Les Ruines de Sainte-Marguerite, ou le Solitaire

Les Ruines de Sainte-Marguerite, ou le Solitaire, mélodrame en trois actes, de Coffin-Rony,muique de Moranges, créé sur le,le 23 janvier 1806.

Théâtre des Jeunes Artistes.

Le nom du chorégraphe n'est pas donné.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au Théâtre et chez Locard, sans date 

Les Ruines de Saint-Marguerite ou le Solitaire. Mélodrame en trois actes, mêlé de Chants, Danses et Combats. Paroles de Coffin Rony, ancien Officier au premier régiment de hussards, et Membre de la Société Académique des Sciences, séante au Louvre, à Paris. Musique de M. Moranges.

                    J'abhorre les méchans ;
Leur esprit me déplaît comme leur caractère,
Et les bons cœurs ont seuls le talent de me plaire.

Joué le 23 Janvier 1806, au Théâtre des Jeunes Artistes.

Courrier des spectacles, n° 3282 du 25 janvier 1806, p. 2-3 :

[Après avoir souligné les efforts du Théâtre des Jeunes Artistes et de son directeur pour fidéliser le public, efforts pas toujours récompensés, le critique constate à la fois la curiosité suscitée par le mélodrame nouveau, et la relative déception du public qui a manifesté son mécontentement et n'a pas permis qu'on nomme l'auteur, même si certains auraient souhaité faire preuve d'indulgence (les amis de l'auteur ?). Le sujet est jugé intéressant, mais la réalisation a bien des faiblesses : style incorrect et interprètes insuffisants. Le critique enchaîne sur le résumé de l'intrigue, une vraie intrigue de mélodrame, avec une sorte d'ermite chargé de veiller sur la fille qu'un ami décédé lui a confiée, et qui est malmenée par sa belle-mère : la charmante Marguerite est aimée par le fils de cette belle-mère, mais son cœur est acquis à un jeune homme. Le mari de sa belle-mère tente de l'enlever, mais il échoue parce qu'elle est protégée par Léopold, son amant de cœur. La venue du roi est l'occasion de régler le différent, et c'est l'occasion de faire triompher le bien : Léopold l'emporte sur l'époux de la belle-mère dans un jugement de Dieu. Les deux jeunes gens peuvent être unis, et le roi découvre avec bonheur que le solitaire est un de ses anciens amis, retiré du monde parce qu'il est persuadé d'avoir causé la mort de sa femme. Une lettre providentielle prouve qu'il n'y est pour rien, et il reconnaît en Léopold son propre fils. Le jugement porté sur la pièce est sévère : même si le troisième acte ne manque pas d'intérêt, il a comme les deux premiers bien des longueurs. Mais le critique met en avant un ballet réalisé par un couple d'enfants (on aime les enfants prodigues), à la danse gracieuse et précise – surtout celui de la jeune danseuse, à qui un bel avenir est promis.]

Théâtre des Jeunes Artistes.

Les Ruines de Ste.-Marguerite.

La nouvelle administration de ce théâtre fait tous les jours de nouveaux efforts pour fixer l[a] faveur publique, qui semble caresser de préférence les théâtres voisins, et se laisser entraîner par la pompe de leurs spectacles ou l’intérêt des mélodrames. Ses essais ne sont pas toujours également heureux ; mais on connoît si bien l’intelligence de M. Foignet fils, que l’on se porte en foule aux nouveautés qu’il fait représenter. Aussi la salle étoit-elle avant-hier trop petite pour contenir tous les curieux qui étoient venus visiter les Ruines de Ste.-Marguerite. Plusieurs se sont retirés sans voir l’objet de leur pèlerinage ; mais ceux qui ont pu être admis ne paroissent pas avoir trouvé dans ces Ruines toutes les beautés qu’ils s’en promettoient. Quelques-uns ont témoigné leur mécontentement d’une manière assez bruyante pour que l’auteur de la pièce nouvelle n’ait pas été nommé, malgré les réclamations de plusieurs autres qui penchoient apparemment pour l’indulgence.

Le sujet de ce mélodrame ne manque point d’intérêt ; mais il a été traité sans doute avec précipitation ; le style en est incorrect et négligé. Quelques scènes, qui auroient pu produire de l’effet, ont été mal rendues. Si l’auteur a essuyé de la défaveur, il doit aussi en attribuer en partie la faute à ceux qui étoieut chargés de quelques-uns des principaux rôles.

Le père Augustin, religieux retiré dans la caverne de Sainte-Marguerite, a connu autrefois le comte de Fitz Walter, et cet ami en mourant lui a recommandé Marguerite, sa fille, qu'il avoit eue d’un premier hymen, et qu'il laissoit entre les mains de la veuve. Celle-ci mariée en seconde noce au comte de Davonshire, cherche à s’approprier les biens de Marguerite, en lui contestant sa légitimité. Cependant elle l’élève sous ses yeux, et son fils en devient amoureux. Mais le cœur de Marguerite est déjà à la disposition du jeune Léopold, qui fréquente comme elle la grotte solitaire du père Augustin. Cette continuité de visites éveille les soupçons de Myladi et de sou époux ; ils prennent des mesures de rigueur contre Marguerite, et l'enferment sous la surveillance d’un nouveau domestique qui n’est autre que Léopold lui-même. Sir Charles veut profiter de la nuit pour effectuer l'enlèvement de la prisonnière. Léopold , armé de deux pistolets, le force de renoncer à son dessein, et facilite l’évasion de son amante, avec laquelle il s’échappe du château. Cependant le bruit de la fuite de Marguerite se répand dans la maison. Le Comte, en sa qualité de seigneur et de grand justicier, fait chercher les coupables ; ou ne les trouve point, on accuse le père Augustin. L’arrivée du Roi donne à cette accusation un caractère plus imposant encore. Sir Charles se déclare contre Marguerite et appelle en champ clos tout chevalier qui oseroit la défendre. Elle - même se présente ; elle plaide sa cause. Le père Augustin arrive et veut se justifier, mais le Roi a décidé que l’on auroit recours au jugement de Dieu, et sir Charles ayant jeté le gant, at tend avec impatience que quelque guerrier vienne le relever. Au dernier signal de la trompette, Léopold paroît et triomphe ; sir Charles confus et désarmé proclame l'innocence de Marguerite et s’avoue vaincu. Mais il reste un autre point à éclaircir. Quel est ce solitaire qui, depuis vingt ans, habite les Ruines de Sainte-Marguerite ? Le Roi l’interroge. Augustin lui répond en lui présentant une épée qu’il avoit autrefois reçue de lui comme une récompense de sa bravoure. Le Monarque à ce signe ne peut meconnoître son ancien ami le comte Hoffmann, qui a quitté le monde, dans la persuasion où il étoit qu’égaré par la jalousie, il avoit ravi le jour à son épouse. Une lettre de cette épouse lui ouvre les yeux, il reconnoît sou erreur, et pour qu’il ne manque rien à son bonheur, il retrouve un fils dans ce Léopold dont il a favorisé les amours.

Le troisième acte de ce mélodrame n’est pas dénué d’intérêt, mais il offre, comme les deux premiers, trop de longueurs ; nous ne compterons pas dans ce nombre un petit ballet où deux jeunes enfans de dix à douze ans exécutent plusieurs pas avec une grâce et une précision surprenantes. La jeune danseuse sur-tout s’est fait remarquer et applaudir d’une manière toute particulière ; elle promet de devenir un jour un sujet très-distingué.

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