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Le Sot orgueilleux, ou l'École des élections

Le Sot orgueilleux, ou l'École des élections, comédie en cinq actes et en vers, de M. Fabre d'Églantine, 7 mars 1792

Théâtre de la rue de Richelieu..

Titre :

Le Sot orgueilleux, ou l'École des élections

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

7 mars 1792

Théâtre :

Théâtre de la rue de Richelieu

Auteur(s) des paroles :

M. Fabre d'Églantine

Journal encyclopédique ou universel, année 1792, tome III, trente mars, n° IX, p. 93-95 :

[L’article consacré à la pièce de Fabre d’Eglantine, qui vient de subir une chute, est plutôt favorable à la pièce, « dialoguée avec une verité a la fois comique & morale ». Il insiste sur le lien avec Molière, avec le Bourgeois gentilhomme, ce qui est évident, mais aussi avec le Tartuffe, dénonciateur d’une hypocrisie et attaqué au nom de la défense d’une vraie dévotion que la pièce n’attaque pas. « Les patriotes ont trouvé mauvais qu’on jouât le ridicule d’un patriotisme mal entendu & vaniteux. » C’est, d’après l’article, une question de vocabulaire : les « patriotes » auraient protesté contre l’emploi de mots chargés de sens politique. La pièce a échoué sans être vraiment jouée : «  Plusieurs scenes ont été entierement passées ; d’autres n’ont été recitées qu’en partie ». On sent bien la tension qui s’est manifestée autour de cette pièce.]

THEATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.

Le Sot orgueilleux, ou l’Ecole des élections n’est autre chose que le Bourgeois gentilhomme mis à l’ordre du jour. L’auteur (M. Fabre d’Eglantine) pour détromper les préventions de l’esprit de parti qu’il avoit à craindre, avoit cru devoir faire précéder la premiere representation de sa comedie, par un prologue plein de sens, & fort bien rendu par M. Monvel & M. Michaut. M. Monvel y a joué le rôle de l’auteur avec une intelligence superieure ; on eut dit qu’il étoit lui-même le personnage qu’il representoit. Cependant la piece est tombée. Est-ce avec raison ?

L’auteur pourroit fort bien n’en pas tomber d’accord,
Sans être pour cela taxé de suffisance.
Car jamais le public n’eut moins de complaisance :
Comment veut-il juger d’une piece, en effet,
Au tintamarre affreux qu’au parterre on a fait ?

Voici l’exposé de cette comédie, dont la moitié n’a pas été entendue. Plusieurs scenes ont été entierement passées ; d’autres n’ont été recitées qu’en partie. Le principal personnage est un M. Bertrand, marchand riche, bourgeois sot & vain, qui sous le nouveau régime a a manie orgueilleuse de l’écharpe municipale, comme il avoit la pretention à l’échevinage, sous l’ancien régime. Il est parvenu à être président d’un club, & la tête lui tourne de motions, d’amendemens, d’arrêtés, &c. Il est surtout fier de son fauteuil, du haut duquel il domine des citoyens actifs assis plus bas que lui. la puissance de sa sonnette l’émerveille. C’est sur ce caractere qu’un chevalier d’industrie, de concert avec son frere, gascon que le hazard lui a fait retrouver, fonde l’espoir de le duper. A l’aide de beaux habits, d’un nom emprunté, & de la complaisance avec laquelle il flatte la manie de M. Bertrand, il espere épouser sa fille. Bertrand séduit par ce fourbe, rompt le mariage arrêté entre sa fille & Dumenil, qu’elle aime & dont elle est aimée. Un dedit considerable engage sa parole à l’intriguant d’Almenon. Les sages représentations de Medard son frere exdéputé & municipe, la colere de sa femme, espece de Madame Jourdain, qui exprès a quitté ses vendanges, les larmes de sa fille, le gros bon sens de Germaine, qui ressemble beaucoup à Nicole du bourgeois gentilhomme, rien ne peut le désabuser, ni l’attendrir. Heureusement Medard recpnnoît dans le frere du fourbe un valet qui l’a volé. Le dedit est rendu ; les deux frippons sont honnis ; & les deux amans s'épousent. Cette piece est dialoguée avec une verité a la fois comique & morale. L’Auteur n’a jamais mieux imité Moliere, son modele. Il lui est arrivé, ce qui arriva aux premieres représentations du Tartuffe. Les dévots firent semblant de prendre le change. Ils crierent au blasphême. Ils affecterent de croire que Moliere en jouant l’hypocrisie, avoit voulu jouer la vraie dévotion. Les patriotes ont trouvé mauvais qu’on jouât le ridicule d’un patriotisme mal entendu & vaniteux. Les mots de préopiner, de coaliser, d’ajourner, &c, leur ont paru des termes sacrés, avec lesquels il n’étoit pas permis de faire rire. Ils ont créé au scandale, lorsque l’auteur a devoilé les menées illicites, dont on peut se servir pour obtenir des voix dans les élctions. Voilà ce qui a décidé la chute de la piece qui n’a pas été jugée. Elle peut l’être un jour. Aussi le public tombant dans l’abus des mots, dont l’auteur de la comédie se mocquoit, s’est-il écrié a plusieurs reprises : Ajournez la piece.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 5 (mai 1792), p. 319-320 :

[Compte rendu d’un échec, la pièce ayant donné lieu à « une scène de scandale », de prétendus patriotes (ou jugés tels par le critique) se permettant de contester la liberté d’expression d’un auteur qualifié d’« observateur moral & politique ». Le bruit a été tellement fort que le critique renonce à faire le résumé de la pièce qu’il n’a entendu que partiellement. Son point de vue est nuancé : « Il nous a semblé cependant qu'il y avoit du mérite de facture, des détails vrais, quoique un peu bas, & de la verve ».]

THÉATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.

Le mercredi 7 mars, on a donné une représentation du Sot orgueilleux, ou l'Ecole des élections, comédie nouvelle en cinq actes & en vers, de M. Fabre d'Eglantine.

Cette piece n'a point eu de succès ; & c'est encore une scene de scandale, qui prouvera de nouveau, quels sont les vrais sentimens de ces prétendus patriotes qui parlent constitution, loix, principes & liberté, pour se donner le droit de tout outrager & d'arrêter l'essor de la vérité, par-tout où elle veut paroître. Le but de cet ouvrage étoit digne d'un observateur moral & politique. Nous n'avons fait que l'appercevoir, au travers du bruit continuel qu'on [sic] fait, pendant tout le cours de la piece qu'ils n'ont pas laissé finir, les sots, les orgueilleux, les nuls, & les factieux, qui ont tant d'intérêt à ce qu'on ne dévoile pas trop publiquement les ressorts honteux qu'ils font mouvoir, pour arriver aux emplois municipaux, administratifs ou judiciaires de notre nouveau régime. Comme cette piece a été accompagnée de sifflets & de huées, nous ne nous hasarderons point à en donner un extrait qui ne pourroit être fidele. Il nous a semblé cependant qu'il y avoit du mérite de facture, des détails vrais, quoique un peu bas, & de la verve, sur-tout dans le rôle de Mme. Bertrand. Cet ouvrage, qui sans doute est tout d'imagination, rappelle cependant une comédie donnée sur le théatre danois, par le baron de Holberg, sous le titre du Potier d'étain ou l'Homme d'état imaginaire... Du reste, si elle n'a pas réussi, ce n'est pas la faute des acteurs, sur-tout de M. Grandménil, qui a joué, avec un excellent comique, le rôle de M. Bertrand. M. Devigny, qui a débuté sur ce théatre avec beaucoup de succès dans les rôles du Menteur, de Damis de la Feinte par amour, du Dissipateur, &c. y jouoit un rôle d'intriguant, qu'il a rendu avec beaucoup d'intelligence. Cette piece offroit aussi le début de Mlle. Remi, dans un rôle qui ressemble assez à la Martine des Femmes savantes. Le sort de l'ouvrage n'étoit pas propre à vaincre sa timidité.

La base César ne cite que la première du 7 mars : la pièce n’a pas reparu.

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