Un tour de soubrette

Un tour de soubrette, comédie en un acte et en prose, de Gersin ; 2 ventôse an 13 [21 février 1805].

Théâtre de l'Impératrice.

Le Catalogue général de la BNF considère que Gersin a eu un coauteur pour cette pièce, Antoine Année.

Titre :

Un tour de soubrette

Genre :

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

2 ventôse an 13 (21 février 1805)

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Gersin

Almanach des Muses 1806.

Un riche Espagnol, père d'une fille charmante, a deux valets, dont l'un est le comte de Lesimos, amoureux de sa fille, et l'autre, un pauvre diable qui a la manie de se croire le fils de quelque grand seigneur (sa bonne mine et son esprit ne lui permettent pas de s'en donner). Cependant l'Espagnol apprend qu'il a près de lui un valet déguisé. La soubrette, pour empêcher que les soupçons ne s'arrêtent sur le comte de Lesimos, s'avise de faire passer le valet pour l'homme de condition. Celui-ci, qui s'imagine qu'on reconnaît enfin sa noble origine, se prête à tout ; ce qui amène des scènes d'un excellent comique. Son illusion pourtant se dissipe bientôt ; le véritable comte de Lesimos se découvre, épouse sa maîtresse, et tout rentre dans l'ordre.

De l'esprit, et un bon ton de comédie.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, an XIII – 1805 :

Un tour de soubrette, comédie en un acte et en prose. Par Mr Gersin. Représentée pour la première fois sur le Théâtre Louvois, le deux ventôse an 13 (21 février 1805).

Le Théâtre Louvois, autrement dit le Théâtre de l’Impératrice.

Courrier des spectacles, n° 2910 du 3 ventôse an 13 [22 février 1805], p. 3 :

[Bref compte rendu on ne peut plus élogieux.]

Un Tour de Soubrette, comédie en un acte, représentée hier pour la première fois sur le Théâtre de l'Impératrice, a obtenu un très-joli succès. Une exposition claire, une action simple, une marche rapide, un dialogue semé de traits heureux, tout a contribué à faire réussir cet ouvrage, dont l’auteur a été vive ment demandé : c’est M. Gersin.

Courrier des spectacles, n° 2911 du 4 ventôse an 13 [23 février 1805], p. 2-3 :

[Le Théâtre de l’Impératrice doit son succès à trois acteurs, Vigny au répertoire très large, et Mlle Molière et Picard jeune, pour qui des auteurs écrivent afin d’enrichir leur répertoire. C’est le cas de la pièce nouvelle, « aussi remplie de gaîté et d’esprit que d’invraisemblances », et qui présente le caractère du valet, présenté ici comme soumis à la soubrette au lieu de rivaliser avec elle. L’intrigue est longuement racontée : une histoire espagnole, bien compliquée, qui fait pénétrer dans la maison d’un aristocrate chez qui s’est introduit un jeune homme de bonne famille, qui veut séduire la fille de la maison. Le maître de maison l’apprend, cherche à l’identifier, mais la soubrette le trompe : elle lui fait croire que le jeune homme, c’est un valet, promu jeune aristocrate, à qui on offre riches vêtements et même main de la fille de la maison. Évidemment, la vérité finit par éclater, le valet reprend ses vêtements modestes, mais obtient la main de la soubrette. Le sujet n’est pas neuf (le critique renvoie à Ricco), mais la pièce est bien faite : « le plan, les situations, les caractères ont tout le mérite de la nouveauté », l’exposition est remarquable, comme le dialogue « vif, spirituel et comique » ou l’action, rapide, avec des scènes bien enchaînées. Pas de longueurs (c’est rare), pas de mauvais goût, de la gaîté : rien à reprocher à une aussi bonne pièce. Trois très bons acteurs, les deux Picard (le jeune Picard et son frère aîné, l’auteur fameux, et Mlle Molière. Et l’auteur a été nommé.]

Théâtre de l’Impératrice.

Un Tour de Soubrette.

Il y a à ce théâtre trois acteurs pour qui les auteurs aiment sur-tout à travailler, et lorsqu'on est parvenu à les placer dans des rôles propres à faire ressortir leurs talens, il faudroit que la cause qu’on leur confie fût bien mauvaise pour qu’elle n’obtînt pas un plein succès. Vigny est déjà très-bien bien partagé ; jusqu’ici il a trouvé à se placer dans presque toutes les pièces. Le répertoire de Mlle. Molière, et celui de M. Picard jeune sont très-étendus, mais ne sont pas aussi brillans. Quelques auteurs ont, par bienveillance, cherché depuis peu à leur donner plus d’étendue. On a vu avec quel succès ils ont sçu déjà les mettre aux prises dans Marton et Frontin, jolie bleuette aussi remplie de gaîté et d’esprit que d’invraisemblances. Un Tour de Soubrette va leur offrir les moyens de paroître encore souvent ensemble, et de faire de nouveau assaut de talens. Mais ici l’auteur a changé le caractère du Valet ; au lieu de disputer d’adresse avec la Soubrette, c’est lui qui cède la palme de la fourberie.

La scène est en Espagne, dans la maison de campagne de Dom Gaspard, homme vif, emporté et grand spadassin. Un Alcade de ses amis l’instruit qu’un jeune seigneur s’est introduit chez lui sous l’habit de domestique pour séduire sa fille, et à l’instant il fait la revue de tout son monde. Vaine recherche; il ne sait sur qui doivent tomber ses soupçons. Il s’adresse à la Soubrette et lui fait promettre qu’elle saura de sa maîtresse quel est l’amant déguisé. Effectivement la Soubrette surprend le secret de la jeune personne, et Ferdinand, fils du comte de Lérimos, qui sert dans la maison, comme jardinier; sous le nom de Fabricio, est l’homme qu’elle désire connoître ; mais une bourse glissée adroitement par le jeune homme est un argument bien fort contre les ordres du père. Il ne s’agit plus que d’esquiver l’explication. Une seconde lettre de l’Alcade lui tombe entre les mains, et cette lettre renferme le portrait du jeune homme. S’il parvient à Gaspard, Ferdinand est perdu, et cependant le valet de l’Alcade attend la réponse ; mais il se trouve très-à-propos que la Soubrette a précisément sur elle le portrait de Mendose, autre domestique paresseux, comme Figaro, avec délices, et ayant, comme lui, l’espoir de retrouver un jour les nobles parens qui l’ont abandonné dès le berceau. Ce portrait est un gage d’amour que Mendoce lui a donné, mais qu’importe ? elle le substitue dans la lettre à celui de Ferdinand, et Gaspard ne manque pas de donner dans le piège. Un faux rapport qu’elle fait à Mendoce réveille déjà ses idées chimériques ; déjà il se berce de l’idée qu’il va être un grand seigneur.

Gaspard arrive, confronte le portrait avec l’original, s’assure de la parfaite identité qui existe entr’eux, et comble Mendoce de politesses, dont celui-ci est tout confus et très-embarrassé. Bientôt il lui fait donner un habit plus digne du rang où sa naissance l’appelle. Mendoce se pavane dans son nouvel équipage, et se croit déjà fils du Comte de Lerimos. Mais un nouvel incident vient changer la face des choses. A peine est-il revêtu de ses magnifiques habits, que Gaspard resté seul avec lui, prend deux épées, lui en donne une, et prétend laver dans son sang l’injure qu’il lui a faite, en s’introduisant dans sa maison sous un nom supposé. Mendoce étourdi de la proposition, proteste de son innocence et de la pureté de ses intentions. Gaspard s’adoucit, propose sa fille en mariage, Mendoce accepte ; Gaspard offre cent mille piastres de dot, Mendoce ne refuse rien, et le Père lui laisse en sortant une lettre pour le Comte de Lerimos, dans laquelle il instruit ce seigneur du mariage prochain de son fils et de sa fille, et l’invite à y donner son approbation. Mendoce satisfait de l’issue de cette affaire, réfléchit sur les honneurs qui l’attendent ; il s’en croit digne par l’éducation brillante qu’il a reçue, et dans laquelle on a cependant oublié un point essentiel, celui de lui apprendre a lire. Il ne peut donc connoitre le contenu de la lettre. Heureusement il apperçoit Fabricio, et lui confie le billet que celui-ci porte sur-le-champ au comte de Lerimos. Il revient bientôt avec le consente ment de son père. Gaspard reconnoît en lui son jardinier Fabricio et lui accorde la main de sa fille. Quant à Mendoce, il reprend ses premières livrées ; et la soubrette, en l'épousant, lui promet que s’ils ont un fils, il aura moins de peine que lui à retrouver son père.

Tel est le fonds de cette comédie qui offre peut-être quelques rapprochemens avec des pièces déjà connues, mais qui, à l’agrément des détails, à la gaîté des situations, joint encore le mérite d’être parfaitement jouée. Le rôle de la Soubrette ne pouvoit être mieux confié qu’à Mlle. Molière , qui le joue avec beaucoup de finesse. Picard jeune a fait preuve d’une rare intelligence dans le rôle de Mendoce , qui n’a la couleur d’aucuns de ceux qu’il a joués jusqu’à présent.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, floréal an XIII [avril 1805], p. 282-284 :

[Compte rendu bien méthodique : une phrase pour annoncer le succès, une assez longue analyse. On passe ensuite à la série des jugements : si le sujet n’est pas original, son traitement l’est (« le plan, les situations, les caractères ont tout le mérite de la nouveauté »). Exposition originale, dialogue vif et comique, action rapide, sans longueur (qualité rare !), pas trace de mauvais goût, gaieté. « Bref, c'est une des plus jolies bluettes qui aient été représentées depuis long-temps ». Reste à citer les interprètes, remarquables, et l’auteur.]

THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Un Tour de Soubrette, comédie en un acte et en prose.

Cette petite pièce a obtenu beaucoup de succès.

Don Gaspard ; ancien négociant espagnol, a une fille nommée Elvire, dont le jeune Ferdinand de Lénaros est éperduement amoureux, et cet amoureux, au lieu de déclarer franchement sa passion au père d'Elvire, trouve plus piquant de s'introduire chez lui sous un faux nom, en qualité de jardinier. Don Gaspard, instruit par la police du lieu, qu'il doit y avoir un amant déguisé dans sa maison, passe en revue tous ses domestiques, et ne sait sur lequel arrêter ses soupçons, car tous lui présentent de bons certificats. Cependant sa servante Rosine, qui protége les amours clandestins de Ferdinand et d'Elvire, pense leur être très-favorable, en attirant toute l'attention de son maître sur un valet original (Mendoce), qui ayant le malheur de ne pas connaître sa naissance, a la consolante manie de se croire né de condition, et qui s'imagine voir les traits de son père sur tous les visages nobles qui se présentent. Rosine dresse ses batteries en conséquence. Chargée de remettre à Don Gaspard une lettre de l'alcade, par laquelle ce magistrat annonce que l'amant déguisé est fils du comte de Lénaros, et dans laquelle se trouve le portrait du jeune seigneur ; elle s'acquitte fidèlement de sa commission, en ayant seulement soin de substituer le portrait de Mendoce à celui qu'envoyait l'alcade, Plus de doute, plus de mystère, s'écrie Don Gaspard, en confrontant la miniature qu'on lui remet, avec le visage de Mendoce ; c'est lui, c'est le fils du comte de Lénaros, et, après avoir fait donner de magnifiques habits au pauvre bâtard qui, jusque-là, se prête le mieux du monde au quiproquo, il lui offre l'alternative de se battre ou d'épouser Elvire. Le choix de Mendoce n'est pas doujeux ; « va pour l'hymen, » dit-il, en se frottant les mains. Don Gaspard l'invite alors à se munir du consentement de son père présumé , le comte Lénaros, et s'engage, par écrit, à lui donner aussi-tôt après cent mille piastres en mariage. Mendoce, enchanté, montre cet engagement au véritable Ferdinand qu'il prend toujours pour un jardinier, et il le prie d'aller de sa part en parler au comte de Lénaros. Sitôt dit, sitôt fait. Ferdinand voyant, que Don Gaspard dote si bien Elvire, ne doute pas que le comte de Lénaros n'accepte volontiers l'alliance d'un si riche personnage, et il revient en effet un moment après, non plus comme jardinier, mais comme Ferdinand de Lénaros, qui ne craint plus d'avouer son nom. Don Gaspard lui donne la main d'Elvire, et le pauvre Mendoce, redevenu anonyme comme devant, s'en console en épousant Rosine.

Telle est la fable de cette pièce. Le sujet se rapproche de celui de Ricco. Mais le plan, les situations, les caractères ont tout le mérite de la nouveauté. L'exposition sur-tout se fait d'une manière originale ; le dialogue est vif, spirituel, et comique ; l'action a de la rapidité ; les scènes s'enchaînent facilement ; peu ou point de longueurs ; pas un trait de mauvais goût ; une gaieté soutenue ; un grand nombre de mots piquans. Bref, c'est une des plus jolies bluettes qui aient été représentées depuis long-temps.

La pièce est très-bien jouée par les deux Picard et Mlle. Molière. — On a demandé l’auteur, et Picard jeune a nommé M. Gersain.

Archives littéraires de l'Europe, tome cinquième (1805), Gazette littéraire (janvier, février, mars 1805), février 1805, p. xlix :

L'abondance des matières nous oblige de remettre au numéro prochain, à rendre compte d'un Tour de soubrette, petite comédie qui a eu beaucoup de succès sur le théâtre de Picard, ainsi que de la Laitière de Bercy, qui a été fort applaudie au Vaudeville.

Archives littéraires de l'Europe, tome cinquième (1805), Gazette littéraire (janvier, février, mars 1805), mars 1805, p. lxxiii :

Théâtre Louvois.

Un tour de soubrette, comédie en un acte de M. Gersain, n'a point eu un succès aussi décidé que nous l'avions annoncé dans notre dernière feuille. La scène de cette petite pièce est en Espagne ; toute l'intrigue et tout le comique roulent sur l'imagination d'une soubrette, qui fait passer un valet pour le fils d'un grand seigneur, et le lui persuade à lui-même. Cela ressemble trop à Ricco. Le style d'un tour de soubrette est à la vérité d'un meilleur ton ; l'intrigue a plus de vraisemblance ; mais, pour le comique, je crois que la copie ne vaut pas l'original.

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