Le Vieux château, ou la Rencontre

Le Vieux château, ou la Rencontre, comédie mêlée de chants en un acte, d’Alexandre Duval, musique de Della Maria. 25 ventôse an 6 [15 mars 1798].

Théâtre de la rue Feydeau

Titre :

Vieux château (le) ou la Rencontre

Genre

comédie mêlée de chants

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

chants

Date de création :

25 ventôse an 6 [15 mars 1798]

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Alexandre Duval

Compositeur(s) :

Della Maria

Almanach des Muses 1799.

Burbanto, vieux militaire, occupe un château qui offre tout l'appareil d'une place forte en état de défense. Il y vit avec sa nièce, dont la mort de son frère l'a fait nommer tuteur. Il prépare une fête guerrière et champêtre à sa pupille. C'est un des moyens qu'il imagine pour toucher son cœur, parce qu'il prétend à sa main. Cependant Sophie, c'est le nom de la jeune personne, avait été promise par son père à un jeune Français. Son amant est à sa recherche, lorsqu'en traversant un bois il est attaqué et volé. Il apperçoit le château de Burbanto, il y demande un asyle ; il n'est accompagné que de son valet ; on le reçoit. Mais ce valet est un poltron, à qui l'aspect du château et tout ce qui s'y passe inspire une terreur profonde. Le maître n'est guère plus rassuré quand il voit tous les gens de Burbanto sous les armes. Il est près de croire, comme son valet, qu'il est chez le chef des brigands qui l'ont dépouillé ; la vue d'une cassette qui lui a été prise le confirme dans ses soupçons. Il doit souper avec Burbanto, et le repas n'est point propre à le rassurer. Burbanto se met à table ; il présente à son hôte du vin dont il ne boit pas lui-même ; il est armé, ses discours sont au moins équivoques. Le Français songe à se défendre si sa vie est menacée. On entend une décharge de mousqueterie. A ce signal convenu arrive une foule de femmes habillées en bergères, apportant des bouquets à Sophie. Surprise agréable du Français ; explication sur la cassette, que Burbanto a tout simplement achetée ; reconnaissance entre la pupille et son amant ; dépit de Burbanto, qui finit pourtant par céder la main de Sophie.

Des situations plaisantes, dénouement un peu brusque, jolie musique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au Bureau Dramatique, chez Migneret et chez Vente, an VI :

Le vieux Château ou la Rencontre, comédie en un acte, mêlée de chants, Représentée pour la première fois sur le Théâtre Feydeau, le 25 Ventôse, an 6. Paroles du Citoyen Alex. Duval, musique du Citoyen Domenico della Maria.

Dans l’édition de ses Œuvres complètes, tome III (Paris, chez Barba, 1822), Alexandre Duval fait figurer avant le texte de sa pièce une notice, p. 7-13. Il y parle finalement peu d’une pièce qui n’a pas rencontré un grand succès.

NOTICE SUR LE VIEUX CHATEAU

J'aurai bien peu de chose à dire de ce petit opéra, ayant déja confié à mon lecteur, dans la notice du Prisonnier, que les petites frayeurs de Dellamaria m'avaient donné l'idée de traiter un sujet dont je reconnais la faiblesse. Ce qui peut faire excuser la prétention que j'avais de tirer parti d'un aussi pauvre fond, c'est le goût qu'on avait alors pour un certain genre de romans. Il n'en paraissait pas un qui n'eût son vieux château et ses brigands : le fantôme même y devenait un personnage aussi indispensable que le niais dans le mélodrame. Je crus trouver quelque comique dans la poltronnerie d'un valet, et dans le ridicule d'un gentilhomme pauvre qui, voulant vivre comme un grand seigneur dans ses terres, pouvait être pris pour un capitaine de brigands. Le fait est que je voulais faire un opéra pour Dellamaria; que je n'attendis point l'inspiration, et que je fis une sottise.

Cependant cet ouvrage, joué dans un autre temps, aurait pu produire un plus grand effet, puisque la musique en est charmante ; mais il eut le tort d'arriver quelques mois après le Prisonnier. Il est tout simple que mon Prisonnier, qui faisait courir tout Paris, ait abattu mon Vieux Château, dont les fondements n'étaient pas très-solides. Le charme de la musique fit passer pourtant sur la médiocrité des paroles, et fit obtenir à cette pièce vingt-quatre ou trente représentations. Nous nous consolâmes facilement de l'obscurité de notre premier enfant, lorsque son cadet jouissait, sur un autre théâtre, d'un succès qui allait jusqu'à la folie. Ce succès avait été si brillant, que les journalistes, qui assez ordinairement ne gâtent pas les auteurs, ne tarissaient pas sur nos éloges : et, soit que le genre gracieux que nous avions ramené au Théâtre-Favart leur eût donné l'idée que Dellamaria et moi nous fussions de ces jeunes gens que l'on disait alors du bon genre, ils ne nous appelaient plus, dans tous leurs journaux, que les aimables auteurs du Prisonnier. Ce mot d'aimable m'a poursuivi jusqu'au temps où je composai, pour le Théâtre-Français, des ouvrages en cinq actes. Conçoit-on rien de plus cruel, pour un auteur qui a la prétention de faire une grande comédie de mœurs ou de caractère, que de s'entendre donner une semblable épithète ? il semble qu'elle ne peut convenir qu'à Dorat ou aux poètes de son école. Comme ce n'était pas là le genre de succès que je recherchais, j'étais très-contrarié des politesses qu'on ne cessait de me faire, et qui dans mon esprit ressemblaient assez à des épigrammes.

Puisque je suis sur ce sujet, et que je n'ai plus rien à dire de mon Vieux Château, il doit m'être permis de raconter à mon lecteur la petite aventure ou plutôt la mystification que me fit éprouver la qualité d’aimable dont on m'avait si injustement gratifié dans les journaux. Que de personnes qui m'avaient jugé d'après ma réputation d'amabilité, ont dû éprouver, en me voyant de près, une surprise semblable à celle de cette jeune fille qui, dînant avec plusieurs beaux-esprits dont elle avait lu les ouvrages, et, n'étant point du tout émerveillée de leur conversation, demandait naïvement à sa mère vers la fin du dîner, quand ces messieurs commenceraient ! Si je me suis toujours rappelé la plaisanterie dont je fus la victime, c'est qu'elle a servi à me prouver que l'on se trompe presque toujours sur l'idée que l'on se fait d'un auteur, quand on ne le connaît que par ses ouvrages.

Pendant le long succès du Prisonnier, des affaires m'appelèrent à Rennes, dans ma famille. Après avoir rempli tous mes devoirs de parenté, j'allai rendre visite à Madame de Lant..... que j'avais rencontrée à Paris dans la société ; j'y avais admiré sa gaîté vive et piquante, et surtout la tournure originale de son esprit. Je suis convaincu que si Madame de Lant..... eût vécu sous Louis XIV, elle eût obtenu le plus grand succès dans un siècle où un bon mot suffisait pour mettre en crédit à la cour. Dès cette première visite, elle me plaisanta d'une manière charmante sur le titre d'aimable que j'avais acquis depuis son départ. Je ris beaucoup avec elle de la réputation que l'on avait faite à un homme qui certes n'était point aimable, mais qui avait au moins le bon esprit de ne pas chercher à l'être. Elle convint que mes chers concitoyens éprouveraient une grande surprise en me voyant, et qu'il était nécessaire de prendre ses précautions pour ne pas les désabuser tout-à-fait; qu'elle croyait en avoir trouvé le moyen en m'invitant à venir la voir le plus souvent que je pourrais, et surtout en venant dîner avec elle le surlendemain. Je convins qu'en effet si je la voyais souvent, c'était le vrai moyen de me rendre un peu plus digne de ma réputation; et, sans prévoir le tour que voulait me jouer la maligne comtesse, je donnai tête baissée dans le piège qu'elle m'avait tendu. Le surlendemain, je trouvai une réunion peu nombreuse, presque toute composée de vieilles demoiselles : elle les avait choisies parmi celles qui montraient le plus de prétention à l'esprit, si l'on peut appeler de l'esprit le désir de montrer qu'on a beaucoup lu, et qu'on a de la mémoire. Je n'ai pas besoin d'avertir que Madame de Laut..... qui avait conspiré contre moi, avait eu soin de tracer de ma personne le portrait le plus faux, en ce qu'il me faisait mériter l'épithète que l'on m'avait donnée dans les journaux. Rien n'était égal, selon elle, aux graces de mes manières, au brillant de ma conversation ; enfin j'étais un homme admirable. D'après ce beau portrait, on peut juger du désappointement de ces dames, en voyant entrer un homme dont la simplicité et le peu d'élégance n'étaient nullement d'accord avec l'idée qu'elles avaient de lui : mais leur étonnemeut redoubla bien davantage, quand elles m'entendirent causer comme un bon bourgeois, et en langage très-vulgaire. Elles crurent d'abord que je dédaignais de mettre la conversation sur la littérature, attendu que je pouvais les soupçonner de ne pas la connaître ; et aussitôt, pour me prouver qu'elles n'y étaient point étrangères, et qu'elles savaient bien tous nos bons auteurs, elles se mirent à me débiter un fatras de vers qui m'arrivaient à brûle pourpoint. Tout surpris à mon tour de cette intempérance littéraire, je les regardais avec cet étonnemeut qui tient de la stupidité : certes, si elles ne voyaient en moi qu'un imbécille, je puis avouer maintenant que je les ai prises toutes pour des folles; et je serais resté long-temps dans cette idée, si un sourire malin que j'aperçus sur les lèvres de ma spirituelle compatriote, ne m'eût fait deviner une partie de la mystification. — Je ne m'étais pas trompé : quelques jours après, elle m'avoua que c'était sur le mot d'aimable auteur qu'elle avait bâti sa petite comédie, qu'elle trouvait aussi bonne que les miennes, puisqu'elle s'en était autant amusée ; que, quant à moi, elle me regardait comme un homme perdu de réputation dans l'esprit de nos dames Rennaises ; que je n'avais plus qu'un parti à prendre pour échapper au ridicule que m'avaient donné les journaux, c'était celui de me faire ours ; que c'était un genre d'originalité qui avait son agrément, en ce qu'il faisait sortir de la route commune, et qu'il pouvait même donner des succès dans le monde. — Je lui répondis que le grand monde ne valait guère la peine qu'on prît un caractère pour l'amuser; que, si je le recherchais quelquefois, c'est que j'y trouvais un but d'utilité ; mais que je ne m'y montrerais que ce que je suis, et que, s'il se trouvait un peu d'ours dans mes manières, je devais cette qualité entièrement à la nature ; qu'au reste, j'engageais nos charmantes dames à profiter de la leçon qu'elle leur avait donnée, en ne jugeant désormais les auteurs, ni par leurs ouvrages, ni par les journaux.

Courrier des spectacles, n° 388 du 26 ventôse an 6 [16 mars 1798], p. 2-3 :

[Après une introduction minimale, le critique donne l’analyse de l’intrigue de la pièce, située en Espagne (pays des brigands, des hommes d’honneur et des châteaux mystérieux). Elle met en scène un jeune Français qui part avec son valet à la recherche de celle qu’on lui a promise comme épouse. Mais le voyage se passe mal, ils sont victimes entre autres des brigands, et ils arrivent dans un château inconnu. Le séjour dans le château est raconté du point de vue du valet, un lâche qui interprète tout comme un danger, bruits suspects ou parles apparemment menaçantes. Au cours du repas où il craint avec son maître de se voir assassiné, alors que retentissent de nouveau des bruits de coups de feu, c’est une joyeuse troupe de danseuses qui arrive pour honorer la jeune Sophie, et le mystérieux maître du château se révèle être le frère de celui qui a promis sa fille au jeune Français. Le jugement porté sur la pièce est favorable : son comique lui a valu le succès, malgré des situations parfois peu originales et des négligences faciles à corriger. Les auteurs sont cités, et le compositeur, Della Maria, est félicité pour la qualité de sa musique à laquelle le critique reconnaît « une grande légèreté., un goût délicat, un style à la fois correct et bouffon. Sa grande qualité, c’est de contenir des « morceaux d’ensemble [...] si rares dans les compositions d’aujourd’hui » alors qu’ils sont sources d’un grand intérêt pour les spectateurs. Les auteurs ont été nommés.]

Théâtre Feydeau.

On a donné hier à ce théâtre la première représentation du Vieux château, ou la Rencontre. En voici l’analyse :

Un jeune Fiançais, auquel un officier, en mourant, a destiné sa fille, se met en route, accompagné de son valet, et arrive en Espagne où Sophie, cette riche héritière, habite un château très-gothique, et parconséquent très-vieux, avec Birbando, ancien capitaine, à la fois son oncle et son tuteur ; mais ils éprouvent dans leur voyage tous les contre-tems imaginables, dont le pis est d’être dévalisés par des voleurs presque à la porte du vieux château. Cependant ils sont égarés sans ressource, et n’ont point d’autre parti à prendre que de réclamer l’hospitalité dans ce lieu même. Ou juge que tout y paroît suspect, sur-tout au valet, très-peureux de son naturel ; celui-ci, aux tourelles, au pont-levis du château, et d’avantage encore au ton moitié jovial, moitié brusque du capitaine, qui a la manie de tenir tout son monde sur le pied militaire, et lui-même d’être toujours armé jusqu’aux dents, ne peut se dissuader que ce ne soit là, comme il le dit , le quartier-général des voleurs de la forêt, et tout concourre [sic] à le maintenir dans cette idée. Ils sont en effet arrivés au moment où Birbando prépare une fête à sa nièce qu’il va épouser, malgré la répugnance qu’elle apporte à cette union. Il fait donc venir Salpétro, le premier de ses gens, personnage très-lent, auquel il- confie les disposions de cette fête. C’est une surprise agréable qu’il veut procurer à Sophie, et pour la rendre plus piquante, il imagine, comme par un coup de génie, de joindre à des effets d’harmonie, un bruit de guerre, et jusqu’à de la mousquetterie. On convient aussi, pour plus grande liberté, de ne pas conserver les étrangers à la fin du repas, moment marqué pour la surprise en question, et par conséquent de s’en débarrasser.

Ce dernier mot est entendu par le valet qui ne doute plus de sa perte, et se livre au désespoir de mourir si jeune, sur-tout sans avoir fait son testament. Il court rendre à son maître tout ce qu’il vient d’apprendre, mais quel est l’étonnement de celui-ci de voir arriver Birbando tenant dans ses mains et offrant à Sophie un écrin superbe dont nos voyageurs ont été volés à la porte même du château.

L’amour que le jeune Français puise insensiblement dans les yeux de Sophie, ne le rassure cependant pas sur le danger qu’il croit courir, il est informé que des gens se cachent armés, qu’ils ont tous des carabines bien chargées, et qu’à un signal convenu ils doivent entrer dans l’appartement où se donne le repas. Ses soupçons redoublent quand il voit le capitaine conserver ses armes à table. On se place, on converse, Birbando se livre à la joie ; mais le bruit de la mousquetterie se fait entendre. Le jeune Français effrayé se lève et tient ses pistolets en arrêt.... Mais il ne se présente à sa vue qu’une troupe de villageoises, venant offrir à Sophie des hommages et des fruits ; Chacun alors s’accuse réciproquement de folie. Cependant le capitaine vient à nommer son frère. A ce nom le voyageur a reconnu son bienfaiteur, cette Sophie est celle qu’il lui destinoit, et que lui cède Birbando, non moins généreux qu’il est original.

Cette pièce, dont le fonds est d’un bon comique, a obtenu un succès mérité, le poëme renferme peut-être quelques situations déjà connues à la scène, et quelques négligences, mais qu’il est aisé de faire disparoître ; il est du citoyen Duval, la musique est telle qu'on ponvoit l’attendre du citoyen Della-Maria, déjà connu par celle du Prisonnier. Une grande légèreté., un goût délicat, un style à la fois correct et bouffon ; tel est le principal caractère de cette composition, dont le succès doit porter le citoyen Della-Maria à entreprendre quelqu’ouvrage de plus longue haleine.

Nous lui devons, ce qui sembloit perdu pour nous depuis quelque tems, des morceaux d’ensemble si rares dans les compositions d’aujourd’hui. Rien cependant ne nourrit plus l’intérêt que ces a parté de contraste qui doublent en se divisant l’attention des amateurs.

Les auteurs ont été demandés , le citoyen Della-Maria seul a paru.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome IV (avril 1798, germinal, an VI), p. 199-202 :

[« Le sujet en est simple », dit le compte rendu d’emblée, avant de résumer une intrigue qui paraît assez compliquée, avant d’aboutir à un dénouement un peu facile. Le critique se montre assez sévère envers la pièce : intérêt pass assez soutenu, situation peu nouvelle, et surtout situation longuement prolongée, puisqu’elle est « la base unique du nœud de la pièce ». Certes l’erreur dans laquelle se trouvent les deux personnages est nourrie de façon imaginative, mais l’incertitude où ils sont ne dure pas pour le spectateur : les incidents de la pièce ne sont guère variés. La musique a été appréciée, avec le regret du manque de « morceaux chantés seuls ». Auteurs nommés, seul le compositeur a paru.]

Le Vieux Château ou la Rencontre, pièce en un acte.

Le sujet en est simple. Un Français, destiné à épouser une jeune Espagnole , part avec son domestique. Il arrive & traverse une forêt dans laquelle il est arrêté & volé par des brigands. Ne sachant que devenir, il apperçoit dans le lointain une lumière ; cette lumière suppose une habitation : il approche & voit un vieux château gothique, flanqué de tours & de tourelles. Il se présente, le pont s'abat, & se relève après son entrée. Il trouve dans la cour des sentinelles, il raconte son aventure, & demande hospitalité ; il est introduit. Le maître est absent, il est reçu par Sophie, nièce & pupille du maître, & par Zerbine, sa suivante. Sophie lui promet l'hospitalité, au nom de son oncle, qui doit revenir dans le moment. Ces deux femmes ne lui dissimulent pas l'ennui qu'elles éprouvent dans le château. Cette première découverte donne au valet l'idée qu'elles y sont détenues de force par le maître du château qu'il suppose le chef des brigands. Cet oncle arrive ; c'est un ancien capitaine, dont la manie est de conserver le costume & les règles militaires. Il fait monter la garde dans son intérieur, il fait lever & baisser le pont dans des circonstances prévues, & donne le mot d'ordre.

Les deux étrangers font présentés à Birbando, c'est le nom du capitaine. Ils en sont reçus avec le ton & les formes qui caractérisent l'originalité de ce vieux guerrier. Le valet commence par communiquer à son maître ses soupçons sur la nature du château, & la profession du maître ; le maître en rit ; mais on conçoit qu'à la longue, l'aventure qui lui est arrivée dans la forêt, se lie naturellement avec la forme du château , son isolement dans la forêt, le ton du maître, l'ennui de Sophie & de sa suivante. Il finit par regarder le château comme le quartier-général des brigands, & le maître comme leur chef. La preuve se compléte à la vue d'une cassette remplie de bijoux, que Birbando présente à Sophie pour gage de son mariage, & que le jeune Français reconnoît pour être celle qui lui avoit été volée dans la forêt. Il ne se dit plus un mot & ne se passe aucune action qui ne soient interprêtés par le Français & son valet, comme une confirmation de ce qu'ils sont forcés de croire. Une fête que le baron doit donner le soir même à sa pupille, leur fournit toutes les preuves du danger qu'ils courent. Cette fête doit commencer par une décharge de mousqueterie, & se terminer par une danse villageoise : le valet a entendu donner les ordres relatifs à la mousqueterie. Au souper, il conseille à son maître de ne point boire un vin qu'il soupçonne empoisonné ; le maître se refuse absolument à boire un verre de liqueur, parce que les femmes & Birbando veulent s'en dispenser. Enfin le signal donné, la mousqueterie se fait entendre. Le maître & le valet, qui se croyent au moment décisif, se lèvent & se mettent en garde, le pistolet à la main. Les villageois & les villageoises entrent ensuite parés de guirlandes de fleurs. Ce spectacle , qui ne s'accorde point avec les vues qu'ils supposoient au baron, forme un contraste fort plaisant, & tient long-temps les voyageurs en suspens. Enfin, le Français entend prononcer le nom du père de Sophie ; il la reconnoît pour celle qu'il venoit épouser, il se jette à ses pieds ; & le baron, toujours original, les unit l'un à l'autre.

Nous ne dissimulerons pas que malgré son succès, cette pièce n'a pas l'intérêt soutenu auquel l'auteur devoit prétendre. Cette situation n'est pas neuve, plusieurs pièces en présentent de semblables ; mais elles ne sont pas comme dans celle-ci, la base unique du nœud de la pièce : ainsi prolongée, l'effet s'affoiblit beaucoup. Elle a le mérite d'une imagination féconde ; l'inquiétude des deux voyageurs y est parfaitement motivée ; mais comme tout est prévu dès la première scène, & que le spectateur ne partage point la même incertitude, on conçoit que l'intérêt ne peut se soutenir aussi long-temps Pour suppléer à cet inconvénient, il auroit fallu que l'auteur, qui d'ailleurs mérite beaucoup d'éloges, eût jeté des incidens d'un comique plus détaché du fonds, attendu que, quoique ceux qui y sont employés soient très-nombreux, ils se ressemblent trop, & ne sont pas assez variés.

La musique a été généralement goûtée. On auroit désiré y entendre plus de morceaux chantés seuls. Il est assez étonnant, en effet, que Sophie, dont le rôle devroit être plus marquant, ne chante que dans des quatuor ou quinque , qui ont été fortement applaudis par le public.

Les auteurs ont été demandés. Les paroles sont du C. Duval, & la musique du C. Della Maria, tous deux auteurs du charmant opéra du Prisonnier. Della Maria a seul paru.

D’après la base César, la pièce a connu 26 représentations au Théâtre Feydeau, du 15 mars 1798 au 22 septembre 1799, auxquelles s’ajoute 1 représentation au Théâtre de l’Odéon le 14 octobre 1798.

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