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Le Secret du ménage

Le Secret du ménage, comédie en trois actes, en vers, d’Augustin Creuzé de Lesser ; 25 mai 1809.

Théâtre Français.

Titre :

Secret du ménage (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création

25 mai 1809

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Augustin Creuzé de Lesser (a conservé l'anonyme)

Almanach des Muses 1810.

Jolie petite comédie qui a le tort de ressembler beaucoup à la Nouvelle Ecole des Femmes de Moissy, et l'efface par des scenes filées avec esprit, par des détails ingénieux et piquants.

[La Nouvelle École des Femmes est une comédie d'Alexandre-Guillaume Moulier de Moissy, jouée pour la première fois le 6 avril 1758, et reprise le 22 janvier 1770 avec musique de Philidor.]

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, 1809 :

Le Secret du ménage, comédie en trois actes et en vers. Représentée pour la première fois sur le Théâtre Français, par les comédiens ordinaires de S. M. l'Empereur et Roi, le 25 mai 1809.

Que de femmes je vois qui laissent comme vous,
Perdre mille moyen de charmer leurs époux !
Leur fâcheux abandon, le vôtre m'intéresse,
Et parer la vertu, c'est servir la sagesse.

Vers retranchés du Secret du Ménage.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1809, tome III, p. 154-155 :

THÉATRE FRANÇAIS.

Le Secret du Ménage , comédie en trois actes et en vers, jouée, pour la première fois , le 25 mai.

Le Secret du Ménage. J'avoue que ce titre est pour moi une énigme. Qu'est-ce que le secret du ménage ? On y a vu un époux ennuyé de la sagesse et de la constance de sa femme, cette bonne femme consulter une cousine sur les moyens d'égayer ce mari, et la cousine conseiller à la petite femme de faire la coquette et de donner de la jalousie à l'époux, afin de réveiller son amour. Il y a cent ans que toutes les chansons de boudoir, les vers de société et les petites comédies à la Marivaux, répètent ce sujet rebattu que l'auteur de la pièce nouvelle a r'habillé en vers fort jolis. Il est donc décidé que le Théâtre Français ne jouera plus de vraies comédies. Molière et ses successeurs ont emporté dans la tombe le secret de Thalie.

Trente madrigaux et autant d'épigrammes cousus à quelques descriptions, le tout brodé sur un canevas d'emprunt ; voilà les comédies du jour. On se plaint qu'il n'y a plus de caractères à traiter, que tous les sujets sont épuisés : c'est qu'on ne sait pas les voir. La société abonde en originaux, en parvenus, en faux savans, en coquettes surannées, en jeunes vieillards, en beaux esprits ridicules, en Tartufes de sentimens. Nos cercles sont bien différens de celui qu'a dessiné Poinsinet. Nos petits-maîtres ne ressemblent guères à ces marquis immolés à la gaieté publique. Si nous n'avons plus de misanthropes et de glorieux, nous avons des bas flatteurs et des faux modestes : c'est le secret du monde qu'il faut saisir et divulguer : c'est aux travers et aux vices qu'il faut ôter leur masque. Le secret du ménage doit être respecté, et je crois qu'on ne peut pas reprocher à l'auteur de l'avoir divulgué. Il auroit mieux fait d'intituler sa petite pièce le Secret des Femmes. Au reste, il y a de l'esprit dans son dialogue, de jolis vers ; mais plus de clinquant que de fonds. Il a voulu garder l'anonyme.

Cette pièce, en trois actes, n'a que trois acteurs, Mesdames Mars, Mézerai et M. Armand , l'ont soutenue par leur talent.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1809, p. 261-267 :

[La question du titre, importante pour le critique, se pose ici avec acuité : il aurait mieux valu un titre plus clair (le Secret de faire bon ménage), mais il aurait pas été en trop fort contraste avec « l'élégance fleurie de son style, avec le ton brillant de sa versification ». En gardant un titre « presqu’équivoque », l’auteur a maintenu le secret jusqu’à la fin, qui le révèle enfin : « une femme doit chercher à plaire à son mari », que le critique croit nécessaire de compléter par le secret complémentaire, « un mari doit chercher à plaire à sa femme ». Ce sujet a déjà beaucoup été traité dans des contes et dans des pièces bien oubliées, dont le point commun est de donner le conseil de plaire aux épouses, ce qui donne à penser qu’elles sont l'œuvre d’hommes. A quand une pièce écrite par une femme sur ce sujet ? Avant de faire l’analyse de l’intrigue, le critique rappelle l’anecdote de Ninon de Lenclos rendant son mari à une épouse éplorée venue chercher le secret de la séduction. L'intrigue est simple : un mari qui ne voit pas les qualités de sa femme,et oublie de la complimenter; une cousine que le mari courtise, mais qui, heureusement, sait conseiller à celle dont elle est la rivale les moyens de conquérir son mari, en se donnant les imperfections qui la rendront attirante. Bien sûr le conseil est avisé, et l’épouse charme son mari en perdant sa perfection. Le critique s’interroge sur la pertinence du sujet : y a-t-il beaucoup de femmes à qui il faut donner ce conseil de sortir de leur perfection ? Le sujet inverse serait plus comique, mais il a déjà été tellement utilisé ! Une intrigue aussi simple était difficile, et l’auteur lui a donné vie en utilisant le style adapté à l’intrigue, qu’on a tort de reprocher à l’auteur : il est plein d’esprit qui peut passer pour du bel esprit, et rappeler le style désormais obsolète des Dorat ou d’Imbert. Ce style n’est pas celui de la comédie, mais il a « sa vérité relative », celle du monde que la pièce montre. L’auteur a modestement choisi l’anonymat, malgré les sollicitations du parterre. Le critique regrette cette discrétion.]

Théâtre Français.

Le Secret du Ménage.

Le titre de cette pièce est un peu vague, si même il est exact. Qu'est-ce que le Secret du ménage ? Il y en a plusieurs. Il peut y en avoir beaucoup suivant le temps, les lieux, les personnages. Deux époux paraissent très-unis et se détestent, c'est le Secret du ménage ; l'un d'eux est infidèle, tous deux le sont peut-être l'un à l'antre, c'est encore le Secret du ménage, quoique ce ne soit souvent celui de personne ; des torts mutuels, des habitudes, des penchans dangereux, un dérangement de fortune, des réformes nécessaires peuvent encore être le Secret du ménage : mille autres situations peuvent être mises sous ce secret, qu'un intérêt commun excite à garder.

Ici l'auteur a voulu dire le Secret de faire bon ménage ; mais ce titre un peu commun, cette expression assez bourgeoise auraient trop contrasté avec l'élégance fleurie de son style, avec le ton brillant de sa versification. Il a mieux aimé en employer un presqu'équivoque ; ne rien dire de positif, et laissant le spectateur indécis, ne lui apprendre qu'à la fin de ses trois actes quel est le secret en question ; le voici : une femme doit chercher à plaire à son mari : thèse excellente à soutenir, principe tout-à-fait social, et d'autant plus fécond qu'il rend nécessaire une autre comédie où, pour le bonheur du ménage, l'on prouvera, si l'on veut être juste, qu'un mari doit chercher à plaire à sa femme.

Déjà sur ce sujet, on a écrit quelques contes et fait plusieurs comédies dont les titres sont restés dans la mémoire de peu d'amateurs ; et, ce qu'il y a de plaisant, c'est que, dans toutes, la leçon ou le conseil est donné aux femmes ; on voit assez que ces ouvrages avaient des hommes pour auteurs ; et, quoi qu'on fasse, quand on écrit sur un objet qui intéresse les mœurs et les rapports de la société, il est difficile de se défendre d'un mouvement personnel, d'un retour sur sa situation : aussi c'est peut-être une femme qui fera l'autre Secret du ménage que je demande, et assurément si elle a de l'esprit, de l'observation, si elle y joint quelque expérience personnelle, elle aura beaucoup de bonnes choses à dire, et souvent à en dire de très-piquantes.

On prétend que Ninon rendit un de ses adorateurs à son épouse qui était venue naïvement lui demander son secret de charmer : c'est en posséder un bien puissant que de pouvoir ainsi le partager, et en rendre un autre dépositaire ; mais être digne de le recevoir, est aussi loin d'être commun : ce trait qu'on a bien fait de prêter à Ninon, fait honneur aux deux femmes. Il est mis en scène avec beaucoup d'art et d'esprit.

Derfeuil possède une de ces femmes parfaites, dont le caractère est sans reproche, la conduite sans tache, l'esprit cultivé, l'éducation soignée, mais qui ressemble à cette jeune personne à laquelle, dit Boileau , on avait tout appris hormis à plaire : on sait qu'il ajouta « pourtant, mademoiselle, c'est ce que vous savez le mieux ». Cela était bien heureux, bien galant, bien spirituel ; notre auteur comique n'en dit pas tant, et il avoue que plaire à son époux, c'est ce que Mme. Derfeuil sait le moins : jusqu'à présent elle ne l'a pas cru très-nécessaire; elle n'a pu s'imaginer que l'art fût pour quelque chose dans le plan de conduite d'une femme sage et aimable ; son mari lui donne lieu de le soupçonner, en lui rendant un froid hommage, en remarquant plus en elle ce qui lui manque d'agrémens à la mode, que ce qu'elle possède de qualités durables ; en la blâmant d'être mal coiffée sans la louer d'être raisonnable et modeste ; en ayant par la ville quelques intrigues, et sur-tout en adressant à une cousine spirituelle, vive et brillante, des vœux dont sa femme elle-même a surpris la trop vive expression.

Fort heureusement, sous l'extérieur élégant d'une coquette du grand monde, la cousine est digne de l'amitié de Mme. Derfeuil et de toute sa confiance ; elle lui en donne une preuve presque touchante en rejettent l'hommage de Derfeuil, et bien plus en indiquant à sa femme les moyens de lui ôter à jamais l'envie d'être infidèle : ce moyen consiste à répandre un vernis aimable sur des qualités réelles, à embellir une figure charmante par le tour piquant d'une mode nouvelle ; à rendre sa mise à-la-fois et son langage moins simple, à donner aussi un langage à ses yeux, à relever enfin, par un grain de coquetterie, l'éclat des attraits que leur modestie ne permettait plus d'appercevoir. Derfeuil avait sans doute plus d'amour-propre qu'il n'avait jamais eu d'amour, et qu'il n'en aura jamais ; il est enchanté, il est séduit par sa femme, il la trouve désormais charmante. L'acquisition d'un défaut forme à ses yeux la réunion de toutes les qualités désirables, et au moment où sa femme cesse d'être la meilleure de son sexe, il promet d'être le meilleur des époux.

Il est en effet beaucoup d'hommes qui ont cette manière de voir : le trait n'est point exagéré et la peinture est fidelle ; cependant présenter ce moyen comme celui d'assurer le bonheur et l'union des époux, c'est ne donner ce précieux secret que pour un bien petit nombre ; ils sont rares les ménages qu'il faudrait réunir et pacifier en rendant les femmes moins économes, moins modestes et plus coquettes : le moyen inverse serait plus comique, le masque s'appliquerait à plus de physionomies ; mais il a déjà été si souvent et si inutilement employé au théâtre, que l'auteur moderne a très-bien fait d'en prendre le contrepied, et de rappeller ainsi, quoiqu'indirectement, une leçon morale toujours bonne à reproduire pour servir et valoir comme on dit, ce que de raison.

Son secret est ici renfermé entre trois personnes ; sa pièce a trois actes et trois acteurs : l'intrigue était simple, l'action presque nulle, peu de moyens comiques la présentaient à l'esprit, il fallait fuir le ton du drame , éviter sur-tout l'ennui des conversations prolongées, et la répétition presqu'inévitable des tête à tête : le sujet était donc difficile, et l'auteur en avait lui-même exagéré la difficulté : c'était sentir sa force, car il l'a très agréablement surmontée. Le style est celui du genre, celui de la situation, celui des personnages que l'on nous représente ; il est semé de vers piquans et très-bien tournés. On reproche ce style à l'auteur ; il ne pouvait l'éviter dans le cadre où il s'était placé, et il n'est pas donné à tout le monde de s'en servir. A beaucoup d'esprit il a dû nécessairement joindre souvent le bel esprit, et le jargon non pas moderne, mais celui dont était enluminé le dialogue théâtral du temps de Dorat, d'Imbert, et de leurs imitateurs. Ce langage, il est vrai, n'est pas celui de la comédie ; il a cependant sa vérité relative ; il fut celui d'une certaine classe de la société, et s'il faut y renoncer, ce n'est pas parce qu'il ne fut jamais vrai, mais parce qu'il ne l'est plus aujourd'hui, ou qu'il fait une exception si faible qu'il n'est plus guères du domaine de la comédie.

L'auteur a voulu garder l'anonyme, et si son nom reste ignoré, ce n'est pas cette fois la faute du parterre ; il parait même que le nom n'est pas le secret de la comédie, et que le secret est fidèlement gardé. Il y a dans cette discrétion beaucoup de modestie, car il y avait bien des éloges à recevoir, et cette nature d'éloge à laquelle il est assez difficile de résister, puisque ce succès prouve, sinon une grande force comique, du moins beaucoup d'esprit, de grâce et de facilité ; or, comme en France ces choses là ne tirent pas trop à conséquence, il faut être bien en garde contre son amour-propre pour ne pas se les laisser dire ; mais l'auteur ne le veut pas absolument.

D’après la base La Grange de la Comédie Française, le Secret du ménage est une comédie en trois actes et en vers, d’Augustin Creuzé de Lesser, créée le 25 mai 1809, et qui a été jouée 69 fois jusqu’en 1845.

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