La Rupture inutile

La Rupture inutile, comédie en un acte et en vers, de Forgeot, 14 messidor an 5 [2 juillet 1797].

Théâtre de la rue Feydeau.

Almanach des Muses 1798.

Deux amans, madame de Sainte-Claire et Solange, ont rompu presque sans motif. Chacun d'eux part de son côté pour la même campagne, et y prend un autre nom que le sien. Un M. de Belmond, qui a la manie de vouloir marier les gens de sa connoissance, cherche à saisir une si belle occasion ; elle est unique : car tous deux semblent disposer à épouser subitement une personne inconnue. Ils se rencontrent. On fait croire aisément à madame de Sainte-Claire que Solange est marié depuis peu : Solange croit la même chose, avec la même facilité, de madame de Sainte-Claire. Tout s'éclaircit : ils se raccommodent ; et c'est ainsi que la rupture est inutile.

Des combinaisons forcées et sans vraisemblance. De la finesse, beaucoup d'esprit.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Huet, an V, 1797 :

La Rupture inutile, comédie en un acte et en vers, Représentée pour la première fois, sur le Théâtre Français, rue Feydeau, le 14 Messidor, an 5 (2 Juillet 1797). Par N. J. Forgeot.

Courrier des spectacles, n° 178 du 15 messidor an 5 [3 juillet 1797], p. 2 :

[Une petite comédie, due à un auteur connu dont on donne le nom, et qui a réussi. Le sujet : une rupture sur un malentendu, et les deux anciens futurs époux se retrouvent à chercher une union nouvelle, avec l’aide d’un intermédiaire plein de bonne volonté, qui les présente l’un à l’autre, sans savoir qu’ils ont rompu. Ils choisissent bien sûr un nom leur permettant de ne pas être reconnus. Mais quand ils se retrouvent, ils s’aperçoivent qu’on leur propose de s’épouser sous un autre nom, et ils acceptent. Un dernier paragraphe dresse le bilan : « petit ouvrage » au plan un peu forcé, « des scènes assez jolies », « de charmans vers, dont quelques-uns offrent du vrai comique », le critique n’est pas enthousiaste de la pièce, et n’en dit pas de mal.]

Théâtre Feydeau.

La petite comédie, dont la première représentation fut donnée hier à ce théâtre sous le titre de la Rupture inutile, a parfaitement réussi. L'auteur a été demandé, c'est M. Forgeot, avantageusement connu par plusieurs jolies pièces.

Solange étoit sur le point d’épouser madame de Sainte-Claire, lorsqu’ayant à tort pris de l’ombrage d’après les assiduités d’un certain Florival; il n’a pu se contenir auprès de sa maitresse qui la congédié. Bellemont, homme retiré à la campagne, ami de Solange et de madame de Saint-Claire, mais qui ignore les liaisons qui ont existé entr’eux, veut absolument engager cette dernière à se marier, et se propose de l’unir à Solange. Madame de St.-Claire consent a se rendre chez Bellemont pour voir l’époux qu’on lui destine ; mais elle veut passer pour nièce de son ami , sous le nom de Mme. de Mirande. C’est sous ce nom et comme sa nièce que Bellemont en parle à Solange, qui veut lui-même ne paroitre que sous le nom de Saint-Phar. Dubois, valet de Solange, arrive devant madame de Saint-Claire, tandis que celle-ci est avec Marion sa suivante. La soubrette dit à Dubois que sa maîtresse est mariée. Dubois répond que son maître l’est aussi. Les deux amans se voient, et ne se croyant plus libres, ils se parlent dans cette supposition, le désespoir les determine l’un et l’autre à partir. Solange vient faire ses adieux à Mme. de Saint-Claire, et lui demande si elle connoit une dame de Mirande qu’on attend dans la maison. Celle-ci 1’interroge sur Saint-Phar que l’on attend également. Ils se mettent bientôt au fait l’un et l’autre, et s’épousent.

Le plan de ce petit ouvrage est, comme on le voit un peu forcé. D’ailleurs, il présente des scènes assez jolies, et est rempli de charmans vers, dont quelques-uns offrent du vrai comique.

L. P.          

La Décade philosophique, littéraire et politique, an V, IVe trimestre, n° 29 du 20 Messidor an 5 (8 juillet 1797, vieux style), p. 102-104 :

Théâtre Français de la rue Feydeau.

On a donné dernièrement à ce théâtre la première représentation de la Rupture inutile, pièce en un acte, et en vers. En voici le sujet :

Solanges, amant de madame de St-Clair, inquiet des assiduités de Florival, exige d'elle le congé de ce rival qu'il redoute : c'est au contraire lui qui reçoit le sien. Cette rupture, et le dépit qu'elle lui cause, le conduisent à la campagne, chez son ami Belmon, qui vit philosophiquement dans une terre, occupé de soins champêtres,

Ce Belmon, âgé déjà, retiré du monde, et qui cependant semble avoir peur de le voir finir, comme le dit plaisamment Solanges, a la fureur des mariages.Aussi veut-il d'abord marier son ami. Le hasard le sert bien : Une femme de sa connaissance vient de se décider brusquement à prendre un époux ; elle le presse de lui en trouver un, et lui écrit de mettre dans ce choix toute la célérité possible, dans la crainte qu'un autre caprice ne vienne bientôt changer sa première résolution. Elle ne veut arriver chez Belmon que sous le nom de madame de Mirande, et passer pour sa nièce.

Solanges à qui Belmon la propose, accepte assez volontiers ; mais il prend le nom supposé de St-Phar.

Madame de Mirande n'est autre chose que madame de St-Clair. Les deux amans brouillés se rencontrent avec surprise, et se croient mariés chacun de son côté. Cette erreur provient d'une fausse confidence réciproque entre Marton, la femme-de-chambre de madame de Mirande, et Dubois, le valet-de-chambre du faux St-Phar. Après quelques momens d'embarras et d'une explication assez tendre, d'excuses et de sermens de s'aimer toujours, madame de St-Clair et Solanges se réconcilient, et s'épousent à la grande satisfaction de Belmon.

Tel est le fond de cette petite pièce, qui rentre pour le genre et les situations dans beaucoup d'autres jouées depuis quelques années par les mêmes acteurs. Les deux scènes entre madame de St-Clair et Solanges, sont piquantes ; mais elles pourraient être mieux filées. Le dénouement n'est pas neuf, et tourne un peu court. Peut-être y a-t-il quelque invraisemblance dans le sujet ; mais elle est rachetée par de jolis détails, tels qu'un tableau agréable de la vie champêtre, beaucoup de vers heureux, de la grâce, de l'esprit et de la gaieté.

Cette pièce, souvent applaudie, a été parfaitement jouée par MM. Fleury, Dazincourt, Caumont, par mesdames Contat et Devienne. On a vivement demandé l'auteur (le C. Forgeot). C'est un succès à ajouter à ceux que lui ont mérités d'autres jolies productions, et qui font regretter que sa santé chancelante l'empêche d'occuper plus souvent la scène.

A. F.C.

D'après la base César, la pièce de Forgeot a été jouée 6 fois au théâtre Feydeau, du 2 juillet au 5 août 1797.

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