Pierre le grand (Bouilly et Grétry)

Pierre le Grand, comédie en quatre actes et en prose, mêlée de chants, par M. Bouilly, musique de M. Grétry, 13 janvier 1790.

Théâtre italien

Titre :

Pierre le Grand

Genre

Comédie

Nombre d'actes :

4 puis 3

Vers ou prose ?

en prose avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

13 janvier 1790

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

M. Bouilly

Compositeur(s) :

M. Grétry

Almanach des Muses 1791

Aventures romanesques mêlées avec plusieurs traits véritables de la vie de Pierre premier, tels que son amour pour Catherine qu'il épouse, quoiqu'elle soir de la plus basse extraction ; sa passion pour la gloire, et son zèle pour la civilisation de son peuple, qui le portant à travailler lui-même chez un charpentier pour apprendre la construction des vaisseaux, etc.

De la lenteur et du vide dans l'action, le caractère de Catherine noble et bienfaisant. Musique de M. Grétry ; c'est en faire l'éloge.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Brunet, 1790 :

Pierre le Grand, comédie en quatre actes et en prose, mêlée de chants. Représentée pour la première fois, par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, le 13 janvier 1790. Par M. Bouilly. Musique de M. Grétry.

L’œuvre, réduite à trois actes, a été reprise en 1801, et une nouvelle brochure a été publiée à Paris, chez l'auteur :

Pierre le Grand, comédie en trois actes et en prose, mêlée de chants. Représentée, pour la première fois, par les Comédiens Italiens ordinaires du roi, le 22 janvier 1790, et reprise le 11 Pluviose, an 9. Par J. N. Bouilly. Musique de Grétry.

R. Minzloff, Pierre le Grand dans la littérature étrangère (Saint-Pétersbourg, 1872), p. 472-473, dresse la bibliographie de la pièce de Bouilly :

Pierre le Grand, comédie en quatre actes et en prose, mêlée de chants. Représentée pour la première fois, par les comédiens Italiens ordinaires du Roi, le 23 Janvier 1790. Par I. N. Bouilly. Musique de M. Grétry.

1) Tours, de l’imprimerie de L. M. F. Legier. A Paris, chez Brunet, libraire, Place de la Comédie Italienne. Et à Tours, chez Letourmy le jeune, libraire. 1790. 8°. 107 pp.

2) Comédie en trois actes. Paris, et se trouve à. Bruxelles, chez J. L. de Boubers, imprimeur-libraire. 1792. 8°. 56 pp.

3) Amsterdam, chez Gabriel Dufour, libraire. 1792. 8°. 79 pp.

4) ... et reprise le 11 Pluviose, au 9. Paris, chez l’auteur, rue Villedot, numéro 5. An 1X. (1801). 6°. 52 pp.

5) ... et reprise le 7 mai 1814. Paris, Barba, libraire, Palais-Royal, derrière le théâtre français, numéro 51. Imprimerie de Delaguette, rue Saint-Merry, numéro 29. (1814). 8°. IV et 54 pp.

Dans l’avant-propos, l'auteur qui était un émigré, témoigne de son respect et de sa fidélité pour Louis XVI qu'il se plaît à comparer avec Pierre le Grand. Dans l'édition de Paris, 1801, l'avant-propos manque, et il ne reparaît que dans celle de 1814.

Voici l'avant-propos tel qu'il figure dans l'édition en 4 actes publiée à Paris, chez Brunet, 1790 :

AVANT—PROPOS.

Frappé d'étonnement & d'admiration à la vue de la régénération de la France, j'ai cherché dans l'Histoire quelque trait qui y eût rapport, & que je pusse mettre sur la scene.

J'ai vu qu'en Russie Pierre le Grand avait dédaigné l'éclat & les délices du Trône, pour se livrer entierement au bonheur de ses peuples; comme Louis XVI le fait aujourd'hui pour le bonheur des Français. D'une multitude de Barbares sans mœurs, sans principes & sans talents, Pierre-Aléxiowitz en forma une société d'hommes instruits & policés ; en appellant les Français à la participation des droits de la Royauté, Louis en fait un peuple de Rois dont il devient le Dieu tutélaire.

J'ai vu en outre le célébre Lefort, Genevois, conduisant l'Empereur des Russies dans tout ce que ce Prince faisait de grand & de mémorable ; comme en France M. Necker dirige & seconde les vues bienfaisantes du Monarque.

L'analogie était frappante. Aussi personne ne s'y est trompé ; & j'ai eu la douce satisaction de voir éclater dans tous les cœurs l'amour, le respect & la fidélité, sentiments précieux dont je suis intimement pénétré pour ma Patrie & pour mon Roi.

Le succès que cet ouvrage a obtenu sur la scene, m'a déterminé à le donner au public. Puisse ce Juge impartial, ce guide toujours sûr le lire avec l'intérêt qu'il a daigné lui accorder jusqu'à ce moment ! Mais cet intérêt fut sans doute moins l'effet du Poëme, que celui de la musique qui le décore : & en paraissant tel que je suis, sans l'ornement, sans le prestige invincible qu'a joint à mon ouvrage l'artiste célèbre que j'ai eu le bonheur d'y associer, puis-je me flatter de plaire à mes lecteurs ?

Je me croirais indigne du zèle & des soins que m'ont prodigués Messieurs les Comédiens Italiens, si je ne leur exprimais pas ici ma reconnaissance. Cette Société d'Acteurs chéris, d'Artistes profonds, m'a fait éprouver qu'un ouvrage médiocre peut prendre un Coloris éclatant, lorsqu'il a l'avantage d'être joué sur son théâtre.

Mercure de France, tome CXXXVIII, n° 4 du samedi 23 janvier 1790, p. 188-192 :

[La comédie exploite une série d’anecdotes de la vie de Pierre le Grand pour rendre hommage aux changements que la France connaît sous la conduite du Roi. Le critique résume l’intrigue, suite d’événements assez mal reliés (on peut juger que le dénouement apparaît dès le deuxième acte, et la suite ne réserve plus comme surprise que la révélation de l’identité réelle de celui qui se fait passer pour un ouvrier charpentier. La pièce n’est pas sans défauts : le critique aurait voulu que le Czar soit montré sous un jour plus digne de son rang et de son caractère : « ce n'est pas assez pour un grand Monarque, d'être bon Amant & bon Charpentier », le personnage de Catherine n’est pas conforme à son modèle historique, la donation que Georges fait de son bien à son ouvrier n’est pas vraisemblable, et la pièce ne fournit guère d’occasion de s’intéresser au sort des personnages. La pièce est pourtant susceptible d’être améliorée, en particulier en étant resserrée en trois actes (le conseil a été suivi). Le public a beaucoup apprécié le dénouement (révélation du statut de Pierre, et demande en mariage d eCatherine) et plus encore le couplet final à la gloire de Louis XVI, « notre Monarque, qui acquiert à chaque instant de nouveaux titres à notre amour », un couplet chanté sur un air rappelant Henri IV... Le jugement porté sur le poème est positif, mais bien moins que celui porté sur la musique, ainsi que sur les interprètes (leur nom seul suffit pour connaître l’excellence de leur jeu).]

La première représentation de Pierre le Grand, qu'on a donnée Mercredi 13 de ce mois, a eu beaucoup de succès. On a choisi le moment où ce Monarque s'est fait Charpentier, avec son Ministre Le Fort ; il a gardé le simple nom de Pierre, & son compagnon a pris celui d'André.

La Scène se passe dans un Village de Russie ; & c'est-là qu'il devient amoureux, sans en être connu, de la belle & sensible Catherine, qui est veuve d'un simple Soldat, & qui, par sa bienfaisance, a mérité l'amour & la vénération de tous les Habitans.

Voilà donc le Czar chargé de deux rôles qui ne vont pas toujours bien ensemble ; il s'occupe des Arts, qui servent aux projets des grands Monarques ; & il se livre à l'amour, qui les dérange quelquefois.

Pierre est aimé, & il est aimé pour lui même, puisqu'il n'a offert d'autre hommage que celui d'un humble ouvrier. Tout en s'aimant, Pierre & Catherine s'intéressent aux amours d'Alexis & de la fille du Charpentier ; par leurs efforts réitérés, ils triomphent de la résistance du père qui ne vouloit point les unir, & les deux mariages se décident à la fin du second Acte, quoique la Pièce en ait quatre.

Dans les deux derniers, arrive Menzicof, qui vient supplier le Czar de reparoître à sa Cour, pour appaiser les troubles qui se sont élevés en son absence. Pierre se fait connoître, & donne publiquement à Catherine, qui semble d'abord le refuser par modestie, le titre d'Impératrice.

Quoique la moralité que présente ce sujet, ne soit pas bien générale (car enfin il y a peu de Rois qui ayent besoin de se faire Artistes & Ouvriers), cependant ce cadre ne laissoit pas que d'être intéressant. Nous croyons seulement que l'Auteur auroit pu en tirer un plus grand parti, bien qu'il ait lieu d'être content du succès qu'il a obtenu. Il auroit dû ménager à son Héros des positions qui fissent mieux valoir la dignité de son rang & la grandeur de son caractère. Pierre, dans le cours de la Pièce, est très-utile à son Maître, & aime bien sa Catherine ; mais comme ce n'est pas assez pour un grand Monarque, d'être bon Amant & bon Charpentier, on désireroit voir éclater, même à travers les occupations & le costume de l'Ouvrier, le caractère de Pierre le Grand.

Quant à celui de Catherine, nous croyons inutile de faire observer à ceux qui savent l'Histoire, qu'il a fallu l'altérer un peu, pour l'anoblir.

On a eu raison d'observer que l'action paroît finir à la fin du second Acte, la seule réponse que puisse faire l'Auteur, & nous la croyons insuffisante, c'est que Pierre ne s'est pas encore fait connoître. Il auroit fallu au moins terminer l'Acte par l'obstacle qui prolonge l'action dans les deux derniers.

Nous pourrions trouver aussi un peu invraisemblable la donation que Georges, le Maître Charpentier, fait à Pierre, de tous ses chantiers & d'une forte somme d'argent ; car enfin ce Georges a une fille, & Pierre n'est pour lui qu'un garçon Charpentier, mais cette légère invraisemblance fait de l'effet, & la situation est intéressante.

En général, c'est le défaut d'intérêt qui se fait trop souvent sentir dans cette Pièce ; aussi le désespoir de Catherine, quand elle se croit abandonnée, touche peu le Spectateur ; c'est que cette idée de Catherine n'est point assez motivée. Mde. Dugazon joue ce rôle; & l'on peut dire en général, que dans les momens où cette Actrice a une forte passion à exprimer, on doit être touché, ou c'est la faute de la situation.

Au reste, nous nous permettons ces observations avec d'autant plus de confiance, que nous croyons l'Ouvrage susceptible d'être amélioré par des changemens ; mais il nous paroît nécessaire de le réduire à trois Actes. L'action plus resserrée aura bien plus d'intérêt, & en fera mieux sentir le mérite ; car cette Pièce nous paroît estimable, & digne, à plusieurs égards, de son succès. Le dénouement, quoiqu'un peu trop prolongé, a obtenu de justes applaudissemens ; mais le dernier couplet du Vaudeville a excité le plus vif enthousiasme. C'est une sorte de prière pour notre Monarque, qui acquiert à chaque instant de nouveaux titres à notre amour. Les derniers vers sont chantés sur l'Air de charmante Gabrielle, afin que l'air & les paroles tout à la fois puissent rappeler l'idée du bon Henri IV :

Si par des travaux assidus,
Pierre fait fleurir son Empire,
Louis, par ses grandes vertus,
Force tous les François à dire :

    Ciel , entends la prière
        Qu'ici je fais ;
    Conserve ce bon père
        A ses Sujets.

Quelques personnes auroient désiré plus d'analogie entre Pierre le Grand & ce Couplet sur notre Monarque : mais l'éloge de Louis XVI est toujours bien reçu, quand il seroit mal amené.

L'Auteur de ce Poëme est M. Bouilli ; c'est un coup d'essai qui doit prévenir en faveur de son talent.

La musique est un nouveau présent de M. Grétry, qui avoit déjà tant de droits à la reconnoissance du Public. Plusieurs morceaux ont produit le plus grand effet, & reçu les applaudissemens les plus mérités. L'ouverture est ingénieuse, pittoresque & expressive, aussi a t-elle fait le plus grand plaisir.

Les rôles de Catherine & de Pierre le Grand sont joués par Mme. Dugazon, & par M. Philippe : c'est en avoir assez dit sur la manière dont ils sont joués.

Mercure de France, journal littéraire et politique, tome cinquante-neuvième (1814), n° DCLVIII (Mai 1814), p. 332 :

[La pièce ressuscite après le retour des Bourbons...]

Théâtre Feydeau. — Remise de Pierre-le-Grand, opéra en 3 actes de M. Bouilly, musique de Grétry.

Le héros de cet opéra était un grand homme, un législateur habile auquel un puissant empire doit sa civilisation ; mais il avait conservé quelque chose de la rudesse et même de la férocité inhérente à ses mœurs primitives, puisqu'il a été plus d'une fois l'exécuteur des sentences de mort qu'il avait prononcées. On ne pouvait donc, sans altérer la vérité historique, en faire un Céladon, un apôtre de bienfaisance et d'humanité; mais à l'époque où Pierre-le-Grand fut joué, il fallait introduire partout de la philosophie; il était du bon ton de l'afficher, comme il l'est devenu depuis de se déchaîner contre elle.

La musique de Pierre-le-Grand vaut beaucoup mieux que le poëme. L'ouverture est d'un bel effet ; le duo de Pierre et de Lefort est rempli de grâces et de mélodie, et l'on pourrait citer avec éloge la plupart des morceaux. Mademoiselle Regnault s'est distinguée dans le rôle de Catherine, où elle a montré une profonde sensibilité. Les deux premieres représentations ont attiré un grand nombre de spectateurs ; elles ont été très-applaudies, et l'ouvrage a été ensuite interrompu. Quelle en est a raison ? C'est ce que j'ai peine à concevoir.

D'après la base César, la pièce a été jouée 23 fois en 1790 (à partir du 13 janvier), 14 fois en 1791, 13 fois en 1792, 3 fois en 1793 au Théâtre Italien ; elle a été également été donnée 5 fois en 1792 au Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Et elle ressuscite après 1814 et le retour des Bourbons.

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