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Le Secret de Madame

Le Secret de Madame, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Dumolard et Moreau, 2 juin 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Secret de Madame (le)

Genre

comédie mêlée de couplets

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 juin 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dumolard, Moreau

Almanach des Muses 1811.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1810 :

Le Secret de madame, comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le samedi 2 juin 1810. Par MM. Moreau et Dumolard.

L'Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII (août 1810), p 289-295 :

[Madame a un secret : elle passe deux heures chaque jour en tête-à-tête avec un jeune homme, par ailleurs ami de la famille, et que son mari verrait bien comme mari de leur fille. De plus, elle veut accompagner son mari en Angleterre, mais lui refuse, tout comme elle refuse le mari qu’il veut donner à sa fille. Elle annonce un projet mystérieux, ce dont les spectateurs sont informés, mais pas tous les personnages. Le mari ne sait rien, les domestiques savent, et donnent des interprétations divergentes de ces rencontres secrètes. Le valet révèle tout au mari qui ne semble pas se formaliser de ce qu’il apprend. Les inconvenances se multiplient alors : le mari lit une lettre qui semble compromettante de sa femme devant un domestique, n’en parle pas avec sa femme et attend le retour de l’ami pour lui proposer d’en finir avant de proposer la séparation d’avec sa femme. Il ne reste plus qu’à dénouer l’intrigue : le secret de Madame, c’est qu’elle a voulu apprendre l’anglais pour pouvoir accompagner son mari, et pour cela elle a sollicité l’aide d’un ami  ils ont traduit ensemble un roman épistolaire d’amour. Tout est éclairci, il n’y a plus de mystère, ni de cause de brouille entre les époux. La pièce a eu un succès mitigé : le public n’a pas goûté les inconvenances, ni les plaisanteries un peu douteuses nées de la naïveté de la fille de la maison. Surtout, elle est plus une comédie qu’un vaudeville, et « le public veut que l'on reste fidèle au genre que l'on annonce ». Pour assurer une meilleure réception, il suffirait de quelques adaptations (plus de rapidité, suppression d’éléments mal venus, comme les équivoques dites à la jeune fille par son prétendu, ou la lecture de la lettre devant le valet). Mais ces conseils sont plus faciles à donner qu’à suivre.]

Le Secret de Madame, comédie en un acte, mêlée de couplets, par MM. Dumolard et Moreau.

Par la vertu la plus aimable,
Faire de nous ce qu'il leur plaît ;

Tel est le secret des dames, s'il faut en croire le vaudeville qui termine cette pièce et en renferme la moralité. Le Secret de Madame ne promet pas d'abord d'être aussi moral. Encore jeune et jolie, quoique mère d'une fille de quinze ans, Mme. de Saint-Far reçoit tous les matins, à l'insçu de monsieur, un jeune homme fort aimable, nommé le chevalier de Sainte-Croix ; passe avec lui deux heures tête-à-tête ; lui fait porter des lettres et en reçoit les réponses par Germain, valet-de-chambre de son mari. Il y a bien là de quoi rendre une femme suspecte, et beaucoup de gens ne seraient rassurés ni par la bonne intelligence dans laquelle elle vit avec son époux, ni par la qualité d'ami de la maison que le chevalier a su prendre, ni même par l'inclination qu'il témoigne pour Mlle. de Saint-Far, que son père veut lui donner en mariage. Ajoutons cependant que M. de Saint Far est à la veille de faire un voyage en Angleterre, par ordre du gouvernement, que sa femme lui demande avec instance de l'accompagner et qu'il s'y refuse, sous prétexte qu'elle ne sait pas l'anglais ; mais disons aussi qu'il voudrait unir Amélie au chevalier avant son départ et que sa femme s'y oppose. Toutes ces circonstances bien pesées, on conviendra, sans doute, que le spectateur lui-même pourrait s'y tromper, si Mme. de Saint Far ne montrait la sécurité la plus parfaite et surtout si elle n'annonçait pas un projet mystérieux qui doit procurer à son mari la plus agréable surprise.

Mais ce projet, qui est annoncé au spectateur, ne l'est pas à tous les personnages, et si M. de Saint-Far, qui ignore tout, ne conçoit pas le moindre ombrage, il n'en est pas de même du valet Germain et de la suivante Suzanne, qui savent tout, excepté le projet. Tous deux ont formé des soupçons que modifient leurs caractères. Suzanne est bonne, elle a de l'esprit ; ne pouvant s'empêcher de trouver un peu étranges les assiduités du chevalier, elle espère que tout s'expliquera d'une manière satisfaisante et se promet d'ailleurs d'être fidèle aux devoirs d'un bon domestique, en feignant de ne pas voir ce qu'on ne lui dit pas de regarder. Germain, au contraire, est méchant et assez borné : il croit voir bien au-delà de ce qu'on lui montre. Il veut engager Suzanne à se joindre à lui pour découvrir tout à son maître, et voyant que Suzanne s'y refuse, il se résout à s'en charger tout seul. C'est, en effet, le zèle de ce bon valet qui fait naître une intrigue dont la conduite ne répond pas au soin que l'on avait mis à en former le nœud. Saint-Far est absent, et le chevalier est avec madame, pendant le colloque de la suivante et du valet. Dès que le mari rentre, Germain lui fait part de ce tête-à-tête et de tous ceux qui l'ont précédé. Ce premier coup manque ; mais Germain ne tarde pas à en porter un second. Il reparaît bientôt avec une lettre de madame de Saint-Far au chevalier, et fait si bien que son maître lui demande où il la porte. Il lui expose alors tous les détails de la correspondance dont il est le messager et dont Mme. de Saint-Far dépose, dit-il, toutes les pièces dans une boîte particulière. Saint-Far est ému ; il se trouble même ; mais il se fait violence, et ordonne à Germain de porter la lettre au chevalier. Germain hésite, revient, et accuse si ouvertement sa maîtresse, que Saint-Far, pour le détromper, dit-il, se décide à ouvrir la lettre et à en lire le contenu. C'est une déclaration d'amour qu'il y trouve ; son malheur lui paraît certain ; mais il surmonte encore son émotion, referme la lettre et la rend à Germain, en lui disant qu'il n'y a rien qui l’inquiète. Cette conduite est sans doute fort noble, mais elle n'a guères fait que compenser aux yeux du public, l'inconvenance d'avoir ouvert la lettre devant un valet pour le convaincre de l'innocence de sa maîtresse. D'autres inconvenances suivent de près celle-ci : Saint-Far se trouve en scène avec sa femme et sa fille ; il pourrait éloigner Amélie et s'expliquer avec Mme. de Saint-Far ; mais il dissimule encore, et il attend que le chevalier revienne, pour lui proposer, en présence de sa femme, de se couper la gorge avec lui. Cet éclat surprend d'autant plus, que jusque-là Saint-Far a fait preuve d'un sang-froid assez rare. Mais cette qualité passe ici à Mme. de Saint-Far. Plus sage que son mari, elle exige qu'il lui accorde une explication avant de passer outre, et les deux époux restent seuls. Le froid Saint-Far ne veut rien entendre, et parle d'abord de séparation. On croirait que ce mot va hâter la solution du problême ; mais Mme. de Saint-Far y voit un moyen de forcer son mari à doter leur fille, qu'il s'obstinait, on ne sait pourquoi, à vouloir marier sans dot. Elle fait donc ses conditions, obtient la promesse de cent mille francs pour consentir à se séparer à l'amiable, et rien ne retarde plus la scène du dénouement. Tous les personnages se réunissent. Germain apporte la boîte suspecte ; Mme. de Saint Far oblige son mari à l'ouvrir, et il y trouve des lettres d'amour.... traduites d'un roman anglais par sa femme, et corrigées par le chevalier : c'était là, en effet, tout le mystère. Mme. de Saint-Far, pour suivre son mari en Angleterre, avait voulu apprendre l'anglais ; le chevalier lui avait servi de maître ; et les rendez-vous, la correspondance, n'avaient eu pour objet que ses leçons. On devine aisément le reste : Saint-Far s'humilie devant sa femme ; elle lui pardonne, et le chevalier obtient la main d'Amélie avec les cent mille francs.

Cette pièce a reçu l'accueil qu'elle méritait, Elle a passé sans opposition, mais on ne l'a que médiocrement applaudie. Toutes les inconvenances que nous avons relevées ont aussi frappé le public, et il a témoigné quelque mécontentement à une scène où Amélie, beaucoup trop ingénue, fournit au chevalier l'occasion de quelques plaisanteries équivoques, dont il aurait beaucoup mieux fait de s'abstenir. Les mêmes défauts sont cependant plus nombreux et plus marqués dans d'autres vaudevilles dont ils n'ont point refroidi le succès ; mais la pièce nouvelle sort du genre du vaudeville, et c'est là son plus grand défaut. Elle est du ton et du genre de la comédie ; elle en rappelle même qui se rapprochent du drame ; il est assez naturel qu'on l'ait jugée au sérieux. Les couplets seuls auraient pu remettre le spectateur sur la voie ; mais ils n'ont servi qu'à le mieux dérouter. Des duo, des trio, des airs nouveaux ou du moins peu connus, nous transportaient du Vaudeville à l'Opéra-Comique, qui, comme chacun sait, n'est pas toujours très-plaisant. Le public veut que l'on reste fidèle au genre que l'on annonce ; aussi la scène qu'il a le mieux goûtée, est celle de la soubrette et du valet ; cette scène est comique, elle fait rire, et c'était pour rire qu'on était venu. Au reste, malgré les observations que nous venons de faire, nous croyons que la pièce pourra se soutenir quelque temps surtout si les auteurs mettent un peu plus de rapidité dans la marche des premières scènes, s'ils suppriment un couplet assez fade sur la rose et le rosier ; s'ils tempèrent l'ingénuité un peu trop vive d'Amélie, et sacrifient les équivoques que lui adresse le chevalier, et qui contrastent trop fortement avec le ton habituel de l'ouvrage. Pour assurer encore mieux leur succès, il faudrait aussi s'arranger de manière que Saint-Far n'ouvrît pas la lettre de sa femme devant son valet et qu'il s'expliquât plutôt avec elle ; mais nous n'insisterons point sur ces conseils, qu'il est sans doute plus facile de donner que de suivre.

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