Les Surprises, ou l'Étourdi en voyage

Les Surprises, ou l'Étourdi en voyage, opéra en deux actes, de M. Sewrin, musique de M. Kreutzer, 2 janvier 1806.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Surprises (les), ou l'Étourdi en voyage

Genre

opéra

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

 

Musique :

oui (opéra-comique)

Date de création :

2 janvier 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Sewrin

Compositeur(s) :

Rodolphe Kreutzer

Almanach des Muses 1807.

Walmont doit enlever sa maîtresse pour la soustraire au mauvais traitement de son tuteur, et la conduire chez une vieille parente qui favorise leur union. Son frere, jeune étourdi, qui court le monde et voyage à pied pour son plaisir, se trouve par hasard au lieu du rendez-vous : il s'entend nommer, approche, et reçoit une cassette qu'on lui remet d'un air mystérieux, en répétant qu'on sera dans deux heures chez madame Germeuil, où il est attendu. La nuit favorise cette entreprise : un postillon arrive et annonce à Walmont que les chevaux sont attelés, et qu'il faut partir. Le jeune étourdi, qui a deviné le mystere, et qui veut se jouer un instant de son frere, dont il prétend avoir à se plaindre, se laisse conduire, et se présente chez la vieille parente qui heureusement ne connaît pas le véritable Walmont. L'étourdi affecte auprès d'elle le ton et les manières d'un mauvais sujet ; il est prêt à se faire donner son congé, lorsque son frere arrive, détrompe madame Germeuil, et obtient la main de sa maîtresse.

Sujet invraisemblable, peu de comique, peu de succès.

Courrier des spectacles, n° 3260 du 3 janvier 1806, p. 2-3 :

[Avant de parler de la pièce, qui a été mal accueillie, le critique informe le lecteur de l’existence d’une cabale : les siffleurs ont commencé leur entreprise de sape « avant d’avoir rien entendu » (il semble que ce soit assez banal !). Ils ont d'ailleurs été embarrassés par une ouverture « d’un style léger, élégant et gracieux ». Par contre, le « poëme » est jugé sévèrement : « c’est un roman assez mal tissu et chargé d’incidens incroyables ». Le résumé de l’intrigue confirme ce jugement : une suite de coïncidences, de méprises, de hasards qui ne peut être accepté par un spectateur du temps, et encore moins par un critique. Et la clarté du résumé est d’ailleurs perturbée par le fait que les deux frères entre lesquelles se joue le sort de la jeune Lucie portent le même nom (le critique les désigne par « le jeune Valmont » et « Valmont le voyageur »). Le jugement porté est sans ambiguïté : le livret est mal construit et est plein de défauts, tandis que « la musique a de la grâce, de la légèreté; mais [...] manque de profondeur et sur-tout de force dramatique ». Conséquence : les auteurs n’ont pas été nommés (mais ils le seront après la deuxième représentation).]

Théâtre de l’Opera-Comique.

Les Surprises, ou l’Etourdi en voyage.

Ce voyage n’a pas été heureux jusqu’à la fin. Les orages étoient d’avance préparés contre lui, et quoique la pièce ait beaucoup de défauts, on peut dire néanmoins qu’elle ne méritoit pas tout à fait le mauvais sort qu’elle a éprouvé ; mais tous les étourdis n’étoient point en voya[g]e ; le parterre avoit les siens, qui se sont empressés de disputer le terrein au principal personnage. Ce qui peut consoler les auteurs, c’est que leurs ennemis ont eu la maladresse de se mettre à découvert en sifflant avant d’avoir rien entendu.

L’ouverture a néanmoins un peu déconcerté leurs projets ; elle est d’un style léger, élégant et gracieux ; elle a été vivement applaudie.

Le poëme a moins de mérite, il n’offre rien de naturel et de vraisemblable ; c’est un roman assez mal tissu et chargé d’incidens incroyables.

L’Etourdi de la pièce se nomme Valmont ; c’est un jeune homme gai, irréfléchi, d’une philosophie enjouée, qui voyage à pied pour son plaisir, et se fait suivre de son valet Frontin comme Don-Quichotte de son fidèle écuyer.

Tandis qu’il court le monde, son frere, jeune homme plein de douceur, de sagesse et de retenue, fait sa cour à Lucie, sœur de M. Herbac, capitaine de vaisseau.

Mais ce M. Herbac est d’un caractère si rude, si épineux, que Lucie, contrariée tous les jours, prend enfin le parti de le quitter pendant la nuit, et de se retirer chez Mad. Dormeuil, sa tante ; elle concerte tout cela avec son jeune amant, et lui fixe l’heure et le lieu du rendez-vous. Par une circonstance assez bizarre, Valmont le Voyageur se trouve précisément à la même heure au lieu indiqué ; il entend la grille rouler sur ses gonds ; une vieille gouvernante prononce son nom à demi-voix, et l’appelle pour lui remettre une cassette ; elle le prévient en même tems que sa maîtresse va se rendre chez Mad. Dormeuil ; l’Etourdi profite de la méprise et se résout à tenter l’aventure.

Un voiturier de campagne arrive au même instant, et le prévient que les chevaux sont prêts ; Valmont le fait jaser, et en apprend assez pour pouvoir se présenter chez Mad. Dormeuil. Il part avec son valet. A peine est-il monté en voiture, que le morose capitaine arrive ; il est étonné de trouver la grille ouverte ; il soupçonne quelque mystère, se cache, et bientôt apperçoit le véritable amant qui, suivi de son valet, se dispose à entrer dans le parc pour y attendre le voiturier qui doit le conduire chez Mad. Dormeuil. Herbac écoute tout sans souffler, et quand Valmont est entré, il ferme la grille sur lui, et se fait connoitre. En même tems, il se hâte de se rendre chez Mad. Dormeuil ; l’Etourdi y étoit déjà arrivé, avoit visité la cassette, et y avoit trouvé des lettres de son frère. Pour rendre la méprise plus plaisante, il imagine de se donner auprès de Mad. Dormeuil pour un mauvais sujet qui court le monde, qui a mangé son bien et n’épouse que pour réparer les torts de la fortune. Mad. Dormeuil qui n’a voit jamais vu l’amant de sa nièce, est extrêmement scandalisée de sa légèreté et de son mauvais ton, et lui écrit aussi tôt pour le prier de renoncer à ses projets sur Lucie.

Herbac arrive presque aussi-tôt, et applaudit à la conduite de Mad. Dormeuil ; mais tandis qu’il est à se féliciter sur l’issue de cette affaire, le jeune Valmont qui étoit parvenu à forcer la grille, arrive au château de Mad. Dormeuil. Les deux frères se trouvent en présence, et la méprise est reconnue.

Tous ces incidens ont été ménagés avec si peu d’art, qu’ils ne produisent pas une seule situation intéressante, et que les juges les moins prévenus ne sauroient en dissimuler les défauts. La musique a de la grâce, de la légèreté; mais elle manque de profondeur et sur-tout de force dramatique. On a néanmoins applaudi plusieurs morceaux dont la composition décèle la touche d’un homme de beaucoup de mérite et de goût. Les auteurs n’ont point été nommés.

La Revue philosophique, littéraire et politique, 1806, premier trimestre,n° 2, du 11 janvier 1806, p. 117-119 :

[Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, tome II, févier 1806, p. 284-287.

Le compte rendu commence d’emblée par une analyse du sujet, une intrigue fondée sur une identité de noms conduisant à des méprises et au danger qu’il y a d’en profiter. Le critique souligne qu’il n’y a là rien de très original, surtout quand rien ne vient diminuer l’invraisemblance d’une telle situation. Rien non plus de bien piquant dans le dialogue ou les situations. L’auteur de la musique n’a pas de chance d’être associé à cette aventure : il a du talent, et sa musique arrive à triompher « avec esprit de h nullité des paroles ». Première représentation peu sereine (on n’a pas nommé les auteurs, sans doute après des manifestations hostiles), seconde plus favorable (on a nommé les auteurs).]

Théâtre de. l'Opéra-Comique, rue Faydeau.

Les Surprises, ou l'Etourdi en voyage.

Un jeune étourdi nommé Valmon s'est égaré pendant la nuit : il arrive aux portes d'une maison isolée, d'où bientôt il voit sortir une soubrette qui l'appelle par son nom, lui remet une petite cassette, lui recommande d'aller tout de suite attendre sa maîtresse chez Mme Dormeuil, sa tante ; surpris de cette aventure, de la conformité de nom, et sans trop prévoir quelle sera la suite du quiproquo, il se décide, malgré les sages remontrances de son valet, à suivre la route que lui ouvre le hasard : il s'empare de la cassette, et s'achemine vers le château de Mme Dormeuil ; le Valmon qu'on attendait vraisemblablement, arrive quelques instans après, mais trop tard pour ses desseins ; il venait enlever Sophie, son amante, sœur et pupille d'un vieux marin ; elle est déjà partie sur les traces de l'autre. L'argus s'est éveillé dans l'intervalle ; il entend le second Valmon, parvient à l'attirer dans sa maison et l'y enferme.

A peine le premier Valmon est-il arrivé chez Mme Dormeuil, qu'il ouvre la cassette qu'on lui a confiée, et reconnaît qu'il a été pris pour son jeune frère qu'il croyait mort en Amérique, et qui se trouve le héros de ce roman. Pour se venger de quelques espiègleries qu'il en a subies jadis ; il s'amuse à dégoûter par son air de légèreté et d'étourderie Mme Dormeuil de la protection qu'elle voulait accorder au choix de sa nièce : il y parvient assez efficacement pour que Sophie elle-même rougisse d'un moment d'erreur et renonce à son amour, sur les représentations de Mme Dormeuil : mais le véritable Valmon de l'aventure est parvenu à s'échapper de sa prison, arrive à son tour chez Mme Dormeuil, et reconnaît son frère. Tout s'explique, se raccommode, et la complaisante Sophie épouse son amant que le quiproquo de sa tante lui avait fait si légèrement abandonner.

C'est, depuis la jolie pièce du Prisonnier, la dixième fois, je pense, qu'on établit des opéras-comiques sur des méprises de nom et sur l'étourderie qui veut en profiter : mais il me semble qu'ici l'auteur des paroles s'est un peu trop dispensé de raison et de vraisemblance ; son action n'a pas assez de gaîté pour s'en passer ; son dialogue est froid et vague ; ses situations même qui semblaient prêter à quelques développemens plaisans, se trouvent constamment ne produire aucun effet. Et en vérité c'est dommage pour l'auteur de la musique, car on s'aperçoit aisément qu'elle est d'un compositeur agréable, qui ne demandait qu'à être mieux servi par son poëte, et qui, dans plusieurs morceaux même, a triomphé avec esprit de h nullité des paroles.

Les auteurs n'ont point été nommés à la première représentation. On dit que la seconde a été accueillie plus favorablement, et qu'on a désigné M. Sewrin pour les paroles, et M. Kreutzer pour la musique.                             L. C.

D'après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 416, la pièce a connu cinq représentations.

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