Coupe du vers

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Coupe de vers.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 323-324 :

Coupe de Vers. La différence dans la Coupe des Vers sert non-seulement à rompre la monotonie de la versification & de la rime, mais à exprimer une passion ou un mouvement de l'ame avec plus de force. Dans la Tragédie d'Ariane, cette Princesse vient d'ordonner à Thésée de la quitter ; Thésée sort & Ariane dit à sa Confidente :

As-tu vu quelle joie a paru dans ses yeux ?
Combien il a paru satisfait de ma haine ?
Que de mépris !

Cette réserve, dit M. de Voltaire, interrompue au second pied, c'est à-dire au bout de quatre syllabes, fait un effet charmant sur l'oreille & sur l« cœur. Ces finesses de l' Art furent introduites par Racine, & ne sont senties que des connoisseurs.

Lorsqu'Agrippine, dans Britannicus, rappelle à Néron tous ses bienfaits, tous les soins qu'elle s'est donnés pour lui, le choix qu'elle a fait de ses Gouverneurs :

J'appellai de l'exil, je tirai de l'Armée
Et ce même Séneque & ce même Burrhus,
Qui depuis... Rome alors admiroit leurs vertus.

Cette césure , au milieu du second pied, peint mieux l' indignation d'Agrippine contre Burrhus & Séneque, que si elle ne se fut interrompue qu'à l'hémistiche.

De même dans Zaïre, lorsqu'Orosmane refuse Zaïre à Nérestan & le congédie, il lui dit :

Pour Zaïre, crois-moi, sans que ton cœur s'offense,
Elle n'est pas d'un prix qui soit en ta puissance ;
Tes Chevaliers François & tous leurs Souverains
S'uniroient vainement pour l'ôter de mes mains.
Tu peux partir.

Cette coupe de Vers peint mieux que toute autre, la fierté & l'impatience d'Orosmane. Aussi l'Acteur jette-t-il toujours ces mots rapidement. Ce sont ces attentions qui donnent la vie au style. Voyez Stvle, Vers, Versification.

Références :

Thomas Corneille, Ariane, acte 3, scène 5 : la coupe après « que de mépris » (après ce que Voltaire appelle « le second pied », «  fait un effet charmant sur l'oreille & sur l« cœur ».

Racine, Britannicus, acte 4, scène 2, vers 1164-1166 : la coupe après la troisième syllabe montre l’indignation d’Agrippine contre Burrhus et Sénèque.

Voltaire, Zaïre, acte 1, scène 4, vers 281-285 :la coupure du vers montre l’impatience d’Orosmane.

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