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Jeu de théâtre

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Jeu de théâtre.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 116-117 :

JEU DE THÉÂTRE. Les Jeux de Théâtre contribuent beaucoup à la vérité & à l'agrément de la Représentation. Plus ils ont de liaison avec l'action de la Pièce, plus ils sont parfaits. Mais cela n'est pas absolument essentiel. Il suffit qu'ils n'y soient pas contraires, & qu'ils soient vraisemblables, Pendant qu'Albert s'entretient avec Eraste (Folies Amoureuses , Acte 2e. Scène 4e.) Crispin fait diverses tentatives pour s'introduire dans la maison du Jaloux. Ne pouvant y réussir, il s'en dédommage en fouillant dans la poche du Tuteur d'Agathe. Ces deux incidens sont inutiles à la marche de l'intrigue de la Comédie; mais ils n'y nuisent point. De plus, ils excitent la gaieté sans blesser la vraisemblance. Il est très-naturel que, soit par le désir de servir Eraste, soit par le plaisir d'impatienter Albert, soit enfin par simple curiosité , Crispin cherche le moyen d'avoir une conversation avec Agathe, ou du moins avec la Suivante de cette Belle. Lorsque Albert, pour empêcher ce Valet d'exécuter son dessein, l'arrête de façon qu'il ne peut échapper, il n'est pas non plus extraordinaire que Crispin, tant pour se venger du Jaloux, que pour l'obliger de le laisser libre, s'amuse à recorder les leçons qu'il a reçues, en faisant la guerre avec les Miquelets1.

Les Jeux de Théâtre, qui contribuent à la vérité de la Représentation, & ceux qui servent seulement à la rendre plus agréable, peuvent s'exécuter par une seule personne, ou ils dépendent du concours de plusieurs Acteurs. Dans ce dernier cas , la vraisemblance exige que les dégrés de leur expression soient proportionnés au degré d'intérêt que leurs Personnages prennent à l'action qui se passe sur la Scène. Dans les images que nous offre le Spectacle, de même que dans les tableaux, la figure principale doit avoir toujours sur les autres l'avantage de fixer principalement les regards. Il n'est pas moins essentiel dans les Jeux dont il s'agit, que les attitudes & les gestes des divers Acteurs contrastent ensemble le plus qu'il est possible. Tout au Théâtre doit être varié. Nous y portons le goût pour la diversité à un tel point, que nous voulons non seulement que les Acteurs diffèrent entr'eux, mais encore que chaque jour ils différent d'eux-mêmes, du moins à certains égards.

L'envie de multiplier les Jeux de Théâtre, fait souvent que la Comédie dégénère en Farce. Dans l'Avare de Molière, il est très-naturel qu'Harpagon, voyant deux bougies allumées, en éteigne une ; mais il n'est gueres vraisemblable qu'il la mette dans sa poche, & encore moins que Me Jacques la lui rallume. Quelquefois les Jeux de Théâtre sont poussés si loin, qu'ils étouffent l'action principale, & empêchent le Spectateur d'entendre le Dialogue. C'est un défaut qui n'est supportable, que quand le Spectateur n'a rien à en tendre de bon.

Références :

Molière, l’Avare, acte 5, scène 5 (« Harpagon voyant deux chandelles allumées, en souffle une ») : la scène des bougies (ou des chandelles) devient peu vraisemblable par exagération. Elle ne figure pas dans l'édition originale, mais dans l’édition posthume de 1682 sous forme d’un « jeu de théâtre », nous dirions plutôt un « jeu de scène ». L’exemple est repris dans l’article Ridicule.

Jean-François Regnard, les Folies amoureuses (1704) :les jeux de scène de Crispin, jugés naturels, même si certains ne jouent aucun rôle dans la marche de l’intrigue.

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