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Piron avec ses amis

Piron, avec ses amis, ou les mœurs du temps passé, comédie en un acte et en vaudevilles, de J. M. Deschamps. (19 juin 1792). Maret, Palais de l’Égalité.

Théâtre du Vaudeville

Titre

Piron avec ses amis, ou les mœurs du temps passé

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

19 juin 1792

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Deschamps

Almanach des Muses 1794

L'une des meilleures pièces de ce théâtre. De l'esprit, des tableaux, de charmans couplets.

Anecdote tirée de la vie de Piron. Le guet l'a arrêté au milieu de la nuit. On le mène chez le commissaire Lafosse, ainsi que Collé et d'autres beaux-esprits. Ils persiflent le commissaire, son clerc, etc,

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Maret, 1793 :

Piron avec ses amis, ou les mœurs du temps passé, comédie en un acte mêlée de vaudevilles ; par M. Deschamps. Représentée pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le                  1792.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 9 (septembre 1792), p. 341-344 :

[Compte rendu enthousiaste d’une pièce, « un des succès les plus marqués & les plus mérités qu'on ait encore vus ». Son charme vient de ce qu’elle met en scène, « ces heureux tems où l'esprit vivoit avec l'esprit, où les gens-de-lettres, libres, indépendans, francs & enjoués, formoient entr'eux des sociétés, se tiraient de tout embarras avec leur nom, leur réputation, & faisoient le charme de tout Paris par leurs chansons, leurs épigrammes & leurs bons mots » (on est loin de l’ambiance de septembre 1792 !). Après avoir cité plusieurs couplets, le critique conclut sur la gaieté de la pièce, sur la qualité de l’interprétation. On sent beaucoup de nostalgie dans ce compte rendu : la pièce, en évoquant Piron, « rappelle au vaudeville ses premiers titres de noblesse ».]

Piron avec ses amis, petite piéce en vaudevilles, a obtenu un des succès les plus marqués & les plus mérités qu'on ait encore vus. Il suffira d'abord de dire qu'elle est de M. Deschamps, auteur de la Revanche forcée, pour donner une idée de tout l'esprit & de l'excellent ton qui y regnent : elle rappelle ces heureux tems où l'esprit vivoit avec l'esprit, où les gens-de-lettres, libres, indépendans, francs & enjoués, formoient entr'eux des sociétés, se tiraient de tout embarras avec leur nom, leur réputation, & faisoient le charme de tout Paris par leurs chansons, leurs épigrammes & leurs bons mots !.... Le fonds de cette jolie piece est l'aventure arrivée à Piron chez le commissaire Lafosse. Piron, Collé & Gallet (*) ont été à la noce de Landel, fils du maître du Caveau, au carrefour de Bussy, où se réunissoit leur société : il est nuit, les trois poëtes sont un peu gais : Collé & Gallet craignent qu'il n'arrive quelque accident à leur ami Piron, & que le lendemain les envieux ne disent qu'ils étoient ivres : ivres, dit Piron ! ah ! quelle calomnie l ils feroient mieux de dire :

AIR : Des Bonnes-gens.

Qu'il faut, sans qu'on les fronde,
Les laisser suivre leur goût ;
Qu'ils savent, dans le monde,
Toujours s'amuser de tout ;
Qu'ils ne se trouvent à l'aise
Qu'au milieu des bonnes-gens ;
Que de la gaieté françoise
Ce font les derniers enfans.

Piron, pour rassurer ses amis, met bas son habit galonné & se sauve en veste. Collé chante, en tenant cet habit, les deux couplets suivans, qui ont été redemandés.

Air : Cet arbre apporté de Provence.

Ainsi jadis un grand prophete,
En fuyant, laissa son habit :
Mais, par une vertu secrete,
Il y renferma son esprit.
Ah! si celui que Piron laisse
Possédoit les mêmes secrets,
Je sens que j'aurois la foiblesse
De ne le lui rendre jamais.

A I R : Une fille est un oiseau,

Oh I comme j'y puiserois
Tous les secrets de Thalie,
Et le don de la saillie,
Des bons vers, des bons couplets !
Nos quarante, un jour peut-être,
Au Louvre feroient paroître
L'habit, mais non pas le maître,
Pour que, grace à ses effets,
L'esprit venant sans étude,
On y perdit l'habitude
De toujours courir après.      bis.

Cependant Piron est arrêté par la garde, qu'il paie en bons mots. Les trois amis bernent à leur aise le clerc du commissaire : enfin celui-ci se présente. J'ai, dit-il, mon frere Lafoffe ; vous devez le connoître : il a fait la belle tragédie de Manlius.

Collé, au commissaire,

A I R: La parole.

Certes, vous devez, j'en conviens,
Vous enorgueillir l'un & l'autre ;
Lui d'un frere tel que le sien,
Vous d'un frere tel que le vôtre.

Piron, au commiffaire.

C'est un homme d'un vrai talent,
Plus d'un laurier pare sa tête ;
Et j'en suis peu surpris vraiment :

Car moi qui vous parle,

J'ai pour frere un garçon charmant,
Et qui n'est ma foi (bis.) qu'une bête ! bis.

On voit que ce mot connu de Piron est encadré ici avec beaucoup d'adresse. En général, cette jolie comédie offre de la gaieté : l'auteur a su y mêler plusieurs bons mots des trois poëtes qu'il mettoit en scene, & même une chanson de Collé : (Tant que l'homme désirera, &c.) qui étoit vraiment la seule de ses œuvres qu'on pût chanter décemment devant le public. Cet ouvrage, qui a été applaudi avec enthousiasme, est joué avec beaucoup d'ensemble, par Mrs. Duchaume, Bourgeois, David, Léger, Henri, Chapelle, & Mlle. sara-Lescot.

C'est une idée heureuse que d'avoir mis sur le théatre du Vaudeville, l'auteur de la Métromanie, dont les opéras-comiques ont commencé la réputation. Ce souvenir rappelle au vaudeville ses premiers titres de noblesse.

[César : beau succès durable : 46 représentations en 1792, 48 en 1793, 19 en 1794, 11 en 1795, 24 en 1796, 15 en 1797, 11 en 1798, 5 en 1799. soit 133 représentations.

L'Esprit des journaux, français et étrangers, vingt-troisième année, tome IV (avril 1794), p. 119-121 :

PIRON avec ses amis, ou les mœurs du tems passé, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles ; par M. Deschamps, représentée sur le théatre du vaudeville. A Paris, de l'imprimerie de la rue Mêlée, nº. 59 ; & chez Maret, libraire, palais de l'Egalité, cour des Fontaines, 1793.

Cette comédie, qu'on vient d'imprimer, est un des plus jolis ouvrages qui se représentent sur ce théatre ; c’est aussi un de ceux qu'on y voit chaque jour avec le plus de plaisir. Le fils du maître du caveau, Landel, épouse la gentile Babet. Piron, Collé & Gallet ont été invités à la noce, & ils y ont apporté toute la gaieté qui fait la base de leur caractere. C'est dire assez que les convives ne se sont pas ennuyés, & que les bons-mots de Piron ont aiguillonné le tems d'une telle sorte , que jamais on ne le vit fuir d'une aîle plus légere.

La nuit étant déjà fort avancée, tous les gens de la noce se retirent. Les trois poëtes demeurent seuls, & font la récapitulation de leur journée ; ils sont tous les trois enchantés, & Piron trouve qu'ils se sont cent fois plus amusés, qu'en dix ans on ne s'amuseroit...... à l'académie. Mais la nuit est profonde, il faut se rendre chez soi ; Collé & Gallet veulent aller reconduire leur ami ; il s'y oppose, parce qu'il a quelques vers à faire, & qu'il a besoin d'être seul. Ils insistent, parce qu'on parle beaucoup de Raffiat, de Cartouche, & que Piron est vêtu comme un financier. Ah ! ah ! leur dit le poëte de Dijon, « c’est donc mon habit que vous voulez reconduire ? attendez.... Vous savez comment Bias se mit au – dessus de l'embarras des richesses ; je renouvelle son exemple. »

Quitter son habit, le leur jetter & partir comme un éclair, sont pour Piron une même chose ; Gallet court après.

Bientôt Piron, Collé & Gallet, sont arrêtés par le guet, qui les conduit chez un commissaire. Ces arrestations donnent lieu aux scenes les plus plaisantes, & nos trois auteurs s'amusent, non seulement aux dépens du guet & d'un clerc du commissaire, mais encore du commissaire lui-même. Piron lui avoue qu'il est l'auteur de la tragédie de Calisthenes, que tout Paris a sifflée. Que parlez-vous de pieces de théatre, lui dit le commissaire. Savez-vous que l'auteur de Manlius est mon frere ? Comment, lui répond Piron ! Lafosse est votre frere !

C'est un homme d'un vrai talent ;
Plus d'un laurier pare sa tête.....
Et j'en suis peu surpris , vraiment,

Car, moi qui vous parle.....

J'ai pour frere un garçon charmant,
Et qui n'est, ma foi, qu'une bête.

Cependant tous les voisins, que le bruit a réveillés, accourent. Lindel est du nombre : il nomme Piron ; le commissaire se radoucit, & bien loin de l'envoyer en prison avec ses amis, il les invite à dîner pour le lendemain. Tout le monde se retire fort satisfait, même le public, parce qu'il voit toujours jouer cette piece avec beaucoup de talent & d'ensemble.

Journal des débats politiques et littéraires, 14 décembre 1818, p. 3 :

[La pièce est reprise en 1818, et ne paraît pas avoir vieilli aux yeux des spectateurs...]

On a commencé hier soir au Vaudeville, la première représentation des Deux Ecrins ou le Faux et le Fin. On n'a rien compris aux quatre premieres scènes, et déja les signes précurseurs d'un orage avoient éclaté, lorsque deux malheureux Juifs, baragouinant à qui mieux mieux le saxon et l'italien, sont venus, par une escroquerie aussi ignoble que grossiere, mettre le comble à la mauvaise humeur du public, et ont provoqué, bien avant le temps la chute du rideau, et par conséquent celle de la piece. On a gagné à cet incident le plaisir de voir jouer une demi-heure plutôt Piron avec ses Amis, vaudeville du bon temps et du bon coin, où les couplets de l'auteur ne perdent rien à être accolés avec ceux de Piron, de Collé et de Gallet. En sifflant la nouveauté, et en riant aux éclats à l'ancien Vaudeville, les spectateurs ont prouvé qu'ils n'étoient pas dupes, et qu'ils savoient distinguer le faux d'avec le fin.

D'après la base César, la pièce a été jouée 46 fois en 1792 (à partir du 19juin), 48 fois en 1793, 19 fois en 1794 (jusqu'au 18 octobre ; elle réapparaît le 1er juin 1795, pour 11 représentations ; 24 représentations en 1796, 15 en 1797, 11 en 1798, 5 en 1799. Toutes les représentations (sauf une) ont eu lieu au Théâtre du Vaudeville.

Et l'article du Journal des débats de 1818 cité ci-dessus montre qu'elle est encore jouée, et appréciée, en 1818...

(*) Gallet, marchand épicier, ami des auteurs de la Métromanie & de la Partie de chasse, a donné, au théatre de l'opéra- comique, la Précaution inutile, la double Tour & les Coffres. Ce poëte, doué d'une extrême gaieté, faisoit, par son enjouement, les délices des sociétés qui le recherchoìent.

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