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Les Satires de Boileau

Les Satires de Boileau, précédées d'un prologue, comédie en trois actes, de. Sewrin, 16 février 1809.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Satires de Boileau (les)

Genre

comédie précédée d’un prologue

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

16 février 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Sewrin

Almanach des Muses 1810.

La différence du style qui convient à la comédie avec celui qui convient à l'épître, aurait dû détourner l'auteur du projet de mettre les épîtres de Boileau sur la scene. Ce projet lui a mal réussi ; mais il a pu se consoler en pensant aux nombreux succès qu'il avait précédemment obtenus.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mad. Masson, 1809 :

Les Satires de Boileau, comédie, en trois actes et en vers, précédée d'un prologue en vers, Par M. Sewrin. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de S. M. l'Impératrice, le 16 février 1809.

Le texte de la pièce est précédé d'un « avis de l'éditeur » et d'une « note de l'auteur » :

AVIS DE L'ÉDITEUR.

Extrait du Journal de Paris

« Plusieurs tirades du Tartuffe, des Femmes savantes et du Misantrope prouvent que Molière possédait au plus haut degré le talent de la satire ; de même on trouve dans les œuvres de Boileau un grand nombre de vers naturels et plaisans et jusques à des scènes toutes dialoguées qui semblent prouver que ce grand satirique aurait pu faire, s'il l'eût voulu, d'excellentes Comédies. C'est sans doute cette observation faite depuis long-tems par les meilleurs critiques qui a suggéré à M. Sewrin l'idée d'ajuster sur un canevas dramatique les vers et les pensées les plus comiques de Boileau....

La vérité est qu'il y a dans cette pièce d'excellentes scènes de comédie, des morceaux que Boileau semblerait n'avoir écrit que pour le théâtre, tant le dialogue en est vif et naturel, et que cela seul est peut-être assez curieux pour tenir lieu de » tout intérêt. » — Cet avis et celui de plusieurs autres Journalistes impartiaux ont décidé l'auteur à faire imprimer son ouvrage, et à mettre les personnes qui n'en ont point vu la représentation à portée de juger par elles-mêmes ce qu'une pareille entreprise offrait de difficile et de périlleux. Nous l'offrons au public avec les suppressions et changemens qu'il a paru désirer, et tel qu'on le représente maintenant.

Note de L'auteur.

Je n'ai pas cru qu'il fût nécessaire de guillemeter ce qui est de Boileau ; outre que cette indication trop repétée serait désagréable à l'œil, je sais que les gens de goût et tous ceux qui connaissent le grand Poëte que j'ai mis en scène, n'auront pas besoin de ce secours pour distinguer ses beaux vers des vers de Suture que j'ai été obligé de faire.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1809, p. 258-261 :

[C’est une curieuse pièce que celle de M. Sewrin : un centon (et le critique nous en rappelle la définition. Le projet était d’utiliser les éléments de dialogue des satires de Boileau pour en faire une comédie en trois actes, précédée d’un prologue expliquant « ses motifs ou du moins ses prétextes ». Cette déclaration d'intention n’a pas fait réagir le public qui demandait à voir. L’exemple de la première scène montre comment cela fonctionne : « peu d’action et de mouvement ». La pièce, à force de copier sentences, maximes et préceptes, finit par ressembler à un sermon en proverbes, bien loin de la comédie. Au troisième acte, les sifflets ont montré la lassitude du public, et la représentation est devenue houleuse (le critique parle « d’horions »), les « amis de la pièce » (et sans doute les amis de l’auteur, en service commandé) l’ont emporté. Dans cette dernière partie de l’article, le critique s’amuse à parodier le procédé utilisé dans la pièce, et il multiplie les citations de Boileau. Manière de condamner la pièce, dont le but est discutable. Et lapart originale d ela pièce est elle aussi bien écrite, avec force beaux vers. Mais ils sont trop peu nombreux...]

Théâtre de l’Impératrice.

La Satyre des Satyres, comédie en 3 actes et en vers.

Le dictionnaire de l'académie définit le mot Centon, ouvrage de poésie composé de vers, ou partie de vers empruntes de quelque auteur célèbre : on dit un Centon d'Homère, un Centon de Virgile : c'est d'un Centon de Boileau que nous avons à parler aujourd'hui.

Ce centon n'est pas seulement une épitre, un sonnet, une satyre, une pièce de vers enfin, quelque titre qu'on lui donne, c'est une comédie en trois actes, dont les vers appartiennent quelquefois à l'auteur, et le plus souvent à Boileau.

Tant mieux, dira-t-on ? Sans faire injure à l'auteur moderne, on peut préférer à ses vers ceux du poëte législateur : oui, tant mieux, s'il s'agissait de les lire à leur place ; mais d'excellens vers ne font pas une scène, et d'excellentes tirades ne sont pas une comédie.

Dans un prologue bien pensé, bien écrit et convenablement modeste, l'auteur expose ses motifs ou du moins ses prétextes : il a reconnu à la lecture de Boileau que ses satyres étaient souvent animées de traits dialogués, et qu'en liant ces traits il lui était possible d'en former des scènes : tel est le plan qu'il a suivi ; il a puisé dans la mine féconde des OEuvres de Boileau, des matériaux tout disposés pour le dialogue de sa comédie : les amener à propos, les enchasser avec art, voilà quelle était sa tâche : c'est à-peu-près celle du lapidaire qui choisit, taille et dispose des pierres précieuses, pour les faire briller l'une par l'autre.

Le parterre prévenu de cette disposition, neuve au théâtre, n'en a paru ni très-satisfait, ni très-mécontent ; il semblait dire, à l'œuvre on connaîtra l'ouvrier; car sur de telles idées, sur de pareilles tentatives, il y a peu de réflexions anticipées à faire ; on sent bien que de telles productions ne sont pas composées pour la gloire littéraire, mais pour le succès théâtral : réussir est le but, et réussir est tout.

La première scène a offert un assez bon emploi de l'idée principale : Damis va se marier, et son ami Clitandre ouvre la scène par ces mots :

Enfin bornant le cours de tes galanteries,
Damis, il est donc vrai, dans peu tu te maries....

Suit presque tout le dialogue de la satyre contre les femmes.

Damis, qui est un satyrique de profession, tient ici un langage fort opposé à son caractère, l'éloge du sexe est toujours dans sa bouche, et lorsqu'il voit paraître Hortense, c'est-à-dire la jeune personne dont il recherche la main, on l'entend débiter galamment ces vers :

Telle qu'une bergère au plus beau jour de fête , etc.

C'est ici que le premier signe de défaveur a éclaté ; cette manière de louer la toilette simple de sa maîtresse, comme Boileau définit le style de l'idylle, n'a pas paru très-heureuse, et dès ce moment on a pu craindre que tous les emprunts de l'auteur ne fussent pas placés à un intérêt également avantageux.

Damis a pour rival le fils d'un financier, présenté par son père M. Mondor, à-peu-près comme Thomas l'est par M. Diafoirus. Damis commence par leur rompre en visière, et par leur débiter sur l'honneur toutes les maximes que lui fournit son auteur ; les deux enfans de Plutus n'entendent rien à cette sorte d'éloquence rimée, et Damis est forcé de leur tendre un piège ; il les laisse seuls pour les épier et pour noter leur conversation; ce qui nous paraît un peu dépasser les bornes des honnêtetés littéraires et celles même de la satyre ; mais depuis que Figaro a dit que la meilleur moyen d'entendre était d'écouter, on ne se fait à cet égard qu'un très-petit scrupule au théâtre. La conversation que Damis entend, le sert à merveille; c'est le texte de l'instruction d'un financier à son fils :

Cent francs au denier cinq, combien font-ils ? vingt livres.

avec quelques commentaires dus à l'auteur : cette conversation rapportée, et la découverte d'un trait d'inhumanité beaucoup trop financière, fait éconduire le prétendant Mondor, et couronner les vœux de Damis.

On voit combien la pièce a peu d'action et de mouvement. Le public qui venait d'entendre tant de vers de Boileau, s’est souvenu de ceux-ci :

Le secret est d'abord de plaire et de toucher ;
Inventez des ressorts qui puissent m'attacher.

Les suivans sont aussi venus à beaucoup d'esprits :

Que l'action marchant où la raison la guide .
Ne se perde jamais dans une scène vide.

Et lorsque l'auteur forcé de choisir dans son modèle plus de tirades que de vers isolés, plus de sentences, de maximes et de préceptes, que de vers de situation, et de traits plaisans, au lieu de scènes comiques nous donnait trop souvent les divers points d'un sermon en proverbes, chacun se rappellait encore le conseil de Boileau :

En vain vous étalez une scène savante,
Vos froids raisonnemens ne feront qu'attiédir
Un spectateur toujours paresseux d'applaudir.

Au troisième acte, le public a paru ressentir assez généralement cette sorte de lassitude ; quelques sifflets obstinés se sont fait entendre ; mais l'auteur de la pièce nouvelle doit savoir que

Le théâtre, fertile en censeurs pointilleux,
Chez nous pour se produire est un champ périlleux.
Un auteur n'y fait pas de faciles conquêtes ;
Il trouve à le siffler des bouches toujours prêtes ;
Chacun peut le traiter de fat et d'ignorant,
C’est un droit qu'à la porte, on achète en entrant.

Heureusement on y achète aussi celui d'applaudir : ceux qui étaient venus pour l'exercer, s'en sont acquittés d'une manière très-satisfaisante. Après une longue lutte, signalée par une assez abondante distribution d’horions aux faiseurs d'inpromptus, de quolibets, le champ de bataille est resté aux amis de la pièce, et ils ont proclamé leur triomphe par des salves d'applaudissemens réitérés, et par des acclamations tellement bruyantes, qu'il a bien fallu permettre à sa mémoire de se retracer ces vers :

.  .  .  .  . Un flatteur cherche à se récrier,
Chaque vers qu'il entend le fait extasier ;
Tout est charmant, divin; aucun mot ne le blesse,
Il trépigne de joie, il pleure de tendresse,
Il vous comble par-tout d'éloges fastueux,
La vérité n'a pas cet air impétueux.
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Tel vous semble applaudir qui vous raille et vous joue ;
Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue.

Il faut s'arrêter, car cet article aussi deviendrait un centon, dont les parties pourraient paraître amenées sans art et sans adresse : celui de M. Sewin est peut-être arrangé (ce sont les expressions dont on s'est servi en le nommant) avec toute l'adresse possible ; mais nous n'en persistons pas moins à croire qu'il a suivi imprudemment une idée qu'un peu de réflexion lui eût fait abandonner. Où le mène ici la manie de l'originalité ? A un long plagiat. Où le conduit ce plan qui est bien à lui ? A vivre d'emprunt pour son exécution. Dans une telle entreprise, réussir était presque sans mérite, car on proportionne en tout le prix au travail ; ne réussir pas avait par la même raison l'inconvénient d'exciter peu de regrets ; c'était donc au fond un assez mauvais parti, et nous ne sommes pas étonnés qu'on ait applaudi ces vers brusquement improvisés par un plaisant du parterre....

Pour peindre de Paris les tristes embarras,
Faites.nous de bons vers , et n'en copiez pas.

De bons vers : il y en avait beaucoup dans le prologue, beaucoup aussi dans les passages qui servent de liaison et de transition à ceux de Boileau ; on conçoit que pour paraître supportables avec un voisinage si dangereux, il faut qu'en effet, ils soient corrects et bien écrits ; ils ont été jugés tels, et cela fait d'autant plus regretter l'emploi nécessairement passager que l'auteur leur a donné. Ils sont en trop petit nombre pour qu'on vienne les entendre exprès, quand sans se déranger on peut lire ceux de Boileau chez soi.               S.…

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour 1810, p. 76-77 :

Les Satires de Boileau, comédie en 3 actes, en vers, précédée d'un prologue; par M Sewrin. (16 février. )

(Chez Mad. Masson, libraire.)

Cette pièce, dans laquelle l'auteur a cherché des situations où les satires de Boileau pouvaient trouver place, a paru froide. Les vers du legislateur du Parnasse semblaient n'être là que comme des lambeaux de pourpre, cousus à dessein les uns aux autres ; et ses satires, connues de tout le monde, étaient répétées par le parterre, qui devançait presque toujours l'acteur

L'ouvrage n'a pas eu de succès, et cependant M. Sewrin mérite des éloges : son prologue était écrit élégamment ; nous y avons remarqué de jolis vers, et .beaucoup d'esprit.

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