Le Retour de Carmagnole

Le Retour de Carmagnole, comédie en trois actes, en prose & vaudevilles, 7 septembre 1793.

Date proposée par André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2, p. 320.

Théâtre des Délassements Comiques.

Titre :

Retour de Carmagnole (le)

Genre

comédie en vaudevilles

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

7 septembre 1793

Théâtre :

Théâtre des Délassements Comiques

Auteur(s) des paroles :

 

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 4 (avril 1794), p. 277-280 :

[Le Retour de Carmagnole est un plagiat, et le compte rendu dénonce ce vol manifeste du travail d’autrui. Après avoir établi le fait, le critique dénonce le comportement des plagiaires, et le risque qu’ils font courir à la création au théâtre, d’abord pour les livrets, puis pour la musique : tout le monde voudrait être Haydn ou Grétry, ou Méhul. Il achève son réquisitoire par un appel à une loi pénale punissant les plagiaires, la peur de la sanction lui paraissant la meilleure des armes de dissuasion.]

THÉATRE DES DÉLASSEMENS COMIQUES.

Le retour de Carmagnole, comédie en trois actes, en prose & vaudevilles.

Cette piece n'est autre chose que la Jolie Savoyarde , ou la Réunion des honnêtes gens, qui avoit paru, il y a déjà quelque tems , sur le théatre des Variétés-Amusantes. Il faut cependant encore remarquer que cette comédie, qui y fut annoncée comme nouvelle, avoit été déjà jouée au théatre de Minerve. Ainsi, voilà au moins trois fois, de bon compte, que la jolie Savoyarde, ou la Réunion des honnêtes gens, ou le Retour de Carmagnole, a été piece nouvelle. Nous prévenons nos lecteurs qu'elle pourra l'être encore sous le titre des Amours de Victorine, du Départ du petit André, de l’Arrivée du pere Colmon, de la Piété filiale de Ninette, & de mille autres titres qu'il plaira à ceux qui spéculent sur les titres des pieces, de vouloir lui donner. Quel brigandage littéraire ! l'homme tranquille qui va le soir pour se délasser au spectacle ; l'amateur qui, toujours avide de nouveautés, s'y rend pour juger celle qu'on lui annonce ; & l'artiste qui y vient pour s'instruire, n'ont-ils pas raison d'être surpris autant qu'indignés, lorsqu'au-lieu d'une comédie nouvelle, ils en voient une qui n'a rien de nouveau que son titre, & souvent d'autre recommandation que celle d'avoir été traînée dans la possiere de divers théatres ?

Que deviendront les arts, si l'on ose dégoûter ainsi ceux qui les encouragent ou qui les aiment ?

Que deviendront les littérateurs & les artistes, si l'on souffre qu'un trafic si honteux & si perfide s'établisse ? Ne voit-on pas que par ce moyen les auteurs dramatiques vont tous être frustrés de leur propriété, que toute bonne administration doit se faire un devoir de leur assurer ? Qu'aura à faire le plagiaire effronté qui voudra mettre à profit le fruit des veilles d'un laborieux auteur dramatique ? II prendra sa piecc, & d'abord il en changera le titre, ensuite il retranchera, ou ajoutera un acte; il appellera François celui qui s'appelloit André ; il enchassera mal-adroitement dans l'ouvrage un trait qu'il aura volé ailleurs ; & quand son monstre sera fait & parfait, il l'annoncera impudemment comme un ouvrage nouveau, & se sera précisément comporté comme celui qui a donné le Retour de Carmagnole.

Ah ! si cet abus criant est plus long-tems toléré, Figaro aura eu raison de le dire, la république des lettres ne sera plus qu'une république de loups, qui ne se nourriront qu'en s'arrachant mutuellement leurs enfans pour les dévorer.

Mais le littérateur n'a pas seul à se plaindre de ce brigandage ; le musicien y est encore plus exposé que lui. Si Hayden va au spectacle de la rue Feydeau ou à l'Opéra comique-national, il est tout surpris d'entendre chanter dans telle ou telle piece, certains morceaux qu'il a insérés dans telle ou telle de ses simphonies. Si Grétry assiste à la représentation de tels ou tels opéras, il est tout étonné que leurs auteurs, en disant que ces ouvrages leur appartiennent, n'aient fait autre chose que de donner des habits d'une autre couleur aux belles statues qu'il avoit faites. Enfin, si Lesueur & Méhul vont à tel ou tel théâtre, le premier trouve qu'on s'est approprié les beaux motifs qu'il a développés dans un chœur sublime ; le second, qu'un prétendu auteur a appliqué ses superbes & savans accompagnemens à un morceau qu'il a r'habillé. Ainsi, il suffit au frêlon de savoir voler pour vivre aux dépens de la diligente abeille ; ainsi Grétry, Lesueur & Méhul n'ont travaillé que pour des plagiaires ; ainsi l'ancien proverbe: Sic vos, non vobis, vellera fertis oves1 se vérifie tous les jours.

Pour nous, qui serions bien-aises d'être Hayden, mais qui désirerions d'être Grétry ou Lesueur, si nous ne pouvions pas être Méhul ; & qui serions fort embarrassés, si nous étions celui-ci, de savoir si nous n'aimerions pas mieux être un des premiers ; nous dirions dans toute la franchise de notre ame, qu'une loi pénale contre les plagiaires nous semble d'autant plus indispensable, que rien ne décourage tant un auteur, & n'est conséquemment plus contraire aux progrès des arts que les plagiats. Ils doivent donc être réprimés.

En attendant qu'ils le soient, nous continuerons de donner l'éveil à ce sujet, & nous dénoncerons toujours les plagiaires à l'opinion publique. C'est la seule justice que nous puissions en faire. Quiconque fait ce qu'il peut n'est pas tenu à davantage. Mais ne seroit-il pas à propos que les gens-de-lettres & les artistes eux-mêmes nous aidassent dans cette besogne ? Plusìeurs yeux y voient mieux qu'un seul, & nous ne sommes pas tellement familiers avec tous les ouvrages, que rien ne puisse nous échapper. Il faudroit donc que tous ceux qui aiment les arts nous envoyassent des notes, lorsqu'ils s'appercevroient de quelque plagiat ; nous les joindrions aux nôtres, & en les rendant publiques, peut-être parviendrions-nous à mettre un frein au brigandage des plagiaires ; combien d'hommes serotent honnêtes gens, s'ils avoient la certitude qu'un jour leurs-fripponneries seroient découvertes !

(Journal des spectacles.)

Pas de Retour de la Carmagnole dans la base César.

1 Vers qu’on prête à Virgile victime d’un plagiaire. On peut le traduire, comme Delille, par : « Ainsi pour le berger l’agneau porte sa laine ».

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