La Route de Paris, ou les Allant et venant

La Route de Paris, ou les Allant et venant, tableau épisodique en un acte en vaudevilles, de Théaulon et Armand Dartois, 30 juillet 1814.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Route de Paris (la), ou les Allant et venant

Genre

tableau épisodique en vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

30 juillet 1814

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Théaulon et Armand Dartois

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1814, p. 282-287 :

[Article repris du Journal de Paris, n° 212, du dimanche 31 juillet 1814 p. 1-3.

La Route de Paris est une pièce à tiroirs, faisant défiler dans une auberge (lieu commode pour ce genre de défilé) tous ceux que les événements récents attirent à Paris, ou en font fuir. Tous ont des sentiments différents, crainte,, espoir, ambition, vengeance, voire simple curiosité ; ils représentent des « types » assez classiques : un couple de gascons, un valet, des étrangers (occasion de jouer avec les accents), etc. Pas d’intrigue, juste une succession de détails, même si les auteurs se sont sentis obligés de faire un mariage à la fin. La pièce reposait sur les épaules du fameux Joly, capable de tenir dix rôles et de changer de costume « avec une promptitude miraculeuse ». Si la pièce obéit à une « louable intention » (puisqu’elle célèbre le retour du roi), elle n’est pas sans défauts : un couplet d’annonce « insignifiant », des longueurs, des inconvenances. Le public a bien saisi les allusions (mais il ne suffit pas de parler du roi pour faire une bonne pièce). Joly a été utilisé de façon excessive, mademoiselle Desmares a bien fait rire avec son accent anglais et mademoiselle Rivière a bien tenu le rôle central de l’aubergiste. Succès malgré quelques sifflets.]

Théâtre du Vaudeville.

Première représentation de la Route de Paris, ou les Allant et Venant.

Après un de ces grands événemens politiques qui changent la face d'un empire, les routes voisines de la capitale offrent à l'observation un spectacle assez curieux. Les Allant et Venant, conduits par la crainte, l'espoir, l'ambition, la vengeance, et quelquefois même par une vague curiosité, sont autant de personnages épisodiques d'une lanterne magicomorale. Ce ne sont pas les grands traits que pourrait saisir l'observateur philosophe que le Vaudeville avait la prétention de présenter dans sa petite lanterne magique, mais des caricatures gaies et plaisantes.

La scène se passe dans une auberge située sur la grande roule, à trois lieues de Paris. L'enseigne  aux Fleurs-de-Lis semble porter bonheur à l'hôtesse, jolie veuve cauchoise, qui se nomme Marguerite. Les voyageurs arrivent en foule dans son auberge.

On voit d'abord un courrier-estafette qui, naguère sachant qu'il était presque toujours un messager de malheur, courait avec lenteu r maintenant qu'il ne porte plus que des messages de bonheur, il va toujours au galop ; aussi ne se donne-t-il pas le temps de déjeuner ; il repart dès que son cheval a mangé l'avoine, et fait place au chevalier de Cadiac ; ce seigneur gascon quitte sa province pour aller à la cour ; il veut éviter l'éclat, et, pour mieux conserver l'incognito, il voyage en patache, et s'informe si sa voiture est déjà passée. Il avait, dit-il, la meilleure table du département de Lot-et-Garonne, mais comme chez lui on courait risque de mourir d'indigestion, l'autorité lui a ordonné d'aller toujours dîner en ville. Il courtise de près l'appétissante Marguerite, qu'il essaie d'éblouir par l'offre brillante de sa protection. Il est interrompu dans sa galante entreprise par l'arrivée de Mme. Cadiac, qui est un démon de vivacité et de jalousie. Pendant qu'elle querelle Marguerite, le séducteur remonte dans la patache et part sans faire ses adieux à sa douce moitié, à qui la fureur donne des ailes pour courir après son volage époux.

Au couple gascon succède Frontin, valet de grande maison, qui a perdu une belle place, et que la peur chasse de Paris; il croit toujours entendre siffler le boulet. Le bruit du tambour frappe son oreille, et zeste il fuit en retournant son habit. Des malins ont cru reconnaître certain personnage, et une allusion à une caricature assez plaisante.

Un marin provençal s'arrête dans l'auberge avec sa famille, pour annoncer qu'il part pour l'Amérique. Un suisse vient de Bâle à Paris, où il espère revoir plusieurs gardes-du-corps de sa connaissance. Ce bon suisse s'enivre pour suivre son voyage comme il l'a commencé.

Un lord et son épouse se félicitent d'arriver à Paris, dont les plaisirs vifs et variés guériront milord de son spleen. Il compte ne rester à Paris qu'un mois, et en être quitte pour 10,000 guinées.

A peine milord et milady sont-ils partis, qu'on voit arriver l'élégant Florville, à qui ses créanciers ont inspiré le désir des voyages ; il a d'ailleurs le projet d'étudier les divers caractères des nations, et d'enrichir le public du précieux recueil de ses observations. Il le commence dans l'auberge de Marguerite, en écrivant sur ses tablettes qu'à trois lieues de Paris toutes les femmes sont jolies et vertueuses. Quelles mœurs pures si prés d'une ville corrompue, dont notre philosophe ambulant est dégoûté, parce qu'il s'y trouve des envieux, .des importuns et des créanciers.

Le beau Dominique, le plus galant des rouliers, vient faire une pause et boire la goutte chez Marguerite. Il est bientôt remplacé par un russe et une marchande de modes de Paris, à laquelle il avait promis un magasin : la belle se désole du départ de son amant qui lui fait perdre le fruit d'une fidélité de quinze jours. Le russe s'esquive, et la belle affligée paraît disposée à recevoir des consolations d'un jeune soldat. Comme il faut finir-par un mariage, ce grenadier se trouve être l'amoureux de Marguerite qui le croyait mort ; les regrets qu'elle avait donnés à sa perte doublent le plaisir qu'elle éprouve à l'épouser. A l'instant une diligence verse devant l'auberge ; elle est pleine de voyageurs qui ont cru faire fortune en arrivantà Paris, et qui retournent achever leur rêve en province. Marguerite régale le conducteur pour le remercier d'avoir versé la diligence si prés de son auberge, et nos voyageurs froissés, éclopés et désappointés, n'en boivent pas moins à la santé du roi.

Les auteurs avaient compté pour le succès de leur pièce sur l'à-propos, et sur le talent de Joly qui y joue dix rôles et se travestit avec une promptitude miraculeuse : aussi avaient-ils négligé le couplet préparatoire. Depuis qu'on chante des couplets d'annonce au Vaudeville, jamais on n'en a entendu un aussi insignifiant ; un entr'acte de cinq quarts d'heure semblait encore devoir indisposer le public ; mais tous les mauvais présages ont été démentis ; la louable intention de la pièce en a fait excuser et les longueurs et les nombreuses inconvenances. Plusieurs traits heureux dans le dialogue ont été vivement saisis. Les couplets offrent souvent des idées ingénieuses ; mais ils sont écrits généralement avec une négligence impardonnable. En voici,un qui ne pouvait manquer son effet.

        Tout le monde s'accorde à dire
        Que ce monarque désiré,
        De son peuple heureux qui l'admire
        Se plait à se voir entouré,
Et que, cherchant d'une ame aimante et bonne
        Tous les malheureux avec soin,
        Il se croit placé sur un trône
        Pour les découvrir de plus loin.

Le nom de roi est un talisman fait pour opérer de plus grands prodiges que le succès d'une pièce médiocre.

Les auteurs ont abusé du talent, souple et varié de Joly. S'ils eussent diminué le nombre des caricatures qui fatigue l'acteur, elles eussent paru plus plaisantes ; celle de l'anglais est on ne peut plus grotesque et a beaucoup faire rire ; mademoiselle Desmares, avec le chapeau en coquille et la robe à longue taille, a imité fort gaîment la tournure et l'accent des ladys, dont la grace d'outre-mer paraît un peu gauche à Paris.

Une pièce à tiroir qui ne vit que de détails, n'est pas susceptible d'une critique raisonnée. Je me bornerai donc à dire que les Allant et les Venant n'ont pas paru assez gais. Le rôle très-long de l'hôtesse, qui est ce qu'on appelle une commère, a été fort bien joué par mademoiselle Rivière ; la coiffure cauchoise sied très-bien à sa physionomie. Quelques sifflets étouffés par de nombreux applaudissemeus ont essayé de disputer un succès à MM. Théaulon et Dartois.

A. Martainville.                        

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×