Zoraide et Zuliska

Zoraide et Zuliska, pantomime en trois actes à grand spectacle, de Benoit [Marsollier], musique d'Alexandre, ballets de Hullin, 11 août 1812.

Théâtre de la Gaîté.

Journal de Paris, n° 225 du 12 août 1812, p. 1-2 :

[Le critique commence à résumer l'intrigue, pleine de rebondissements, et il s'arrête en chemin : trop d'événements pour faire tenir le tout « dans une courte analyse ». Il se contente de donne rune idée de la prolifération des détails, qui étourdit le public : elle « ne permet pas même à la curiosité de sentir si elle est satisfaite ». Il se limite à donner la clef du sous-titre, « le Bien pour le Mal » et à souligner ainsi la générosité de l'héroïne, si magnifiquement jouée par madame Dumouchel. La pièce a réussi, mais en étourdissant le public, mot destiné à expliquer l'effet produit tant sur le critique que sur le public. Reste à parler rapidement des ballets, trop nombreux, de la complexité de l'intrigue (il ne faut pas venir au théâtre sans programme !), à donner le nom des auteurs, Alexandre pour la musique, Hullin pour le ballet, et ce mystérieux Benoît, «qui « nous est une énigme » qui devrait être éclaircie dès le lendemain.]

THÉATRE DE LA GAITÉ.

Première représentation de Zoraïde et Zuliska, ou le Bien pour le Mal, pantomime en trois actes.

La scène est en Egypte. La jalouse et orgueilleuse Zuliska est répudiée par le sultan Mohamet qui fait offrir son cœur et son trône à la douce et sensible Zoraïde. Zoraïde refuse. Elle est unie par le plus tendre amour au jeune Dely, officier de la garde du sultan. Le monarque commande ; Zoraide, pour sauver la vie à son amant, est obligée de consentir à cet illustre et fatal hymen. Au moment où il va se célébrer, Zuliska paraît sous le costume d'une arabe du désert..... Elle traîne après elle ses deux enfans. Ce spectacle émeut le sultan; Zoraïde profite de cet instant pour tomber à ses pieds, elle l'implore, le conjure, le presse et obtient enfin qu'il rende à Zuliska un rang où elle même ne montait qu'à regret.

L'ingrate Zuliska n'emploie son pouvoir qu'à persécuter celle qu'elle a vue un instant sa rivale..... Les événemens qui sont le sujet de cette pantomime sont trop pressés, trop compliqués pour que je puisse en donner une idée juste dans une courte analyse.

Des révoltes, des combats, des incendies, des explosions, un sultan détrôné, chargé de chaînes, et recouvrant bientôt la liberté et la couronne ; un guerrier, d'abord chef de rebelles et ensuite grand-visir ; l'orgueil vaincu par la modestie, la cruauté par la douceur, la haine par la reconnaissance, tels sont les tableaux qui se succèdent dans cette pièce avec une rapidité que le spectateur peut suivre à peine, et qui ne permet pas même à la curiosité de sentir si elle est satisfaite.

Zoraïde, au péril de ses jours, sauve la vie à l'assassin qui devait la poignarder, à Zuliska, qui en avait donné l'ordre, au sultan qui voulait faire périr son amant, enfin à un des enfans de son ennemie. C'est ainsi qu'elle justifie le titre de la pièce le Bien pour le Mal. Ce rôle noble et touchant a donné à Mme Dumouchel le moyen de déployer tout son talent de mime.

Elle s'est glorieusement vengée du petit échec qu'elle avait éprouvé dans le Fanal de Messine. Quand Mme Dumonchel ne parle plus, la critique est obligée de se taire.

L'ouvrage a obtenu un succès d'étourdissement. Ce mot paraîtra bizarre, mais je n'en connais pas d'autre pour peindre l'effet qu'il a produit sur moi et sur le public.

Les ballets sont charmans ; mais il y en a trois.... L'action vive, mais souvent inintelligible. Enfin, je dirai à tous ceux qui auront quelques heures à dépenser : Allez voir Zoraïde et Zuliska, mais n'y allez pas sans programme.

La musique est de M. Alexandre, les ballets de M. Hullin, et la pièce de M. Benoit, Ce dernier nom est une énigme. Le mot au prochain numéro.

[Je n'ai pas trouvé le mot de l'énigme dans le journal du lendemain (mais c'est bien de Marsollier qu'il s'agit).]

Journal des arts, des sciences et de la littérature, volume 10, n° 169 du 15 août 1812, p. 205 :

[L'article s'ouvre sur un constat, peut-être un peu nostalgique, la pantomime est en train de disparaître, victime de la vogue du mélodrame. La pièce nouvelle illustre illustre ce déclin. Elle conte une histoire orientale, celle d'un sultan qui a répudié la mère de ses enfants pour une « jeune et belle orpheline » qui lui préfère bien sûr son « amant ». Cette « bonne Zoraïde » réussit à faire rappeler Zuliska, à échapper à la mort, à sauver celui qui a tenté de la tuer, puis sa rivale, poursuivie par un lion, et elle n'a plus qu'à remettre le sultan sur le trône (la vie des personnages de pantomime n'est pas de tout repos). Pour le critique la pièce a un grave problème : on ne sait sur qui porte l'intérêt que le théâtre doit faire éprouver le spectateur, sur « une femme répudiée, une autre persécutée, un sultan détrôné », mais le public a aimé la pièce, et « le succès n'a pas [...] été contesté ». Par contre le nom de l'auteur est resté un secret, que le critique paraît partager, mais qu'il ne divulgue pas.]

THÉATRE DE LA GAITÉ.

Zoraïde et Zuliska, ou le Bien pour le Mal, pantom. en 3 actes.

Depuis que les mélodrames ont la vogue, la pantomime est négligée ; on la joue rarement, et presque toujours sans succès. Je citerai, comme une preuve de ce que j'avance, la piece nouvelle de Zoraïde et Zuliska.

Le sultan d'Egypte Mohamet a répudié sa femme Zuliska, dont il a cependant deux enfans. Ce volage musulman est épris de Zoraïde, jeune et belle orpheline qu'il oblige de venir à sa cour ; mais Zoraïde a pour amant Delhy,qu'elle préfère à tous les sultans du monde ; et, profitant de l'ascendant qu'elle a sur le cœur du vieillard, elle parvient à faire rappeler Zuliska. – Zuliska, loin de lui en savoir gré, ne voit dans Zoraïde qu'une rivale, et ordonne sa mort. – La bonne Zoraïde sauve la vie à son assassin, et à Zuliska elle-même, poursuivie par un lion. – Le sultan, qui avait été détrôné, ressaisit la couronne, et c'est encore à la courageuse Zoraide qu'il la doit.

On ne sait à qui s'intéresser dans cette pantomime. Une femme répudiée, une autre persécutée, un sultan détrôné, excitent tour à tour la pitié des bénévoles spectateurs, et se nuisent réciproquement, en divisant l'intérêt. Le succès n'a pas cependant été contesté ; et l'on a nommé M. Benoît. On dit que ce M. Benoît cache un nom fameux à l'Opéra-Comique....... Mais il ne faut pas divulguer le secret de la Comédie.

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