Le Sac

Le Sac, comédie en un acte, en prose & vaudevilles, 27 avril 1793.

Théâtre de la République, rue de Richelieu.

Titre :

Sac (le)

Genre

comédie avec des vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

27 avril 1793

Théâtre :

Théâtre de la République, rue de Richelieu

Auteur(s) des paroles :

 

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 6 (juin 1793), p. 311-316 :

[Compte rendu d’une pièce « orientale » (le critique se croit tenu de défendre l’honneur des « mœurs ottomanes » mis à mal par la précipitation de Zulime à signer son contrat de mariage. La pièce a quelques défauts : cette précipitation, donc, et aussi « ma graveleuse ruse » qu'utilise Zerbain (« ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe... »). Défauts faciles à corriger, comme quelques « inversions peu utilisées; quelques constructions forcées, quelques invraisemblances ». Pièce « très-agréablement jouée ».]

Le sac, comédie en un acte, en prose & vaudevilles.

Zulime allant au bain, le vent souleve son voile, & le jeune turc Zerbain est ébloui par l'éclat de sa beauté. Il est inutile de dire qu'ils deviennent tous les deux éperduement amoureux l'un de l'autre. Cependant le vieux négociant Hassan, dont Zulime est l'esclave, doit l'épouser dans la journée. Le cadi & l'iman sont mandés ; il les attend avec la plus vive impatience.

Le pauvre Hassan est lui-même si amoureux, qu'il en a perdu le sommeil ; aussi s'est-il levé de très-grand matin pour faire les apprêts de son mariage. Malheureusement pour lui, son eunuque Misouffe est intéressé, comme ces monstres-là le sont, & Orcan, eunuque de Zerbain, parvient à le séduire, en lui promettant cent sequins d'or, s'il veut introduire le jeune amoureux dans un sac à la place des marchandises dont Hassan a fait emplette. Le marché est conclu : que d'hommes sans être eunuques, se laisseroient aujourd'hui tenter par cent sequins d'or !

Que Zulime est malheureuse ! il faut qu'elle épouse Hassan. Pourquoi ce Zerbain qu'elle a cru si tendre , est-il si indifférent ? « Que n'as tu vu, dit-elle à l'esclave Fatima, son air surpris, quand le vent souleva mon voile ! Ah! s'il parut avoir bien du plaisir à me voir, je n'en eus pas moins à le considérer, à jouir de son étonnement. Que je rendis grace à cet air frais qui me procura un si doux instant ! « Eh! de par Mahomet, s'écrie Fatime, cessez de vous occuper d'une passion que vous devez à un coup de vent, & qu'un coup de vent emportera. Ne vaut-il pas mieux que vous répondiez à l'amour bien plus solide & bien plus réel d'Hassan notre maître ?

Celui-ci arrive avec le cadi, & en même tems le sac qu'apporte un crocheteur que Misouffe introduit. Le cadi ouvre son registre. Hassan & Zulime signent le contrat ; & pour achever le mariage, il ne manque plus que l'iman. Le vieux négociant va lui- même le chercher, parce que l'usage veut qu'il s'inscrive sur le registre.

Grace à cet heureux usage, Zulime & le sac restent seuls. Zerbain se remet à chanter. Sa voix est si douce, que la tendre esclave ne peut se résoudre à le laisser étouffer dans le sac, elle en délie le cordon, & Zerbain sort. O Mahomet ! c'est le jeune homme qu'on a rencontré en allant au bain ; c'est lui-même. D'après les dispositions de Zulime, il est clair qu'elle doit céder à son penchant, & éprouver le plus vif regret d'avoir souscrit aux vœux d'Hassan ; mais la chose est faite. Ne pourroit-on pas, dit Zerbain, y remédier par la fuite ?

N'ayant pas trouvé l'iman, Hassan veut, dans sa vive impatience, que son esclave lui donne un baiser. Zulime refuse. — Ah ! du moins, en attendant l'iman, chante-moi donc une chanson. — soit, & l'esclave chante sur l'air : Un troubadour Béarnais, &c.

Un sensible & jeune amant
Aimoit fille jeune & sage,
Qui n'apprit ce sentiment
Qu'au jour de son mariage.
Las! pourquoi trop tard d'un jour
A-t-elle su son amour.

L'honneur leur défend l'espoir,
Doux désir les sollicite !
Entre l'amour, le devoir,
Qu'on souffre quand on hésite !
Victime on est tour-à-tour
Du devoir & de l'amour.

Aux cœurs tendres & constans,
L'hymen offre bien des charmes !
Mais aux cœurs indifférens,
Souvent il coûte des larmes.
Heureux qui trouve en ce jour,
Son devoir dans son amour.

Hassan est si fatigué , qu'il ne lui faut pas les trois couplets pour l'endormir, & Zulime est si pénétrée de ce qu'elle vient de dire, qu'elle laisse prendre à Zerbain le baiser qu'elle n'a pas voulu donner à Hassan pour trois belles pieces d'étoffe. Mais on ne fait pas un baiser sans mouvement, & Hassan & Zulime sont très-près du sac. Ce mouvement réveille en sursaut le vieux marchand, qui, pour mieux constater sa honte, va appeller des témoins, après avoir lié le sac, & enfermé Zulime dans sa chambre.

L'iman vient prêter son ministere à Hassan ; il voit remuer, il entend parler dans le sac ; il reconnoît la voix de Zerbain qui est son voisin ; il le délivre. Par quelle singuliere aventure, vous trouveriez-vous dans cette prison ? — Le vieil Hassan prend femme par vanité, & voulant prouver qu'il est fait pour avoir des descendans, il m'a fait venir pour me prier d'occuper sa place.... C'est pour se venger de mon refus qu'il m'a renfermé dans ce sac, en attendant qu'on allât me jetter à la mer, si je m'obstinois une seconde fois à ne pas accomplir sa volonté.

L'iman est dupe de ce grossier stratagème ; íl offre à Zerbain de tenir sa place. — Mais tout iman doit avoir une barbe, & je suis privé de cet avantage. « soyez tranquille, lui répond le bon-homme, je sais qu'il faut une barbe à un iman, & qu'il peut être fort ignorant & fripon, pourvu qu'il ait une barbe. Mais depuis qu'une jeune Circassienne a résisté pendant trois ans à ma passion, à cause de son aversion pour la barbe, j'ai bien juré qu'elle ne seroit plus un obstacle à mes plaisirs, »

Dans un homme de mon état
C'est la barbe que l'on révere ;
Mais le soir, dans un tendre ébat,
La barbe aux graces ne plaît guere.
La mienne ombrage mon menton
sitôt que du monde j'approche,
Mais dès que j'aborde un tendron,
    Je la mets dans ma poche.

Zerbain prend la barbe, l'iman entre dans le sac ; Hassan arrive, ses gens tombent sur le sac à grands coups de bâton ; l'iman se fâche, & soutient au négociant qu'on ne devroit pas le traiter de la sorte, parce qu'il a voulu lui rendre le service de le remplacer dans ce moment ; Zulime & Zerbain paroissent; & comme on parle d'empaler, & que le cadi est présent, l'iman répete ce que lui a dit Zerbain, quand il l'a tiré du sac. Tout s'éclaircit, Zulime proteste qu'elle n'aimera jamais que Zerbain ; celui-ci, pour applanir toutes difficultés, propose de payer l'esclave mille sequins, toute sa fortune, s'il le faut. Hassan, non moins sensible à l'appat de l'or qu'aux appas de sa maîtresse, consent à la céder, & tout le monde est satisfait, à l'iman près, qui se seroit bien passé des coups de bâton qu'on lui a si généreusement donnés.

II seroit à désirer, peut-être, pour l'honneur des mœurs ottomanes, que Zulime différât sous quelque prétexte de signer le contrat de mariage, & sur-tout que Zerbain n'employât point auprès de l'iman, la graveleuse ruse qu'il met en usage. Mais ces défauts sont faciles à faire disparoître, en même-tems que l'auteur corrigera dans le style quelques inversions peu usitées, quelques constructions forcées, & dans le sujet, quelques invraisemblances, comme celle par exemple de Zerbain, qui chante dans le sac au milieu de tout le monde, & qui n'est entendu de personne, à l'exception de l'eunuque Misouffe qui le fait taire. Cette piece est très-agréablement jouée par MM. Chapelle, Henry & Verpré, & par mesdames Blosseville & Barral.

César : pièce en un acte, d'auteur inconnu. Première le 27 avril 1793. 11 représentations jusqu'au 31 octobre 1793.]

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