Phanor et Angela

Phanor et Angela, opéra-comique( drame en 3 actes, en prose, mêlé d’ariettes), de Louis-François Faur, musique de Louis-Luc Loiseau de Persuis, 23 messidor an 6 [11 juillet 1798].

Théâtre Feydeau.

Titre

Phanor et Angela

Genre

opéra comique (drame en prose, mêlé d’ariettes)

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

11 juillet 1798

Théâtre :

Théâtre Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Louis-François Faur

Compositeur(s) :

Louis-Luc Loiseau de Persuis

Dans l’Almanach des spectacles de Paris, ou calendrier historique et chronologique des théâtres (quarante-quatrième partie, pour l’an IX de la République), p. 225, Phanor et Angela est présenté comme « drame en 3 actes, en prose, mêlé d’ariettes, par les cit. Faur et Persuis » et daté de 1796.

Courrier des spectacles n° 506 du 24 messidor an 6 [12 juillet 1798], p. 2 :

[Il semble que cette pièce ne soit pas à sa place au Théâtre Feydeau, puisque le critique y relève « ces situations outrées et communes tout à la fois que l’on retrouve si souvent sur la scène de nos théâtres inférieurs » à l’usage « du public le moins difficile ». Et le Théâtre Feydeau n'est pas « un de nos théâtres inférieurs, et son public n'est pas si indulgent. Le premier paragraphe du compte rendu ne donne aucune illusion sur la valeur de la pièce. Le résumé de l’intrigue ne peut que confirmer ce jugement : le critique ne cherche pas à cacher l’incohérence et l’invraisemblable de la pièce. La pièce a donc un plan invraisemblable (le mot n’est pas excessif !), et son style n’est pas supportable : la pièce s’est « traînée avec peine jusqu’à la fin ». Sans être sans reproche, la musique « a néanmoins des beautés réelles », et le critique regrette qu’on ne la joue plus si la pièce n’est pas refaite. Le compositeur est un disciple de Lesueur dont « il paroît adopter » le genre, mais en abusant des dissonances et des effets brusques : « il dépasse souvent les bornes que son modèle a dû lui prescrire ». Il mérite toutefois de composer la musique dun’ meilleur poème.]

Théâtre Feydeau.

Entrer dans les détails de la pièce représentée hier à ce théâtre sous le titre de Phanor et Angela, ce seroit les livrer tous à une critique sévère, et mettre à nud la foiblesse du fond même de l’ouvrage. Le moindre défaut que l’on y remarque est de ne produire que de ces situations outrées et communes tout à la fois que l’on retrouve si souvent sur la scène de nos théâtres inférieurs, et que l’appareil du spectacle seul met en grâce aux yeux du public le moins difficile.

Dom Carlos, gouverneur d’une contrée d’Espagne, homme féroce, -impérieux et jaloux, a cru s’être défait dans un duel de Phanor, amant préféré d’Angela, et veut contraindre cette dernière à l’épouser. Phanor, par le zèle d’un vieux et fidele serviteur, s’est soustrait aux persécutions du cruel Dom Carlos, et s’est réfugié dans une caverne communiquant au bord de la mer par un chemin détourné. Dom Carlos arrive dans la forêt ; Phanor l’y devine apparemment, l’aborde, un poignard à la main, mais trop généreux pour assassiner son ennemi, il lui propose un duel à l’épée : le combat s’engage, dom Carlos est désarmé ; Phanor borne là sa vengeance, et fuit dans la caverne. Tel est la fin du premier acte.

Au second qui représente cette caverne en double scène, Phanor plaint sa destinée, son zélé confident lui propose de le conduire à un navire prêt à faire voile, ce que Phanor accepte sans difficulté. Angela, par un de ces hazards inexplicables, est conduite avec sa suivante dans la caverne ; les amans sont étonnés de se voir réunis, et le public ne l’est pas moins de voir arriver Dom Carlos , qui, ayant appris que Phanor respire, le cherche, et se sent dévoré du besoin de lui déchirer le cœur ; il trouve Angela, l’accable de reproches, de ce qu’elle a mieux aimer [sic] fuir que de rester dans son palais et d’accepter sa main, et l’emmène.

Au troisième acte Phanor, au péril de sa vie, pénétré dans le palais où est Angela ; celle-ci a reçu une lettre, obtient la grâce de voir retirer un peu toute la suite du tyran pour lire cet écrit ; elle y voit que Phanor, dont la tête est à prix, demeure inconnu dans le palais. Pour sauver les jours de son amant, il ne lui reste qu’à se livrer à Dom Carlos ; le tems presse, car un valet calcule gaiement l’argent qu’il a reçu à compte de la dénonciation, et celui qu’elle doit encore lui rapporter. Le vieux domestique de Phanor, qui a obtenu du service chez Dom Carlos, se jette à ses pieds, lui déclare que son maître n’est venu dans le palais que pour y voir sa maîtresse. Le tyran se fait amener Phanor ; Angela se résigne pour le sauver, et offre sa main à Dom Carlos, qui d’abord est furieux de ne pas posséder le cœur en possédant la main, et qui tout-à-coup par cette même idée, tombe dans une attaque véritable de générosité, et unit les deux amans.

On sent tout ce qu’un pareil plan a d'invraisemblable. Ce défaut, qui ,’est. point le seul, n’a pas même l’avantage d’être racheté par un style supportable ; aussi la pièce s’est-elle traînée avec peine jusqu’à la fin.

La musique imparfaite a beaucoup d’égards, a néanmoins des beautés réelles qu’il faudra regretter, si la pièce n’est pas refaite entièrement ; on y distingue sur-tout des richesses de composition qui prouvent une étude très-approfondie de l’art ; le genre qu’il paroît adopter rentre absolument dans celui du cit, Lesueur, mais moins économe de dissonances et d’effets brusques, il dépasse souvent les bornes que son modèle a dû lui prescrire.

Ce compositeur mérite d’être plus heureux dans le choix de ses poëmes.

Journal des Dames (Francfort sur le Main), n° 5 (30 juillet 1798) : p. 19-22 :

[Compte rendu ironique d’une pièce qui accumule les invraisemblances sous forme de clichés usés (le souterrain, refuge de celui qu’on croyait mort, le dénouement complètement imprévisible).]

Un déluge de pièces douvelles vient de tomber sur les théâtres de Paris. Les amateurs ne savent ou courir, tant est grand l'embarras du choix. Phanor et Angela, tel est le titre d'une de ces pièces qui a été jouée le 15 au théâtre Feydeau. C'est un opéra en trois actes, dont voici à-peu-près l'analyse.

Phanor et Angela sont deux amans que l'on ne connoit que par leur nom. Où sont-ils ! d'où viennent-ils !, que font-ils ?, C'est ce que l'on ne nous dit pas. Tout ce qu'on sait, c'est que Phanor a un rival puissant dans Carlos, gouverneur du pays ; que, dans un duel qui vient d'avoir lieu, ce Carlos a tué le malheureux Phanor ; du moins il le croit, Angela le croit, et tout le monde le croit aussi ; mais point du tout, ce Phanor n'a été - tué que par procuration : un autre avoit pris sa place, tandis que, par prudence, il s'étoit retiré dans un souterrain qui communique d'un côté à la maison d'Angela, et de l'autre, au palais de Carlos.

Cependant, le gouverneur, abusant de son autorité, prétend faire à la belle Angela, une douce violence, pour la contraindre à l'épouser ; mais elle préfère Phanor, tout tué qu'il est, à Carlos, quoique bien vivant, et gouverneur. Ce que c'est pourtant que l'amour ! Le pauvre Carlos, étonné d'une pareille résolution, fait retirer tout son monde pour se livrer un moment aux réflexions que la circonstance doit suggérer. Tandis qu'il est seul, ne voilà-t-il pas que Phanor sort de son trou, avec une lanterne sourde, et rencontre par hazard son rival. Celui-ci reste stupéfait, de voir l'épée à la main, un homme qu'il croyoit mort et enterré depuis huit jours ; quoi qu'il en soit, il lui faut dégaîner, et déjà il est désarmé, lorsque que ses gens arrivent. On eût bien arrêté Phanor ; mais, par un privilège attaché à la qualité de mort, il disparoît tout-à-coup, tandis qu'on le cherche. On le revoit au second acte, dans son souterrain. Son fidèle valet-de-chambre vient l'y trouver, et lui conseille prudemment de se retirer en Europe. Un vaisseau est tout prêt qui l'attend : c'est alors que nous apprenons que la scène se passe en Afrique, en Asie ou en Amérique : ce qu'il étoit très-intéressant de savoir. A peine a-t-il cédé aux insinuations de son fidèle conseiller, qu'Angela, fuyant les persécutions de Carlos, veut se réfugier dans le même souterrain. Une bouteille qu'elle apperçoit dans un coin lui fait soupçonner que cette retraite est habitée. Arrive le valet de Phanor, qui, voyant que la maîtresse de son cher maître lui est toujours fidelle, lui apprend qu'il n'est pas mort, et, pour preuve, le va chercher, et l'amène bien vivant dans les bras de son amante.

Quelle joie ! quelle effusion de tendresse ! Cette scène, fort joliment amenée, a causé dans le parterre un telle émotion, qu'on a pris ses soupirs pour des sifflets. Cependant nos amans se séparent, on ne sait trop pourquoi : ils étoient si bien ensemble ! Mais voici bien un autre incident : Carlos a aussi trouvé l'entrée de la caverne ; il y vient avec ses gardes ; et, après avoir vertement tancé mademoiselle Angela de ce qu'elle préfère un souterrain à sa flamme, il la fait reconduire dans son palais. Phanor, qui l'apprend, s'y rend aussi-tôt. Il en instruit son amante par une lettre qu'il lui fait passer, et lui demande en même-tems un rendez-vous pour concerter leur évasion. Angela lui fait savoir l'heure et le lieu où il pourra la voir : mais, au moment où il doit la joindre, elle apprend qu'il est arrêté. Carlos fait amener son prisonnier en présence de son amante, et lui déclare qu'il va le tuer (pour la seconde fois) si elle ne consent à combler ses vœux. C'est alors qu'Angela, faisant le sacrifice de son bonheur pour sauver les jours de son amant, se dévoue, et consent à épouser Carlos. Celui-ci, touché de tant de générosité, veut aussi se piquer d'honneur, et, par un excès de magnanimité, il unit les deux amans qui ne s'y attendoient pas, ni moi non plus.

Tous les spectateurs sont demeurés si surpris, qu'ils n'ont pas songé à demander les auteurs que nous ne connoissons pas. Mais chacun disoit en se retirant : Phanor et Angela est réellement un opéra étonnant.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 4e année, 1798, tome II, p. 415-416 :

L'OPÉRA de Phanor et Angela, joué sur le théâtre Faydeau, n'a pas obtenu de succès : le poëme pèche sur-tout par le plan et par le défaut d'exposition, puisqu'on ignore jusqu'à la fin le lieu de la scène, et ce que sont les personnages ; enfin, sur-tout par le défaut d'intérêt.

Le héros débute par sortir d'un souterrain où la peur l'a fait cacher : il n'en sort que pour nous le dire et y rentrer, et il ne le quitte que pour retourner dans un autre. Son adversaire, gouverneur du pays, est un lâche qui, après avoir manqué un premier assassinat, veut le renouveler ; qui, désarmé honteusement, reçoit la vie sans changer d'intentions, et qui finit cependant par un acte de générosité étranger à son caractère, et impolitique, puisqu'il annonce lui-même qu'il pourra s'en repentir le lendemain.

La musique est monotone, et manque de mélodie : cet ouvrage ne méritoit pas un autre sort que celui qu'il a éprouvé.

La base César, qui donne le nom des auteurs, ne cite que la représentation du 11 juillet 1798.

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