cette pièce le caractère particulier que lui donne l'histoire ; qu'il y jouât un rôle plus brillant : mais il n'est là que pour amener ses pages, et comme ses pages sont très-aimables, nous n'avons rien à lui reprocher. Nous serons plus sévères envers un autre personnage, le comte de Muret. C'est trop franchement un imbécille ; il n'y a ni talent, ni mérite à faire rire le public aux dépens d'un sot ; il faut laisser cette ressource aux boulevards. MM. Dieu-la-Foi et Gersain ont assez d'esprit pour n'en pas laisser manquer tout-à-fait les personnages même qu'ils veulent rendre ridicules.                             G.

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