Le Rêve (Etienne et Gresnick)

Le Rêve, opéra en un acte, d'Étienne, musique de Gresnich. 8 pluviôse an 7 [27 janvier 1799].

Théâtre de la rue Favart, Opéra-Comique

Almanach des Muses 1800

Action un peu nue ; quelques jolis airs.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, an VII :

Le Rêve ; opéra-comique, en un acte et en prose. Représenté pour la première fois au Théâtre de l'Opéra-Comique national, rue Favart, le 8 Pluviose, an 7 de la République Française. Paroles du C. Etienne, Musique du C. Gresnich

Le texte de la pièce est précédé d'une courte préface :

PETITE PREFACE.

Je ne livrerai pas mon ouvrage à l'impression sans avoir témoigné à l'Administration du Théâtre de l'Opéra-Comique National, toute ma reconnoissance pour les bontés insignes dont elle a bien voulu m'honorer.

Complaisance, attentions, procédés, elle a tout mis en œuvre pour encourager un jeune Débutant dans la carriere Dramatique.

C'est ainsi que je dois répondre aux lâches détracteurs du Théâtre Favart : à les entendre, la porte est fermée à tous ceux qui n'ont d'autre recommandation qu'un talent naisant, tandis qu'elle est ouverte à certains Auteurs privilégiés.

Toutes ces clameurs de l'envie n'en imposent pas à ceux qui, comme moi, ont souvent eu à se louer de la conduite honnête et délicate de l'Administration.

Je dois aussi un juste tribut d'éloges aux Acteurs qui ont joué dans ce petit Ouvrage, mais c'est particulièrement à la Citoyenne Saint-Aubin que je me plais à témoigner toute la gratitude ; elle a mis à le faire monter, un zele, un empressement qui ne se sont point encore ralentis, et que je n'oublierai jamais.

Heureux le Debutant dont les premiers pas sont soutenus, et qui trouve dans la bonne volonté des Artistes les encouragemens dont il a besoin pour suivre une carriere parsemée de ronces et d'épines.

C.-G. Etienne.          

Courrier des spectacles, n° 706 du 9 pluviôse an 7 [28 janvier 1799], p. 2 :

[Le premier paragraphe de l’article dit tout : le succès, le nom des auteurs, un débutant pour les paroles, un compositeur connu. Pour montrer que le fond de l’opéra est simple, le critique propose son analyse. Et il nous raconte une histoire très convenue (le trio oncle, neveu et jeune veuve, la rivalité amoureuse des deux hommes ; les domestiques qui se mêlent des affaires des maîtres, et qui ne sont pas toujours très sincères ; l’oncle qui se cache pour épier son rival de neveu ; le projet d’enlèvement de la jeune veuve par le neveu ; un dénouement à la fois peu clair et tellement attendu : le rêve que raconte l’oncle joue un rôle qu’il n’est pas simple de comprendre, mais le résultat, c’est que l’oncle consent à céder la jeune veuve à son neveu. Le jugement porté sur la pièce est rempli d’indulgence : c’est une pièce de débutant, et on sent chez l’auteur de belles dispositions. La pièce comporte de belles scènes, elle est bien écrite, avec un dialogue piquant et « de la finesse dans les idées ». Il faut relever quelques défauts, un plan faible, des « moyens usés dans al comédie », des longueurs au début. Mais il ne faut pas décourager le débutant... L’interprétation est remarquable, l’ensemble parfait. Et même la musique a droit à une mention honorable : en deux lignes, le critique signale qu’on a applaudi « différens duos ».]

Théâtre Favart.

On a donné hier à ce théâtre la première représentation du Rêve ; opéra en un acte, cette pièce a obtenu un grand succès. Les auteurs ont été demandés, le citoyen Solié est venu annoncer que cet ouvrage est le début du citoyen Etienne, et que l’auteur de la musique est le citoyen Gresnich. Le fond de cet opéra est très-simple, on va en juger par l’analyse suivante :

Emilie, jeune veuve, a promis sa main à M. de Courval, par reconnoissance des services qu'il lui a rendus après la mort de son mari. M. de Courval absent depuis quelque temps lui annonce qu'il doit arriver le jour même. Emilie est au désespoir, elle s’est insensiblement et sans presque s’en appercevoir, laissé captiver par le doux sentiment de l’amour. Melcourt, jeune officier et neveu de M. de Courval est l’amant que son cœur a choisi, et que par modestie et délicatesse elle n’ose encore s’avouer à elle-même. Elle ordonne à sa soubrette de lui donner son congé. La sensible Lisette prend le parti du malheureux congédié et lui promet de faire tous ses efforts pour le bien servir. Cependant Pasquin, valet de M. de Courval, devance l’arrivée de son maître ; Lisette tente de le mettre dans ses intérêts en lui promettant sa main, et en lui donnant une bourse de 25 louis, que Melcourt lui a remise pour les frais de l’intrigue. Pasquin prend la bourse, promet tout ce que lui demande Lisette, et se résout à tout déclarer à son maître. En effet, celui-ci paroit, et Pasquin lui avoue que pendant son absence Melcour a fait des visites assidues à Emilie : en un mot, qu'il est son rivai préféré. M. de Courval se propose de donner une petite leçon à son neveu ; il le présente à Emilie, comme un étranger pour lequel il réclame ses bontés ; les deux amans sont déconcertés. Melcourt sort sous le prétexte d’une expédition militaire. M. de Courval est un de ces hommes qui trouvent dans leurs songes, mille explications à faire, mille pressentimens de ce qui doit leur arriver ; il entend son neveu revenir et il se renferme dans la chambre voisine et écoute quels sont les desseins de Melcourt.

Celui-ci est d’avis d’enlever Emilie ; il charge Pasquin de faire avancer des chevaux ; bientôt il revient suivi de son maître, ce qui force Melcourt de se cacher derrière le rideau. Alors M. de Courval explique à Emilie un rêve qu’il vient de faire, et n’omet rien de la conduite repréhensible de son neveu ; enfin il le découvre derrière sa retraite, et comme il est aussi bon que son neveu est amoureux, il lui pardonne et consent à son mariage avec Emilie.

Cette petite piece annonce dans son auteur d’heureuses dispositions pour la comédie. La scène où M. de Courval présente à Emilie son neveu comme étranger, est fort plaisante et d’un bon comique. La dernière, où il fait le récit de son rêve, et où il donne une leçon à son neveu, est aussi fort agréable ; en un mot, cet ouvrage est écrit avec légèreté et facilité ; le dialogue en est piquant, et il y a de la finesse dans les idées. Si l'on usoit de sévérité, on pourroit peut-être reprocher à l’auteur la foiblesse de son plan, d'avoir employé quelques moyens un peu usés dans la comédie, et quelques longueurs dans les premières scènes ; mais c’est un premier ouvrage, et il ne faut pas décourager un auteur qui annonce devoir réussir dans la carrière dramatique.

Ce petit ouvrage a été joué avec l'ensemble le plus parfait, la cit. Saint-Aubin a mis infiniment de finesse dans le rôle de Lisette, et le cit. Solié de la bonhommie et de la rondeur dans celui de M. de Courval. On a beaucoup applaudi à différens duo de la musique, et entr’autres à ceux chantés par les cit. Si-Aubin et Bouvier.

D'après la base César, Le Rêve, de Charles Guillaume Etienne, musique d'Antoine-Frédéric Gresnick, a été joué 14 fois au Théâtre de l'Opéra-Comique (salle Favart), du 27 janvier au 31 octobre 1799 (15 représentations d'après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 387).

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