Une journée du jeune Néron

Une journée du jeune Néron, pièce héroïco-burlesque en deux actes, en vers, de Laya, 27 pluviôse an 7 [15 février 1799].

Théâtre de l'Odéon.

Titre :

Une journée du jeune Néron

Genre

pièce héroïco-burlesque

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

27 pluviôse an 7 (15 février 1799)

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

Laya

Almanach des Muses 1800

Néron, âgé de vingt ans, est encore sous la tutèle du vertueux Burrhus, mais il lui préfère Labéon, son gouverneur, qui favorise ses vices. Aussi, de concert avec ce Labéon et un certain Olus, lequel est toujours pris de vin, il parvient à perdre Burrhus dans l'esprit de l'empereur Claude. Néron a formé le projet de dévaliser une voiture chargée, qui doit bientôt passer. Le vol s'exécute, mais Néron et Narcisse laissent à leurs complices le soin de dépouiller les voyageurs, trouvent ensuite le moyen de leur faire peur, et de s'emparer de leur butin. Ils arrivent dans un cabaret, où ils sont rejoints par Olus et ses camarades. Olus se console, en buvant, de la perte qu'il a faite, raille Néron sur son peu de courage, et paraît fort étonné lorsqu'il apprend qu'un seul mot de Néron l'a forcé d’abandonner son vol. Cependant Burrhus a trouvé le sabre de Néron ; il se présente dans le cabaret accompagné d'un édile. Celui-ci tremble devant le prince ; le sévère tuteur montre à Néron son arme. Burrhus est disgracié. Mais on apprend à Néron la mort de Claude, il monte sur le trône, change de conduite, bannit de Rome les complices de ses désordres, et rappelle Burrhus auprès de lui.

Pièce dont l'auteur a trouvé l'idée dans Shakespeare. Des scènes plaisantes ; le rôle d'Olus très-bien fait. Du succès à toutes les représentations qui ont suivi la première.

Courrier des spectacles, n° 725 du 28 pluviôse an 7 [16 février 1799], p. 2 :

[Le compte rendu commence par s’étonner qu’on ait joué une telle pièce au Théâtre Français : elle ne présente aucun intérêt, aucune scène comique. Et la tentative d’une claque d’applaudir à tout instant la pièce n’a pas résisté à la volonté de tous de siffler la pièce, si bien que l’auteur n’a pas été demandé (on note que le critique pense que la claque venue d’un autre quartier ignorait les habitudes du théâtre Français). L’analyse qui suit est présentée comme une obligation à laquelle Le Pan se résout à contre-cœur. Et le résumé qu’il donne de l’intrigue confirme qu’il a bien raison de juger durement la pièce : elle donne de Néron une curieuse image. Et son dénouement est plutôt facile. Mais Le Pan se dispense de tout jugement : le résumé de l’intrigue suffit. En particulier, pas d’observation sur la valeur morale qu’on peut accorder à une représentation de la dépravation.]

Théâtre Français de l’Odéon.

Les gens de goût n’avoient pu voir qu’avec peine annoncer au théâtre Français une pièce qualifiée du héroico-burlesque. Ceux qui ont cédé à la tentation d'aller voir Une journée du jeune Néron, ont dû souffrir à la représentation d’un ouvrage qui n’offre aucun intérêt et ne présente aucune sçène comique. Envain sept à huit applaudissemens distribués dans chaque coin de salle ne 1aissoient-ils pas dire un seul vers sans crier bravo. Ils ont bientôt éprouvé cette différence de quartier dont nous avons si souvent parlé. Dans un autre, les sifflets les plus mérités sont étouffés par les applaudissemens ; dans celui-ci on a crié : À bas les bravo. Et après avoir, pendant la représentation, témoigné avec modération le mécontentement le plus motivé, les sifflets ont si généralement accompagné la toile tombante, que personne n’a été tenté d’appeler l’auteur.

Nous nous dispenserions de donner l’analyse de cet ouvrage, si le plan de notre feuille n’exigeoit de nous ce sacrifice.

Néron, âgé de vingt ans, est encore sons la tutelle du vertueux Burrhus, et reçoit ses avis, à-peu-près comme nos ci-devant seigneurs écoutoient leurs précepteurs. Il préfère Labéon, son gouverneur, qui favorise ces vices, et de concert avec ce dernier et un certain Olus, personnage toujours pris de vin, il réussit à perdre Burrhus dans l’esprit de l’empereur Claude.

Les dignes ami [sic] de Néron l’excitent à dévaliser une voiture chargée qui doit passer dans les environs , et ce vol s’exécute dans l’intermède qui sépare les deux actes. Mais Néron et Narcisse. un de ses autres camarades de débauches, laissent Olus, Othon et deux autres dépouiller les voyageurs, trouvent ensuite le moyen de les effrayer, de leur faire abandonner leur proie et de s’en emparer. Ils se rendent dans un cabaret voisin, où ils sont bientôt rejoints par Olus et les autres. Olus se console, en buvant, de la perte qu'il a faite, et raille le prince sur son peu de courage. Il fait en vrai gascon français, mais gascon ivre, le détail de son combat, et est fort étonné d’apprendre que c’est Néron, qui d'un mot lui a fait abandonner son butin.

Burrhus qui accompagnoit le voyageur volé, a trouvé le sabre de Néron ; il se rend au cabaret précédé d’un édile. celui-ici tremble devant le prince son sévère précepteur lui présente son arme. Il est disgracié, mais à l’instant on apprend à Néron la mort de Claude, Devenu empereur, il change alors de conduite, fait bannir de Rome les compagnon [sic] de ses désordres, et rétablit Burrhus dans son emploi.

Le Pan.          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, IV. année (an vii. – 1799), tome sixième, p. 252-253 :

[A retenir, la comparaison de la pièce avec des pièces de Shakespeare. Laya n’aurait fait que « romaniser » deux pièces de Shakespeare.]

Une journée du jeune Néron.

La pièce héroïco-burlesque donnée sous ce titre au théâtre de l'Odéon, a été sifflée et applaudie. L'alliance du genre bouffon avec le personnage de Néron, et le mélange de l'héroïque et du burlesque, avoient effarouché les gens de goût ; cependant on a trouvé dans la pièce, du talent et de l'esprit ; et quoique le genre par lui-même ne soit pas bon, puisqu’il nous reporte à l'enfance de l'art dramatique, du moins on a applaudi à la manière dont cet ouvrage est traité.

Le citoyen Laya, qui en est l’auteur, y a esquissé un tableau des mœurs de Rome, pendant le règne de Claude et la jeunesse de Néron ; ce dernier exile son gouverneur dont l'austerité le gêne, se livre avec de jeunes libertins à tous les excès de la débauche, vole sur un grand chemin ; mais on lui annonce la mort de Claude et son avénement à l'empire, alors, par un retour sur lui-même ou par hypocrisie, Néron se sépare de ses compagnons de débauche, et rappelle son gouverneur, à qui il rend ou feint de rendre sa confiance. Tel est le sujet de cette pièce, dont en général le style est peu soigné ; mais dont les caractères sont bien rendus. Le citoyen Saint-Fal dans le rôle d'Aulus, a fait le plus grand plaisir, par son jeu naturel.

Cette pièce est une imitation, exacte de deux pièces de Shakespeare, intitulées toutes deux : Henri IV, roi d'Angleterre, et dont l'une est la suite de l’autre. L'auteur, sans changer les caractères, n’a fait que changer les personnages et l'époque de l'action. Henri, prince de Galles, est devenu Néron ; Henri IV est devenu Claude, et sir Fastalf a été nommé Aulus. Quant à l'intrigue, elle est absolument semblable.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, volume VI, ventôse an 7 [février 1799], p. 174-178 :

[Compte rendu d’une pièce que le critique est bien embarrassé à qualifier. Placée par l’auteur sous le double signe de l’héroïsme et du burlesque, association jugée « une nouveauté bizarre », elle a été mal accueillie par le public, que le critique invite pourtant à plus de discernement : il avait été prévenu par l’affiche, et n’avait pas de raison de se refuser à rire du spectacle offert. Après la première représentation, les spectateurs se sont montrés plus partagés sur une pièce présentant « un tableau assez piquant de mœurs locales & de l'intérieur des gouvernans de Rome, pendant le règne de Claude & la jeunesse de Néron », mais aussi « un apperçu très-philosophique de ce que peut produire la dégradation & la corruption des hommes revêtus d'un grand pouvoir, & du danger de l'hérédité de ce même pouvoir », ce qui souligne le caractère politique de l’ouvrage de Laya. Certes, il faudrait pour traiter un tel sujet des qualités dont Laya n’a pas encore fait preuve, mais qu’il peut montrer dans la suite. Sa pièce s’est appuyé sur Shakespeare et sur sa représentation de la jeunesse d’Henri V. Mais transposer cette histoire au temps de Néron, à la réputation de « monstre exécrable, fléau de l’humanité », c’est manquer son effet, même si l’image donnée du jeune Néron est conforme à l’histoire. Il y a de bonnes scènes dans la pièce, même si le style n’est pas au-dessus de tout reproche. Et le jeu de Saint-Phal est admirable. Le compte rendu s’achève sur des considérations ouvertement politiques : la pièce de Laya, l’auteur du très contesté Ami des lois, qui a valu à son auteur la haine de gens «  auxquels on ne sauroit le comparer », est en butte aux attaques de ceux qui confondent « toujours par la plus insigne mauvaise foi les principes de la raison & de la philosophie avec les excès monstrueux des hypocrites ou des scélérats qui en ont abusé » et font des hommes des Lumières les inspirateurs de la Terreur.]

THÉATRE FRANÇAIS, SALLE DE L'ODÉON.

La Jeunesse de Néron, pièce héroïco-burlesque.

Il faut convenir d'abord que le mariage de ces deux mots, & l'alliance du genre bouffon, avec le personnage de Néron, dont le souvenir même épouvante encore le monde, devoient paroître une nouveauté bizarre, faite d'avance pour effaroucher le goût & réveiller la censure. L'auteur en risquant sur la scène française une conception de cette nature, a donc bien dû prévoir les obstacles qu'il éprouveroit à la faire réussir : mais plus, ce me semble, l'entreprise étoit difficile, plus il falloit lui savoir gré de la difficulté vaincue, & s'il étoit parvenu à faire rire, pardonner au genre en faveur de l'effet. Que le littérateur, dans son cabinet ; analysant froidement & avec toute la sévérité des principes ce genre que je crois en lui-même très-vicieux, en eût démontré les défauts & les dangers, rien de plus naturel ; on pouvoit dire que c'étoit en quelque sorte profaner le talent que de l'employer à des compositions semblables ; mais pour être juste, encore falloit il avouer en même temps, que l'auteur en avoit montré beaucoup : or, si dans le calme du cabinet on ne pouvoit se dispenser de cet aveu, il me semble qu'à la représentation on devoit être moins sévère encore, & que bien prévenu par l'affiche du genre de l'ouvrage, il ne falloit pas repousser le rire dont l'occasion s'offroit assez souvent, ni demander à l'auteur plus qu'il n'avoit promis.

Il paroît que les représentations qui ont suivi la première ont été la preuve du partage des avis sur cette production du C. Laya, & que beaucoup de personnes, abstraction faite de tout esprit de parti littéraire ou politique, ont applaudi ce qui leur paroissoit mériter des applaudissemens ; c'est à dire un tableau assez piquant de mœurs locales & de l'intérieur des gouvernans de Rome, pendant le règne de Claude & la jeunesse de Néron, un apperçu très-philosophique de ce que peut produire la dégradation & la corruption des hommes revêtus d'un grand pouvoir, & du danger de l'hérédité de ce même pouvoir, puisqu'elle peut très-bien faire tomber la destinée de tout un grand peuple entre les mains d'un monstre possédant tous les vices. Je sais que pour montrer ainsi à découvert le héros ou l'homme puissant dans sa vie purement privée, il faudroit en même temps colorier ce tableau difficile d'une manière particulière & savante ; ménager adroitement les nuances par les jeux des ombres & des oppositions, & sur-tout en faire ressortir un but moral très-prononcé : je ne doute pas qu'avec ces ressorts un homme de génie ne se tirât peut-être de l'ornière des règles ordinaires, ne franchît les entraves de la pusillanimité, & ne devînt créateur à son tour de- quelques règles nouvelles. Le C. Laya n'a pas encore rempli toutes les conditions d'une mission semblable ; mais il ne faut pas non plus décourager les essais par trop de rigueur ; on ne voit pas aussi clair dans une route nouvelle & l'on n'y marche pas aussi hardiment que dans les chemins battus.

Le C. Laya, pour risquer son essai, s'est d'abord appuyé sur Shakespeare, qui a montré de même Henri V dans sa jeunesse, s'amusant à voler sur les grands chemins, & encouragé dans ces beaux divertissemens par des courtisans corrompus, complices de ses débauches.

Peut-être en appliquant ces mœurs à Néron, l'auteur français a t-il nui à l'effet du tableau : je le répète, le nom de ce monstre exécrable, fléau de l'humanité, semble exclure toute idée de gaieté ; il arrête essentiellement le rire au moment même où il voudroit éclore, & ce moment de retour à la vertu qu'on lui prête au dénouement, bien que conforme à la vérité historique, manque aussi son effet parce qu'on sait trop bien quelle en fut la suite : mais ôtez le nom de Néron, & l'on conviendra que la scène du gouverneur vertueux avec son élève corrompu, que le caractère d'Aulus, facétieux, libertin, que l'imbécilité de Claude qui donne le ministère au plus immoral des hommes, parce qu'il l'a fait rire, que l'élévation subite du jeune prince débauché à l'empire, & qui par un retour sur lui-même, éclairé sur ses nouveaux devoirs, abjure ses erreurs & ses complices, & rend toute sa confiance à son sévère gouverneur qu'il avoit fait exiler le matin ; on conviendra, dis je, que ce sont pourtant là des situations & des effets qui annoncent du talent : le style a sans doute quelques reproches à essuyer ; mais la première scène a pourtant paru faire généralement plaisir, & le caractère d'Aulus m'a paru dépeint avec originalité : il faut d'ailleurs voir cet ouvrage, ne fût-ce que pour admirer le talent vraiment comique que le comédien Saint-Phal y déploie.

Il ne faut pas se dissimuler que cette pièce a été vue avec des yeux bien différens, & cela seul prouveroit que ce n'est pas un ouvrage ordinaire ; on a même été jusqu'à y trouver des intentions dont l'auteur de l'Ami des lois, victime connue des hommes auxquels on ne sauroit le comparer, ne devoit guère s'attendre à être soupçonné ; mais il est une classe d'hommes incorrigibles qui ne cessent de regarder comme des attentats sacrilèges tout ce qui semble porter atteinte, même indirecte, aux objets de leur culte & de leurs regrets ; c'est ainsi que confondant toujours par la plus insigne mauvaise foi les principes de la raison & de la philosophie avec les excès monstrueux des hypocrites ou des scélérats qui en ont abusé, ils seroient tentés de dire que Mably a produit Marat, Rousseau Robespierre, & Voltaire les massacres du deux septembre & de 1793. Risum teneatis !

[Vers d’Horace : après le portrait d’un monstre grotesque, « Spectatum admissi, risum teneatis, amici », « Devant un tel spectacle, mes amis, vous pourriez ne pas rire ! »]

La Bibliothèque de Soleinne, tome deuxième, p. 208, indique que la pièce, comédie en deux actes, n’a pas été publiée.

D’après la base César, la pièce a été jouée 7 fois au Théâtre de l’Odéon, du 15 février au 14 mars 1799.

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