Le Souper imprévu, ou le Chanoine de Milan

Le Souper imprévu, ou le Chanoine de Milan, comédie en un acte, en prose, d'Alexnadre Duval. 25 fructidor an 4 [11 septembre 1796].

Théâtre de la République.

La pièce d’Alexandre Duval a une histoire longue : elle a été jouée avec un certain succès au Théâtre de la République sous le titre du Chanoine de Milab, avant d’être reprise en 1807 au Théâtre Français, où elle ne connaît que cinq représentations.

Titre :

Souper imprévu (le), ou le Chanoine de Milan

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

25 fructidor an 4 (11 septembre 1796

Théâtre :

Théâtre de la République

Auteur(s) des paroles :

Alexandre Duval

Almanach des Muses 1797.

Un officier françois et un hussard, chargés de porter des ordres, sont obligés de s'arrêter dans un village pour y passer la nuit : ils entrent dans la maison d'un chanoine, et mangent le souper que celui-ci avoit destiné à ses amis. Le chanoine, de retour chez lui, trouve la plaisanterie assez mauvaise, mais finit par prendre son parti.

De la gaîté.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an cinquième de la république:

Le Souper imprévu, ou le Chanoine de Milan, Comédie en un acte et en prose, représentée sur le théâtre de la République, le 25 fructidor de l’an IV; Par le citoyen Alex. Duval.

L'Esprit des journaux, français et étrangers, vingt-sixième année, tome I, janvier et février 1797, nivôse et pluviôse an 5, p. 266-268 :

[Les comédies doivent être comiques, et on l’a beaucoup oublié, selon le critique. Le Souper imprévu, ou le Chanoine de Milan retrouve la saine tradition, et bien que ce soit une bluette sans importance (le résumé de l’intrigue confirme ce jugement : un imbroglio où le hasard joue un bien grand rôle), elle a fait beaucoup rire, ce qui a été manifesté par d’abondants applaudissements. Elle a été de plus été bien jouée, et confirme le talent de son auteur, l’acteur Alexandre Duval.]

THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.

Ceux qui croient encore, malgré l'usage contraire, qu'une comédie doit faire rire, auront vu avec plaisir, au théatre de la république, le Souper imprévu ou le Chanoine de Milan. Ce n'est qu'une bluette en un acte, mais cette bluette est fort gaie.

Un gros & gourmand chanoine de Milan, avec sa jeune & jolie gouvernante, passe quelques jours à sa villa ou maison de campagne ; il compte y régaler quelques amis, à l'occasion de la noce prochaine de son neveu Benetto qu'il marie. Le souper est tout prêt, & le maître de la maison est allé chercher ses convives, lorsque le hasard & le mauvais temps amènent une aide-de-camp & un hussard français ; ils sont reçus par la gouvernante. Le chanoine rentre, & trouve fort mauvais que des étrangers se soient introduits chez lui. On lui demande poliment l'hospitalité, il la refuse durement, finit par se fâcher, & sort pour aller se plaindre au général français. Le hasard produit d'autres incidens : la gouvernante du chanoine est française, & se trouve être la propre cousine du hussard. Le neveu du chanoine arrive avec sa future, & cette future est justement la maîtresse du jeune aide-de-camp Les deux militaires & les deux femmes mangent le souper du chanoine en son absence, & se font servir à table par l'imbécille Benetto, personnage à nazardes, vraie caricature italienne. Enfin le général arrive, réprimande les deux Français, & leur ordonne de dédommager M. le chanoine. L'aide-de-camp trouve que cela est juste, & en dédommagement du souper qu'il a pris, il offre de régaler le lendemain M. le chanoine à dîner. Un vaudeville termine la piece.

Ce seroit un vrai service à rendre à notre théâtre comique que de donner de temps en temps des pieces gaies, ne fût-ce que pour ne pas perdre l'habitude de rire à la comédie. Les spectateurs ont été de fort bonne humeur, & l'ont témoignée par leurs applaudissemens.

La pièce est bien jouée, surtout par Dugagon dans le rôle du hussard, & par Michot dans celui du chanoine. Elle est du cit. Alexandre Duval, acteur à ce théâtre, & qui a déjà donné avec succès plusieurs ouvrages dramatiques.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1807, p. 290-295 :

[La reprise de 1807, au Théâtre Français, fait l’objet de ce long compte rendu au ton un peu décalé. Il commence par une cascade de « on dit que » qui servent à introduire toute une série d’information comme si le critique ne les reprenait pas à son compte. La nouvelle version de la pièce a été allégée de « ce qui y était de trop », et la date choisie pour cette reprise, le lundi gras, est jugée maladroite : pas de viande pendant le carême, alors que l’élément central de cette pièce est une dinde truffée. L’intrigue est racontée de façon humoristique comme une farce dans laquelle le personnage du chanoine comme celui de Benetto sont tournés en dérision (mais il a bien fallu se montrer plus modéré qu'en 1796 dans les plaisanteries contre le chanoine  : les temps ont changé!). Mais le ridicule infligé à ce pauvre Benetto n’est pas du goût du critique, qui affirme qu’on n’a pas envie de rire du sot qui reconnaît sa sottise, comme c’est le cas de Benetto. La farce doit être morale, et faire rire d’un personnage humilié provoque le dégoût plus que le rire. Ce qui n’empêche pas que la pièce soit une bonne pièce, bien jouée par des acteurs remarquables.]

Théatre Français.

Le Souper imprévu.

On dit que le Souper imprévu, donné aux Français dernièrement, n'est autre que le Chanoine de Milan, petite comédie qu'on a dit être de M. Duval ; on dit que ce Chanoine de Milan, un peu trop à la mode du temps où il avait fait sa première entrée dans le monde, a été remis sous le titre du Souper imprévu, un peu plus à la mode du nôtre ; on dit encore que, pour cette réparation à neuf, il en a coûté à l'auteur le sacrifice de quelques plaisanteries sur les chanoines, tout-à-fait hors de mode ; enfin on dira ce qu'on voudra, mais le Souper imprévu est une bouffonnerie très-divertissante; ce qui y était de trop n'y est plus ; honi soit qui mal y pense ; et ce qui reste fait beaucoup rire. Il est fâcheux qu'on ait recommencé cette plaisanterie le lundi gras ; elle court risque de divertir les Parisiens pendant le Carême, et la dinde aux truffes, qui y joue le premier rôle, pourra, dans ce temps de pénitence, être très-embarrassée de son personnage, qui s'y trouvera en effet fort déplacé. Hélas ! cette dinde aux truffes, elle devait être mangée par un maître de chapelle de Milan, aidé de trois chanoines de la cathédrale de Milan, auxquels devait se joindre Benetto, neveu du maître de chapelle, et Célénie, sa prétendue, qui prétend bien ne pas l'épouser. Déjà Benetto soupire après la, dinde et pour sa maîtresse ; le maître de chapelle se frotte les mains ; la broche tourne , la nappe est mise, il semble qu'il n'y ait plus qu'à se mettre à table ; mais, comme l'a dit un poète tragique,

Tenter est des mortels, réussir est des dieux;

et les dieux sont presque toujours du parti le plus gai. Victrix causa diis placuit ; voilà deux militaires français qui arrivent : ils portent un ordre au quartier-général établi à Milan ; ils se sont perdus, et sont entrés par hasard dans la maison du maître de chapelle, après avoir couru toute la journée par un temps comme celui de ces jours-ci. Ils cherchent de quoi se sécher, de quoi manger, de quoi coucher ; mais des Français bien élevés ne prennent jamais rien qu'après l'avoir demandé très poliment. Ceux-ci demandent l'hospitalitéon la leur refuse ; il faudra bien qu'ils la prennent ; ils ne voulaient que partager le souper de leur hôte : vous verrez qu'on les forcera de le manger tout entier ; tant la colère aveugle l'homme !Le maître de chapelle, furieux de ce que des militaires veulent loger dans sa maison, en déloge lui-même sur-le-champ pour aller se plaindre au quartier général, sans songer qu'il laisse ainsi à la disposition de l'ennemi sa maison, et par conséquent sa cuisine, sa cuisinière, sa cave, etc. ; que la dinde est à la broche, qu'elle cuit, qu'elle achèvera de cuire, et que quand elle sera mangeable, les militaires la mangeront ; que Célénie arrivera, conduite par son Benetto de prétendu, qui croyait ne l'amener que pour souper ; qu'elle retrouvera dans l'un des militaires l'amant quelle [sic] préfère à Benetto ; qu'elle soupera avec lui : car, de ce qu'on a le malheur de se trouver par hasard en partie quarrée avec deux militaires, dont l'un est votre amant, il ne s'ensuit pas qu'on doive se laisser mourir de faim ; et enfin Benetto, qui n'a jamais rien su refuser à un homme qui porte une épée, les servira lui-même à table. Représentez-vous, pendant tout cela, le maître de chapelle qui s'en va, courant de toute sa force, chapeau sous le bras, par le temps qu'il fait, au quartier-général ; qui revient bien fier, parce qu'il amène avec lui le général ; mais quand il amenerait l'armée, retrouvera-t-il sa dinde ?

On ne voit pas deux fois le rivage des morts ;

et la dinde est mangée jusqu'aux os. Mais le général est là; il faudra bien que justice se fasse. Eh bien ! les militaires payeront les dépens ; de plus, ils donneront à dîner demain à la compagnie du souper. Le maître de chapelle commence à s'attendrir, et Benetto accepte ; ce sera probablement le dîner de noces de Célénie avec le capitaine Firmin ; mais Benetto ne se formalise de rien de ce qui se passe à table , pourvu qu'il y soit.

Il faisait une plaisante figure lorsque les autres soupaient pour lui, tandis que le bonnet de marmiton sur la tête, le tablier de cuisine par-dessus son habit de moire de bleue, l'épée au côté et la serviette sous le bras, il servait sur table. On riait beaucoup; mais peut-être aurait-on ri davantage encore, si la plaisanterie n'eût pas été poussée tout-à-fait si loin. Benetto est trop poltron, et les militaires sont deux contre un. On rit d'un sot persifflé par un homme d'esprit, tant que le sot s'irrite ou se méconnaît ;s'il reconnaît sa sottise, s'afflige et s'humilie, le plaisir finit, et il faut que la plaisanterie cesse. Tant qu'un fanfaron est fanfaron, on rit de la peur qui perce à travers ses bravades ; mais s'il se résout à être tout-à-fait lâche, s'il consent à son avilissement total et laisse voir toute sa lâcheté, avec son orgueil disparaît le ridicule qui naissait du contraste de cet orgueil et de sa poltronnerie ; on ne voit qu'un être faible et dégradé servant de jouet à des êtres plus forts ; et malgré toute la gaîté de la caricature, un léger sentiment de dégoût peut se sentir. Dira-t-on que ce sont-là des réflexions bien sérieuses à propos d'une farce ? Mais rien n'est trop sérieux quand il s'agit de faire rire. C'est là le but moral de la farce, et ce n'est pas le plus aisé à remplir. Il y faut plus de délicatesse qu'on ne le pense. La délicatesse n'apprend pas ce qui fait rire, mais elle avertit de ce qui pourrait en empêcher ; car on rit bien souvent sans raison; mais qu'on y prenne garde, l'homme de sens qui ne rit pas d'une chose que les autres trouvent plaisante, a toujours des raisons pour cela.

Au reste , comme il faut prendre le ton de son sujet, je dirai que dans le Souper imprévu, ce léger défaut est une tache dans le soleil, et le jeu de Baptiste cadet dans Benetto en ferait passer bien d'autres. On l'oblige, pendant le souper, à chanter une romance ; on s'attendait à une caricature ; point du tout, il a fort bien chanté : aussi des transports de satisfaction se sont manifestés dans tous les coins de la salle, et Mme. Catalani n'a jamais été plus applaudie. Dugazon a été fort plaisant dans le rôle du hussard Sans-quartier, et Michot a rendu de la manière la plus comique le personnage d'un bourgeois ayant pignon sur rue, et argumentant d'après les lois de la propriété, pour empêcher qu'on ne mange son souper et qu'on ne loge dans sa maison. Son jeu a été si naturel, qu'on aurait été tenté de penser quelquefois qu'il composait à mesure la moitié de son rôle, tant il paraissait difficile de croire que la ton et les paroles n'eussent pas été trouvés en même temps.                    P.

D’après la base César, la pièce de Duval a été jouée 54 fois au Théâtre Français de la rue de Richelieu (18 fois en 1796, à compter du 10 septembre 1796, 29 fois en 1797 (+ 1 fois au Théâtre du Marais ?), 7 fois en 1798). Il y a eu en 1798 9 autres représentations dans différents théâtres.

La pièce ayant été reprise au Théâtre-Français en 1807, elle fait l’objet d’une rubrique dans la base La Grange de la Comédie Française, sous le titre de le Souper imprévu, ou le Chanoine de Milan. Alors que la création au Théâtre de l’ République est placée au 11 septembre 1796, sa première représentation a lieu à la Comédie Française le 9 février 1807. Elle y a été jouée 5 fois en 1807.

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