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Le Souper de Molière, ou la Soirée d'Auteuil

Le Souper de Molière, ou la Soirée d'Auteuil, fait historique (opéra-vaudeville) en un acte, de Cadet-Gassicourt, 4 pluviôse an 3 [23 janvier 1795].

Date de première confirmée par le Journal de Paris.

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Le Souper de Molière, ou la Soirée d’Auteuil

Genre

fait historique mêlé de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

vaudevilles

Date de création :

4 pluviôse an 3 [23 janvier 1795]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Citoyen Cadet-Gassicourt

Almanach des Muses 1796.

Anecdote très-connue, tirée de la vie de Molière, par Grimarest.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, au Théâtre de Vaudeville, an 3 :

Le Souper de Molière, ou la soirée d'Auteuil, fait historique en un acte, mêlé de vaudevilles, Par le C. Cadet-Gassicourt, Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 4 Pluviose, an troisième de la République.

La Décade philosophique, littéraire et politique, tome 4, n° 28 du 10 pluviôse an 3 [29 janvier 1795], p. 229-231 :

[La pièce est la mise en action d’une anecdote, et la plus grande partie de ce compte rendu se contente de reproduire cette anecdote sans en préciser la source, puis de dire que l’auteur a choisi de suivre l’anecdote « d’aussi près qu’il lui a été possible, tout en disant qu’il a remplacés les gens de cour par les grands artistes du temps. Mais au lieu de valoriser sa pièce, leur présence l’affaiblit, par « la faiblesse de leurs rôles, la manière faible dont ils sont joués ». Le public a peu apprécié de voir ces grands hommes qu’il admire « sous un jour si peu favorable », « ivres et mistifiés ». Le critique rappelle ensuite que Voltaire n’accordait aucun crédit à ce genre d’anecdotes.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Souper de Molière, ou la Soirée d'Auteuil.

Voici le fait qui a fourni le sujet de cette pièce tel qu'il est rapporté dans la vie de Molière :

« Molière avait dans le village d'Auteuil une maison où il donnait des soupers à la meilleure compagnie de la cour et de la ville : mais..comme sa santé languissante exigeait presque toujours qu'il fût au lait pour toute nourriture, c'était son ami Chapelle qui faisait les honneurs de sa maison. Un jour que ce dernier y était allé avec MM. de Nantouiller, Jonsac, Despréaux, Baron et quelques autres, Molière qui avait assisté au commencement du souper, se retira et laissa ses amis se livrer au plaisir de causer et de boire aussi long-tems qu'ils le voudraient

« Le feu de la conversation et sur-tout les fumées du vin, échauffèrent par degrés les esprits; er la conversation étant tombee sur les misères humaines, nos gens exhalèrent bientôt les tristes rêves d'une philosophie sombre et noire. Nous sommes tous des láches, dit Chapelle ; que ne cessons-nous de murmurer et de vivre ? le rivière est à cent pas, allons nous y précipiter.

« L'enthousiasme du poëte ivre, passa rapidement dans toutes les têtes, déjà on se lève en applaudissant, on se prépare, en s'embrassant pour la dernière fois, à terminer des jours qui paraissent d'un poids et d'un ennui insupportables. Le cèlèbre Baron, heureusement, avait conservé plus de sang froid ; il court au lit de Molière, qui parait bientôt au milieu de ses amis. Eh quoi ! leur dit-il, j'apprends que vous avez conçu le projet le plus courageux et le plus sage, et je ne devrai qu'à Baron l'honneur de le partager ? est-ce donc pour moi que la vie a des douceurs ? et suis-je fait pour la mépriser moins que vous ? --- Il a. raison, s'écria Chapelle : il nous manquait, qu'il vienne...... ---- Un moment, reprit Molière, n'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu'on peut lui donner : on saura qu'à la suite d'un long souper nous aurons fait le sacrifice de notre vie ; et la calomnie, avide de tout dénigrer répandra le bruit que l'ivresse nous a plus inspirés que la philosophie. Amis, sauvons notre sagesse, attendons le retour prochain du soleil ; alors, aux yeux de tout le monde, nous donnerons cette leçon publique du juste mépris de la vie. ---- Parbleu, dit Chapelle, sa réflexion est de bon sens ; donnons au repos le reste de la nuit, notre sagesse n'en sera que plus pure et plus éclatante. Molière en fut cru ; on dormit, et le réveil, comme il l'avait prévu, fit trouver à ses convives assez de plaisir à vivre pour les exciter à rire de leur ridicule saillie de la nuit. »

L'auteur du Vaudeville a suivi l'anecdote d'aussi près qu'il lui a été possible. Il a mis parmi les convives de Molière, non des gens de la cour, mais Lafontaine, Boileau, Chapelle, Mignard et Lulli. Il y a ordinairement un avantage à offrir sur la scène des personnages dont le nom commande l'attention ; mais ceux-ci ont fait tort à l'auteur. On a été fâché de voir Despréaux, Lafontaine, ivres et mistifiés; et la faiblesse de leurs rôles, la manière faible dont ils sont joués, rendent cet effet encore plus désagréable. Aussi le public a-t-il témoigné quelqu'impatience en voyant ces objets de son admiration sous un jour si peu favorable. Voltaire, un peu entraîné sans doute par le même sentiment, a révoqué en doute cette anecdote et quelques autres que l'auteur de cette pièce y a fait entrer. « Ces contes, dit-il, adoptés par Grimarest, sont très-faux. Le feu duc de Sully, le dernier prince de Vendôme, l'abbé de Chaulieu qui avaient beaucoup vécu avec Chapelle , m'ont assuré que toutes ces historiettes ne méritaient aucune créance. »

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-quatrième année, tome II (mars et avril 1795, ventôse et germinal an III), p. 287-289:

[La pièce « illustre » une anecdote sur la vie littéraire du temps de Molière, à travers un souper qui réunit les grands noms de la littérature. le critique s’attache d’abord à montrer que ce souper est bien historique, et qu’il montre Molière sous des traits « avantageux ». Puis il résume l’intrigue, ou plutôt l’anecdote sur la quelle elle s’appuie, centrée sur les bêtises que l’abus de vin fait commettre )à des gens aussi graves que les amis de Molière : heureusement Molière, resté sobre du fait de ses problèmes d’estomac, ramène tout le monde à la raison. Le jugement proprement critique souligne la difficulté du sujet. L’auteur a tenté de rendre le dénouement moins embarrassant en y mêlant un quiproquo sur fond de mariage d’un domestique, mais l’effet a raté du fait du désordre qui a accompagné la fin de la pièce. D’autre part, la scène d’orgie a « quelque chose de rebutant », et il aurait fallu ne pas montrer les débordements des buveurs pour ne pas froisser « nos mœurs actuelles ». Un encouragement final : l’ouvrage « est rempli de détails piquans, de couplets agréables ».]

THÉATRE DU VAUDEVILLE, RUE DE CHARTRES.

Le soupé de Moliere, ou la soirée d'Auteuil, comédie en un acte & en vers.

La fameux souper d'Auteuil est la principale anecdote de la vie de Moliere, sur laquelle Voltaire ait voulu jetter des doutes : peut-être s'est-il appuyé sur le témoignage de Sully, de Vendôme & de Chaulieu ; mais il est très possible que l'amitié que ces derniers avoient pour Chapelle, les ait engagé à nier un fait qui n'annonçoit ni la sobriété, ni la sagesse de leur ami. Cependant ce fameux souper, dit Racine, le fils, quoique peu croyable, est très-véritable. Cet auteur nous apprend que le grave Despréaux étoit de la partie, & que lui, ainsi que Baron, & plusieurs autres habitans du lieu de la scene, aimoient à raconter cette folie de leur jeunesse. Au surplus, cette petite historiette honore Moliere, & acheve la ressemblance du portrait avantageux qu'on a fait de ce grand homme : c'est ainsi que la jolie fable du Nain, de Ninon Lenclos, est une preuve qu'elle conserva ses charmes au-delà du terme fixé par le tems.

Moliere avoit, dans le village d'Auteuil, une maison où il donnoit des soupers à ses amis : mais comme sa santé languissante exigeoit presque toujours qu'il fût au lait pour toute nourriture, c'étoit son ami Chapelle qui faisoit les honneurs de sa table, & qui s'en acquittoit bien. Un jour le vin jetta tous les convives, de la joie la plus immodérée, dans la morale la plus sérieuse. Les réflexions sur les miseres de la vie, & sur cette maxime peu consolante de quelques sophistes anciens, que le premier bonheur est de ne point naître, & le second de mourir promptement, leur fit prendre une résolution extravagante : ils se déterminerent à se jetter dans la riviere, qui n'étoit pas loin. La folie alloit se consommer, lorsque Moliere
leur représenta qu'une si belle action ne devoit pas être ensevelie dans les ténebres, & qu'elle méritoit d'être faite en plein jour, à la face de tout Paris. La proposition de
Moliere fut approuvée : on dormit ; & le réveil, comme il l'avoit prévu, fit goûter aux convives assez de plaisir à vivre pour les exciter à rire de leur ridicule saillie de la nuit.

Rappeller cette anecdote à nos lecteurs, c'est leur dire le fonds de la piece qu'elle a fourni à un jeune auteur, & qui a été représentée avec succès. Sans doute il n'étoit pas aisé de mettre en scene ce trait plaisant, dont le dénouement devoit embarrasser. Cadet-Gassicourt, connu déjà par des poésies fugitives très agréables, en a tiré tout le parti possible, en homme de goût, nourri de la lecture des poëtes : un épisode de son invention, celui du mariage d'une jeune fille du village, avec Antoine, le jardinier d'Auteuil, fournit à la derniere scene de sa piece un quiproquo très-comique, mais qui n'a pas été senti, attendu que quelques particuliers, peu au fait apparemment de l'anecdote, s'étoient permis de faire du bruit, & de détourner ainsi l'attention de ceux qui voyoient dans l'ouvrage l'heureux essai des talens d'un jeune homme qui méritoit d'être singuliérement encouragé. Peut être aussi la scene de table a-t-elle quelque chose de rebutant, vu nos mœurs actuelles, qui sont bien différentes du tems où nos grands hommes alloient faire des orgies au cabaret. Au surplus, il seroit facile à l'auteur de faire dormir ses personnages dans la coulisse, & de ne les présenter ensuite qu'au moment de leur réveil. Quoi qu'il en soit, son ouvrage est rempli de détails piquans, de couplets agréables, & il est fait pour obtenir l’estime des amis de l'ancienne littérature & des modeles qu'il nous retrace.

D’après la base César, la pièce a été jouée 60 fois au Théâtre du Vaudeville (6 fois en 1795, à partir du 14 octobre (mais la première a eu lieu le 23 janvier de cette année 1795, d'après le Journal de Paris) ; 13 fois en 1796 ; 14 fois en 1797 ; 10 fois en 1798 ; 3 fois en 1799).

Sur le net, une édition critique de la pièce, par Emmanuelle Taton (mémoire de master sous la direction de Georges Forestier) :

http://bibdramatique.paris-sorbonne.fr/cadet-gassicourt_souper-moliere/index

La même anecdote, transportée dans la maison de Boileau à Auteuil se trouve dans la pièce de Rigaud et Jacquelin, Molière avec ses amis, ou le Souper d’Auteuil.

 

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