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Les Rendez-vous de Minuit

Les Rendez-vous de Minuit, vaudeville en un acte, de Dupin et Armand Dartois, 13 octobre 1812.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Rendez-vous de minuit (les)

Genre

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

13 octobre 1812

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dupin et Armand Dartois

Almanach des Muses 1813.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, 1812 :

Les Rendez-vous de minuit, comédie-vaudeville en un acte, par MM. H. Dupin et A. Dartois, représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 13 octobre 1812.

[Puisque chaque compte rendu lui accorde une place, rappelons qui est Pierre Hyacinthe Azaïs, un philosophe dont le système philosophique et physique, célèbre au début du XIXe siècle, prétend expliquer par la loi des compensations toutes les vicissitudes des destinées humaines, et par la loi de l'équilibre tous les phénomènes de la nature et du monde.]

Journal de Paris, n° 288 du 14 octobre 1812, p. 2-3 :

[Après avoir payé son dû à un acteur débutant dont il n'avait pas parlé, le critique aborde le compte rendu de la nouvelle pièce, dont il pense moins de bien que du débutant. Il commence par un rapide résumé de l'intrigue, une histoire de pupille que son tuteur épouserait volontiers, e tqui amène une scène nocturne de jardin « dans le goût espagnol » qui amène le dénuement attendu (une fois de plus le tuteur n'épouse pas...). La pièce copie fidèlement le Barbier de Séville, mais sans avoir l'originalité ni le « grain de folie ». Le compte rendu est bien sévère pour une pièce qu'ils jugent inutilement graveleuse à défaut d'être gaie, et qui est jouée par « l'arrière-ban du vaudeville », à l'exception d'une actrice. La pièce avait tout pour échouer, et pourtant elle a réussi (les auteurs ont été nommés), occasion de commenter le très philosophique refrain du vaudeville, « tout est compensé dans la vie » : un échec devrait compenser cette réussite indue...]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation des Rendez-vous de Minuit.

Avant de parler de la pièce nouvelle, je dois réparer une omission que je me reproche comme une injustice. Je n’ai rien dit du début de M. Léon sur le théâtre du Vaudeville. Ce jeune acteur mérite pourtant d’être encouragé. Il a joué le principal rôle dans le Mariage de Scarron, et l’accueil favorable qu’il a reçu du public l’a plus que dédommagé du silence du journaliste. Je ne peux guère juger son physique dans le rôle de Scarron, mais sa voix est agréable, sa prononciation est nette et pure, et il possède l’art de bien phraser les couplets. Je ne doute pas que M. Léon ne puisse remplir d’une manière utile pour l’administration, et agréable pour le public, l’emploi des valets, à peu-prés vacant au Vaudeville depuis la mort de Carpentier.

Je voudrais pouvoir dire que la pièce nouvelle sera pour ce théâtre une aussi bonne acquisition que le nouvel acteur ; mais l’indulgence n’est pas le premier devoir d’un journaliste.

Dom Pedre, fils du gouverneur de Tolède, a fui depuis huit jours de la maison de son père qui refuse de consentir à son mariage avec la jeune et jolie Clara, pupille du vieux Morillos. Le galant fugitif ne sort que la nuit pour donner des sérénades à sa belle. Mais Morillos a deux filles nommées Prudia et Flora, qui s’imaginent que cette galanterie s’adresse à elles ; il n’est pas jusqu’à leur tante la vieille Passioni, qui ne se flatte aussi d’être l’objet des attentions et des vœux du jeune inconnu.

Un valet, malin et fripon, les entretient dans leur erreur et les fait consentir toutes trois à un enlèvement dont il indique l’heure à minuit. Elles sont exactes au rendez-vous, mais le hasard fait qu’elles y rencontrent Morillos. Ici un imbroglio nocturne dans le goût espagnol, et le dénouement est amené par une lettre du gouverneur qui, instruit que son fils s’est introduit dans la maison de Morillos, accorde enfin le consentement si longtemps refusé. Don Pèdre n'enlève personne, mais il épouse Clara, au grand regret du tuteur qui convoitait ce friand morceau.

Il est facile de s'apercevoir que les auteurs ont rétréci les habits et pincé les masques de Figaro, de Rosine, de Bartholo et d’Almaviva ; mais fallait-il, en déguisant ces personnages, ne leur laisser ni un trait d'originalité, ni un grain de folie ?

MM. Dupin et Dartois, auteurs des Rendez,-vous de Minuit, ont fait trop souvent preuve d’esprit et de goût pour ignorer que le rire qu’excite la licencieuse équivoque n'est jamais flatteur pour un écrivain. Il y a entre la gravelure et la gaieté la même différence qu’entre un satyre et une grâce.

Est-ce par modestie, est ce par orgueil que ces messieurs avaient négligé les moyens auxiliaires de succès ? Excepté Mme Saint-Aulère, ils semblaient avoir fait un appel à l’arrière-ban du vaudeville.

II n’est personne qui, en lisant d’avance et la pièce et la liste des acteurs, n’eut parié pour une chute. Eh bien, on aurait perdu ; l’ouvrage a obtenu du succès malgré quelques sifflets compensateurs. Je me sers de cette expression, parce que les auteurs ont emprunté l’idée de leur vaudeville final à M. Azaïs, qui ne s’attendait guère à se trouver dans celle affaire. Le refrain de ce vaudeville est : Tout est compensé dans la vie : soit. MM. Dupin et Dartois feront peut-être un jour une bonne pièce qui sera sifflé. Tout est compense dans la vie.

A.          

Mercure de France, journal littéraire et politique, tome cinquante-troisième (1812), n° DLXXXVII du samedi 17 octobre 1812, p. 132-133 :

[Sur le thème de la compensation (à la mode, à la suite du philosophe Azaïs), explication de l’attitude du public, déçu par une pièce qui ne tient pas ses promesses, proclamées avec un humour peut-être incompris dans le couplet d’annonce. Elle est par ailleurs peu originale : le critique montre combien elle emprunte à la Famille extravagante, de Legrand (1709). Les personnages de jeunes filles y tiennent d'ailleurs des propos bien lestes. Néanmoins, la pièce a des qualités : ses couplets, son caractère amusant. Peu importe qu’elle soit de Legrand ou de Dupin et Dartois.]]

Théâtre du Vaudeville. — Première représentation des Rendez-vous de Minuit, vaudeville en un acte, de MM. Dupin et Dartois.

Lorsque le public cédant à l'attrait de la nouveauté se rend en foule à une pièce nouvelle, il espère être dédommagé de sa peine, et trouver du plaisir pour son argent ; s'il est trompé dans son attente, il a à sa disposition un moyen de compensation tout simple, et dont malheureusement pour les auteurs il n'use que trop souvent. En cas de chute, l'acteur a toujours quelque compensation de la peine qu'il s'est donnée inutilement ; il peut se dire qu'il a fait son possible pour sauver l'ouvrage. L'auteur lui-même jouit de quelque compensation : s'il s'est trompé, son intention était bonne, et il se promet de mieux faire une autre fois pour amuser le public ; mais le pauvre journaliste, forcé pendant tout le cours de l'année d'assister soigneusement aux premières représentations de nouveautés si peu nouvelles, où trouver une compensation pour lui ? On ne peut admettre que c'en soit une que la liberté de dire crûment qu'une pièce n'est pas bonne. M. Azaïs lui-même serait embarrassé pour établir la compensation.

Si l'on trouve singulier que je parle métaphysique à propos d'un vaudeville, je répondrai que c'est la faute des auteurs et non la mienne, car ils ont établi dans leur ouvrage que tout était compensé dans la vie.

Il est d'usage au théâtre du Vaudeville que l'on fasse précéder chaque ouvrage nouveau d'un couplet d'annonce, dans lequel on réclame l'indulgence du parterre. Ce couplet est d'une importance plus grande qu'on ne pense, et pour parler le langage du pavs, c'est un échantillon sur lequel on juge la pièce. Le couplet d'annonce des Rendez-vous de Minuit, avait donné de l'ouvrage une idée favorable ; je l'ai retenu sans peine, et le voici :

L'auteur, malgré son épouvante,
Messieurs, tout-à-1'heure m'a dit,
Que son intrigue était piquante
Et ses couplets remplis d'esprit,
Enfin que cette œuvre légère
Etait un ouvrage parfait :
Si ce n'est pas ce qu'il a fait,
C'est bien ce qu'il a voulu faire.

Il fallait du talent pour soutenir cette plaisanterie ; le public n'aime pas les louanges prématurées, sur-tout quand c'est l'auteur qui se les donne lui-même.

Les Rendez-vous de Minuit m'ont rappelé (je sais bien pourquoi) la Famille extravagante de Legrand, donnée en 1709. Si je nomme la Famille extravagante, la plupart de mes lecteurs ne la connaîtront pas, mais les auteurs des Rendez-vous de Minuit la connaissent bien. Fabre d'Eglantine la connaissait aussi, car c'est là qu'il a pris le rôle d'une vieille femme qui ne parle que par proverbes, personnage comique, et qu'il avait fort heureusement place dans l'Intrigue Epistolaire.

Pour revenir aux Rendez-vous de Minuit, je dirai donc que leur ressemblance avec la Famille extravagante est un peu trop forte : même intrigue, presque même nombre de personnages, et qui agissent de même dans les deux ouvrages ; seulement MM. Dupin et Dartois ont changé les noms et le lieu de la scène. On trouve dans cette imitation de fort jolis couplets ; peut-être même sont-ils un peu lestes, sur-tout ceux que chantent les demoiselles : dans le monde les jeunes filles ne disent pas tout ce qu'elles savent, et je crois qu'au théâtre il est inconvenant de leur faire parler du souvenir et de l'espérance. Comment une demoiselle peut-elle aussi chanter les douceurs de la maternité?...

En résultat, il importe peu aux spectateurs que la pièce soit de Legrand ou de MM. Dupin et Dartois. Est-elle amusante ? Oui. Y trouve-t-on de jolis couplets ? Oui. Fait-elle passer une heure agréable ? Oui. En ce cas je crois que les Rendez-vous de Minuit seront quelquefois le rendez-vous de ceux qui aiment à rire sans s'informer du nom des auteurs à qui ils en ont l'obligation.                        B.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1812, tome V, p. 441-442 :

[Le critique commence par le résumé de l’intrigue, avant d’en donner les qualités (« de la gaieté, des intentions comiques ») et des défauts (« quelques couplets un peu trop lestes », un style un peu négligé). La pièce a réussi.]

Les Rendez-vous de Minuit, vaudeville en un acte, joué le 13 octobre.

Dom Pèdre, fils du gouverneur de Tolède, a fui depuis huit jours de la maison de son père, qui refuse de consentir à son mariage avec la jeune et jolie Clara, pupille du vieux Morillos. Le galant fugitif ne sort que la nuit pour donner des sérénades à sa belle. Mais Morillos a deux filles, nommées Prudia et Flora, qui s'imaginent que cette galanterie s'adresse à elles ; il n'est pas jusqu'à leur tante, la vieille Passioni, qui ne se flatte aussi d'être l'objet des attentions et des vœux du jeune inconnu.

Un valet, malin et fripon, les entretient dans leur erreur, et les fait consentir toutes trois à un enlèvement, dont il indique l'heure à minuit. Elles sont exactes au rendez-vous, mais le hasard fait qu'elles y rencontrent Morillos. Ici un imbroglio nocturne dans le goût espagnol, et le dénouement est amené par une lettre du gouverneur qui, instruit que son fils s'est introduit dans la maison de Morillos, accorde enfin le consentement si longtemps refusé. Dom Pèdre n'enlève personne, mais il épouse Clara, au grand regret du tuteur.

Il y a dans cette petite pièce de la gaieté, des intentions comiques, quelques couplets un peu trop lestes. Un fort joli vaudeville, dont le refrain est : Tout est compensé dans la vie. Le style est en général un peu négligé, cependant la pièce a complètement réussi.

Les auteurs sont, MM. DUPIN et DARTOIS.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1812, p. 289-291 :

[Pas moyen de dire de la nouvelle pièce qu’elle sera profitable au théâtre du Vaudeville. L’intrigue résumée après ce préambule accumule les éléments convenus. On ne trouve dans la pièce « ni un trait d'originalité, ni un grain de folie ». Et l’esprit recourt à « la licencieuse équivoque », qui ne grandit jamais un auteur. Les acteurs étaient « l’arrière-ban du vaudeville », ce qui nuit bien sûr au succès de la pièce. La pièce a obtenu le succès (on s’attendait plutôt à une chute), même si certains ont sifflé. On attend mieux des auteurs.

Article presque entièrement repris du Journal de Paris du 14 octobre, reproduit ci-dessus.]

Les Rendez-vous de Minuit.

Je voudrais pouvoir dire que la pièce nouvelle sera pour ce théâtre une aussi bonne acquisition que le nouvel acteur, M. Léon, qui vient de débuter dans l'emploi de valets, à-peu-près vacant depuis la mort de Carpentier ; mais l'indulgence n'est pas le premier devoir d'un journaliste.

Dom Pèdre, fils du gouverneur de Tolède, a fui depuis huit jours de la maison de son père qui refuse de consentir à son mariage avec la jeune et jolie Clara, pupille du vieux Morillos. Le galant fugitif ne sort que la nuit pour donner des sérénades à sa belle. Mais Morillos a deux filles nommées Prudia et Flora, qui s'imaginent que cette galanterie s'adresse à elles ; il n'est pas jusqu'à leur tante la vieille Passioni, qui ne se flatte aussi d'être l'objet des attentions et des vœux du jeune inconnu.

Un valet, malin et fripon, les entretient dans leur erreur et les fait consentir toutes trois à un enlèvement dont il indique l'heure à minuit. Elles sont exactes au rendez-vous, mais le hasard fait qu'elles y rencontrent Morillos. Ici un imbroglio nocturne dans le goût espagnol, et le dénouement est une lettre du gouverneur qui, instruit que son fils s'est introduit dans la maison de Morillos, accorde enfin le consentement si long-temps refusé. Don Pèdre n'enlève personne, mais il épouse Clara, au grand regret du tuteur qui convoitait ce friand morceau.

Il est facile de s'appercevoir que les auteurs ont rétréci les habits et pincé les masques de Figaro, de Rosine, de Bartholo et d'Almaviva ; mais fallait-il, en déguisant ces personnages, ne leur laisser ni un trait d'originalité, ni un grain de folie ?

MM. Dupin et Dartois, auteurs des Rendez-vous de Minuit, ont fait trop souvent preuve d'esprit et de goût pour ignorer que le rire qu'excite la licencieuse équivoque n'est jamais flatteur pour un écrivain. Il y a entre la gravelure et la gaîté la même différence qu'entre un satyre et une grace.

Est-ce par modestie, est-ce par orgueil que ces messieurs avaient négligé les moyens auxiliaires de succès ? Excepté Mme. Sainte-Aulére, ils semblaient avoir fait un appel à l’arrière-ban du vaudeville.

Il n'est personne qui, en usant d'avance et la pièce et la liste des acteurs, n'eut parié pour une chute. Eh bien, on aurait perdu ; l'ouvrage a obtenu du succès malgré quelques sifflets compensateurs. Je me sers de cette expression, parce que les auteurs ont emprunté l'idée de leur vaudeville final à M. Azaïs, qui ne s'attendait guère à se trouver dans cette affaire. Le refrain de ce vaudeville est : Tout est compensé dans la vie : soit. MM. Dupin et Dartois feront peut-être un jour une bonne pièce qui sera sifflée. Tout est compensé dans la vie.

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