Les Pommiers et le moulin

Les Pommiers et le moulin, comédie lyrique en un acte, de Forgeot, musique de Lemoyne, 20 janvier 1790.

Académie royale de musique.

Titre :

Pommiers et le moulin (les)

Genre

comédie lyrique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

 

Musique :

oui

Date de création :

20 janvier 1790

Théâtre :

Académie royale de musique

Auteur(s) des paroles :

Forgeot

Compositeur(s) :

Lemoyne

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez P. Delormel, 1791 :

Les Pommiers et le moulin, comédie-lyrique en un acte, Représentée pour la premiere fois par l’Académie Royale de Musique, le Vendredi 22Janvier 1790. Paroles de M. Forgeot. Musique de M. Lemoine.

Réimpression de l’ancien Moniteur, tome deuxième (Paris, 1840), Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 22, du vendredi 22 Janvier 1790, p. 178 :

[Une « bagatalle », mais qui obtient un succès mérité, avec une intrigue qui manque de piquant, mais une musique de qualité. C’est que le parolier est novice, et le musicien chevronné. Un détail choquant à propos des costumes : ils n’ont pas d’unité entre le ballet et les acteurs...]

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

S'il était permis de personnifier l'opéra intitulé les Pommiers et le Moulin, qu'on a représenté avant-hier à ce spectacle, il pourrait dire, comme le Philinte du Glorieux : Mon nom n'impose pas ; mais qu'importe le nom, si l'ouvrage est agréable et s'il approche du but que l'auteur s'est proposé, qui est d’offrir un joli paysage ? Les amateurs de peinture, après avoir admiré les productions sévères de Raphaël, ne reposent-ils pas avec plaisir leurs yeux sur les tableaux gracieux de Boucher ? Il en est de même de tous les arts ; aucun genre n'est à rejeter lorsqu'il est bien traité. Ainsi, on ne peut que savoir gré à l'administration de l'Opéra de chercher à varier les jouissances du public ; et, après avoir placé avec succès sur son théâtre, un pressoir, d'y montrer aujourd'hui des pommiers et un moulin.

Il nous serait assez difficile de faire un extrait suivi de ce petit acte, dont le vent seul fait en quelque sorte tous les frais de l'intrigue, ce qui la rend (qu’on nous permette ce mot) aussi légère que lui. D'après cela, nous nous bornerons à dire que le meunier Thomas a deux filles, dont l'aînée est promise à Lucas,fils du jardinier Mathurin ; et quand le vent enrichit l'un des deux pères, en faisant tourner son moulin, il ruine l'autre en abattant ses pommes. De là des querelles perpétuelles entre Mathurin et Thomas, qui se moquent l'un de l'autre, suivant que le temps varie, tellement que, brouillés enfin tout-à-fait, ils finissent par ordonner à leurs enfants de ne plus se parler. Mais la fille du meunier, au moyen de sa sœur cadette, qui prétend, en dépit de tout, l'unir à Lucas, enfreint cette défense, et le reste de l'acte est rempli par les espiègleries de cette jeune protectrice des deux amants. Ils se voient plusieurs fois par son entremise; puis elle trompe tour à tour Thomas et Mathurin, abat les pommes de celui-ci, et finit par les forcer l'un et l'autre à consentir au mariage que leur ridicule colère a été sur le point de rompre.

On conçoit aisément que tout l'intérêt de cette bagatalle [sic] doit consister dans les situations et dans la variété des incidents. Peut-être ces derniers ne sont-ils pas assez multipliés, ni assez piquants. Au surplus, comme cet ouvrage, qui a le mérite d'être agréablement écrit, est le coup d'essai de M. Forgeot à un spectacle où il n'avait pas encore essayé ses forces, il paraît n'avoir cherché cette fois qu'à sonder un terrain absolument neuf pour lui. Il n'en est pas de même de M. Lemoyne ; habitué à travailler en maître, et connaissant parfaitement un théâtre où il obtient tous les jours de nouveaux succès, il a répandu sur la musique une grâce et une fraîcheur de coloris qui ne peuvent que lui assurer de plus en plus les suffrages des connaisseurs. Toutes les parties de l'orchestre sont travaillées avec soin, et le chant a toujours l'expression tendre et naïve qui convient à des villageois. Rien ne prouve mieux la facilité avec laquelle ce compositeur distingué fait plier son génie a tous les genres.

Cet opéra est terminé par un ballet agréable, qui aurait encore produit plus d'effet s'il y était mieux attaché. On n'a pu s'empêcher aussi de trouver mauvais que les danseurs y parussent sous le costume béarnais, tandis que les personnages de la pièce sont tous habillés a la française.

Mercure de France, tome CXXXVIII, n° 5 du samedi 30 janvier 1790, p. 236-238 :

[Ce compte rendu n’oublie qu’une chose, donner le titre de l'œuvre, facile à déduire du sujet. Sinon, tout est dit : l’intrigue est résumée, même si le dénouement n’est guère motivé ; l’auteur du livret est félicité, mais s’il débute à l’Opéra, ce n’est pas pour autant un novice ; la musique est digne de son auteur ; les interprètes sont tous remarquables ; et le divertissement, dû à Gardel, a été dansé avec par des danseurs qui ont fait l’unanimité.]

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

Le succès du nouvel Acte, donné Mercredi 20 de ce mois, n'a point été équivoque. C'est une charmante bagatelle, piquante par le sujet & par la manière dont il est traité.

Deux Paysans ont au même endroit, l'un un moulin, l'autre, des pommiers. Leurs vœux différent comme leurs possessions ; le Meûnier désire le vent, parce qu'il fait tourner son moulin, le Jardinier le craint, parce qu'il fait tomber ses pommes. Ils se contrarient l'un l'autre, tantôt par plaisanterie, tantôt sérieusement.

L'un des deux voisins a un fils, l'autre, une fille qui s'aiment, mais dont le mariage est retardé par les brouilleries des deux pères. Mathurin, le père de la fille, a dit à l'autre :

Non, plus de mariage,au point ou nous en sommes,
Tu t'es moqué de moi; je veux t'en rendre autant,
        Et ne les unirai, morbleu, que quand le vent,
        Ne t'aura plus laissé de pommes.

Une étourdie de sœur, qui vient d’entendre ce propos, saisit une gaule, & se met à abattre les pommes. L'amoureux Lucas veut le gronder, mais elle lui répond par ce joli vers :

Paix, je travaille à votre mariage.

Enfin, comme le temps, l'humeur des deux pères doit être sujète à changer , ils se trouvent un moment d'accord, & le mariage se fait.

L'Auteur de ce joli Poëme, M. Forgeot, a su jeter dans ce cadre des situations & des tableaux agréables, qui ont assuré son succès. C'est son premier essai sur ce Théatre, on sait qu'il a réussi sur les scènes Françoise & Italienne, par des Ouvrages qu'on y revoit avec plaisir.

La Musique , qui est de M. Lemoine, est une nouvelle preuve de la flexibilité, comme de la fécondité de son talent. Il a mis dans cette nouvelle composition, autant de gaîté, de grace & de finesse, qu'il avoit mis de force tragique dans ses autres Ouvrages.

Mlles. Lillette & Gavaudan cadette ont fait grand plaisir dans les deux rôles de sœurs ; Mlle. Gavaudan montre dans ces sortes de rôles un talent qui peut être fort utile dans la nouvelle carrière qui viens de s'ouvrir sur ce Théatre. Les deux pères ont été joués avec beaucoup de succès par Mrs. Lays & Adrien, M. Lays réunit toujours le mérite du jeu théatral à celui du chant.

Cet Opéra est terminé par un divertissement qui a répondu au succès de la Pièce. La composition en fait honneur à M. Gardel ; & MM. Vestris & Nivelon y dansent avec les applaudissemens les plus vifs & les plus mérités.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome III (mars 1790), p. 343-345 :

[Compte rendu très élogieux : aucun des reproches classiques n’est fait à la pièce, qui mérite des éloges aussi bien pour le « poëme » que pour la musique.]

ACADÉMIE royale de musique.

On a donné le mercredi 20 janvier, la premiere représentation des pommiers & le moulin, comédie lyrique en un acte, paroles de M. Forgeot, musique de M. le Moyne.

Le succès de cette piece n'a point été équivoque. C'est une charmante bagatelle, piquante par le sujet & par la maniere dont il est traité.

Deux paysans ont au même endroit, l'un un moulin, l'autre, des pommiers. Leurs vœux different comme leurs possessions ; le meûnier désire le vent, parce qu'il fait tourner son moulin ; le jardinier le craint, parce qu'il fait tomber ses pommes. Ils se contrarient l'un l'autre, tantôt par plaisanterie , tantôt sérieusement.

L'un des deux voisins a un fils, l'autre, une fille qui s'aiment, mais dont le mariage est retardé par les brouilleries des deux peres. Mathurin , le pere de la fille, a dit à l'autre :

Non , plus de mariage, au point où nous en sommes.
Tu t'es moqué de moi ; je veux t'en rendre autant,
Et ne les unirai, morbleu, que quand le vent,
      Ne t'aura plus laissé de pommes.

Une étourdie de sœur, qui vient d'entendre ce propos, saisit une gaule, & se met à abattre les pommes. L'amoureux Lucas veut la gronder ; mais elle lui répond par ce joli vers :

Paix, je travaille à votre mariage.

Enfin, comme le tems, l'humeur des deux peres doit être sujette à changer ; ils se trouvent un moment d'accord, & le mariage se fait.

L'auteur de ce joli poëme, a su jetter dans ce cadre des situations & des tableaux agréables, qui ont assuré son succès. C'est son premier essai sur ce théatre; on sait qu'il a réussi sur les scenes françoise & italienne, par des ouvrages qu'on y revoit avec plaisir.

La musique, qui est de M. Lemoyne, est une nouvelle preuve de la flexibilité, comme de la fécondité de son talent. Un style frais & fin, des idées riantes & neuves, de jolis chants, des morceaux d'ensemble coupés dans la maniere bouffonne propre aux Italiens, mais sans charge, ni affectation. Voilà ce qu'on y distingue, & ce qui peut faire dire que ce compositeur sait essuyer, avec le secours de Thalie & des Grâces, les pleurs qu'il fait couler quand il s'arme du poignard de Melpomene.

On sent combien le jeu dans un pareil sujet est nécessaire au succès; les deux peres sont rendus par MM. Lays & Adrien ; les deux amans par Mlle. Lillette & M. Rousseau, & la petite sœur de la fille du meûnier, par Mlle. Gavaudan cadette, dont la gaieté naturelle fera toujours valoir les rôles comiques dont elle sera chargée. M. Lays fait preuve d'une double supériorité dans le chant & dans le jeu de la scene : le public lui a fait chanter deux fois le premier air de son rôle.

D’après la base César, la pièce de Forgeot et Lemoyne a été d’abord joué 22 fois à l’Opéra, du 23 janvier 1790 au 21 août 1791. Elle a également connu une représentation au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1792,, avant d’être reprise à Paris, 1 fois au Palais des Variétés (le 7 mai 1795), et 40 fois au Théâtre Feydeau, du 20 mai 1795 au 13 novembre 1797.

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