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Les Ruses déjouées

Les Ruses déjouées, comédie en prose, et en trois actes, d'A. J. Dumaniant, 24 brumaire an 7 [14 novembre 1798].

Théâtre de la Cité-Variétés.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an septième :

Les Ruses déjouées, comédie en prose, et en trois actes, Par le citoyen A. J. Dumaniant, membre de la société Philotechnique. Représentée à Paris, sur le Théâtre de la Cité-Variétés, le 24 brumaire an 7.

Courrier des spectacles, n° 632 du 25 brumaire an 7 [15 novembre 1798], p. 2-3 :

[Le premier paragraphe de l'article est consacré à chanter les louanges de l’auteur de la pièce, dont on rappelle les succès précédents et dont on raconte le triomphe lors de la première représentation : tout le monde a applaudi, et pas seulement les amis de l’auteur, et personne n’a trouvé de défaut à reprocher à la pièce. L’analyse de l’intrigue suit, fait de manière très minutieuse, une intrigue mêlant affaires financières, à la limite de l’escroquerie, et affaires matrimoniales. Les « fripons » sont bien sûr démasqués à la fin, l’argent revient à qui de droit, et le jeune premier épouse la jeune veuve, dont la richesse est recherchée par l’escroc. Jugement final : presque rien à reprocher à la pièce, tout juste quelques longueurs, surtout au début de la pièce, quelques défauts légers, mais une pièce bien écrite, le seul reproche précis étant un détail infime. L’interprétation est satisfaisante.]

Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.

Tandis que les premiers théâtres de la capitale ne présentent, sous le nom de tragédie, de comédie, et même d’opéra que des Drames noirs et invraisemblables, il est assez étonnant de voir nos petits théâtres offrir un azile à Thalie, et cette muse aimable sourire aux efforts entrepris pour lui plaire. Le cit. Dumaniant, connu par plusieurs pièces agréables, telles que les Intrigans, la Nuit aux aventures, et sa jolie comédie de Ruse contre ruse, ou Guerre ouverte, qui a attiré tout Paris et fait encore grand plaisir aux amateurs des pièces à intrigues, le c. Dumaniant dis-je, vient d’acquérir un nouveau droit à l’estime publique par une jolie comédie donnée pour la première fois hier à ce théâtre, sous le titre des Ruses déjouées. Le succès de cette pièce a été complet, et nous pouvons assurer que l’auteur ne l’a pas dû a ses amis ; dumoins n’ont-ils pas eu de défaut choquant a protéger contre les murmures des gens de goût. Ceux-ci n’ont guères eu que des éloges à donner à l’auteur, il a été vivement demandé ; confondu au milieu de l’orchestre, il y a été reconnu par le public, qui pressoit envain les acteurs de l’amener. Il a fallu qu’il cédât aux sollicitations, et qu’il montât sur le théâtre, pour y recevoir les témoignages du plaisir, que l’on avoit éprouvé à la représentation de sa pièce, dont voici l’analyse :

Darmincourt, jeune intrigant, s’est introduit auprès de Sainville, autre jeune homme fort riche dont il a captivé l’amitié, et si bien séduit l’esprit, qu’il s’est fait vendre par lui à vil pris une maison qu’il a lui-même cédée à des conditions très-avantageuses à Mad. Longueval, veuve d’une trentaine d’années, jouissant de 40 mille livres de rente, et qu’il espère épouser au détriment de son ami trop timide pour lui déclarer son amour. Paul, valet de Sainville, voit avec peine que son maître est dupe d’un fripon, et veut le tirer d’erreur : ses remontrances sont aussi inutiles auprès de son maître, que les conseils de Gervais, intendant de mad. de Longueval, le sont auprès de sa maîtresse, à qui il prouve qu’elle va se ruiner par ses folles dépenses, et dont il reçoit son congé pour récompense de son zèle. Pendant que Paul cherche les moyens de détromper son maître, arrive Lisette : c’est une protégée de Paul, qui s’est promis de la placer soit chez Mad. de Longueval, soit chez Mad. de Senange, cousine de Sainville, qu’on attend de Pondichéry. La mise élégante de Lisette fait naître à Paul l’idée de la faire passer pour Mad. de Senange même, et de lui attirer, sous l’espoir d’une fortune immense, les soins de Darmincourt. Ce projet réussit à merveille, mais Darmincourt n’est pas le seul fripon qu’il y ait à tromper ; Dubois, son valet , est un digne rival de Paul. Dubois, voyant son maître sans argent, et connoissant son escendant sur l’esprit de Sainville, forme le projet de tirer de celui-ci une somme de 50 mille liv. Il y parvient en jouant le rôle d’un créancier qui vient menacer Darmincourt de le faire saisir, s’il n’acquitte promptement i cette dette.

Paul est au désespoir, en apprenant le nouveau tour que l’on vient de jouer à son maître, mais il se flatte de rattraper l’argent. Pour y parvenir, il s’adresse à Dubois lui-même, et après par de faux dehors d’amitié , et sur-tout en lui offrant de partager la somme, s’il peut la reprendre a Darnincourt ; il va joindre ce dernier, lui vante son attachement, les efforts qu’il a faits pour lui faire obtenir la main de la jeune Senange ; il lui représente son mariage avec elle comme devant être approuvé de Sainville, qui se verroi t ainsi délivré d’un rival dangereux. Une seule chose pourroit gêner Sainville : obligé de rendre trois cents mille livres à Madame de Senange ; il lui manque cinquante mille livres, si Darmincourt n avoit pas encore disposé de cette somme, elle lèverait toutes les difficultés, et n’entrevoit d’ailleurs que pour repasser dans les siennes dès le lendemain.

Le fripon donne dans le piège ; Dubois qui a entendu une conversation peu favorable à son maître, vient accabler Paul de reproches. Celui-ci le calme bientôt en lui remettant 25 mille liv. pour sa moitié, mais qu’il a bientôt l’adresse de lui reprendre, en lui inspirant des regrets de sa méfiance, et en lui donnant l’espoir d’avoir dans peu sa part de trois cents mille livres. En faisant épouser Mad. de Senange à Darmincourt, il s’agit de perdre celui-ci dans l’esprit de Madame Longueval. Les deux valets y réussissent, en le peignant criblé de dettes et peu réservé lorsqu’il parle d’elle, sur-tout de son âge, article sur lequel elle est très-susceptible. Une seule chose arrête cette veuve ; Darmincourt a d’elle des lettres dont il pourroit faire un très-mauvais usage ; elle s’estimeroit fort heureuse de pouvoir rendre en échange le contrat de vente de la maison de Sainville. Darmincourt qui desire fort le r’avoir, se prête très-volontiers à cet échange, et le remet à Paul, qui ne le tient pas plutôt, qu’il le déchire, et ôte ainsi au fripon un titre contre son maître. La fausse Mad. de Senange arrive, et continue son rôle avec assez d’inquiétude, parce que Dubois soutient la reconnoître pour Lisette ; mais Paul qui est parvenu à son but, avoue le stratagème. Darmincourt et son valet sont démasqués, et Sainville épouse Mad. Longueval.

Cette pièce qui, indépendamment de quelques longueurs, principalement dans le premier acte, offre d’autres défauts, mais légers, est généralement bien écrite. On observe cependant à l’auteur que l’on ne doit pas dire je vous demande, mais je vous fais excuse.

Le cit. Mayeur a fort bien joué le rôle de Dubois, sur-tout à la fin du quatrième acte. Le cit. Faur a bien rendu celui de Paul ; on lui a fait l’application de ce qu’il subit à lui-même : J'ai joué ma scène avec lui d'une manière fort naturelle. Le cit. Damas et la cit. Toussaint ont aussi été très-applaudis.

Le Pan.

Dans son numéro n° 870 du 23 messidor an 7 [11 juillet 1799], p. 2, le Courrier des spectacles évoque une représentation donnée le 20 messidor, en même temps que Ferdinand XV, ou les Barons allemands : débuts d’une actrice, accueil favorable du public.

La citoyenne Vazel, la même que l’on voyoit avec plaisir à l’Odéon lors de l’ouverture de ce théâtre, a débuté dans la première pièce, les Ruses déjouées, et elle a plu beaucoup par l’aisance et le naturel de son jeu, dans cette comédie que le public revoit toujours avec satisfaction.

Selon la base César, la pièce de Dumaniant a été jouée 18 fois du 14 novembre 1798 au 14 juillet 1799, au Palais des Variétés.

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