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Adam Montauciel, ou à qui la Gloire

Adam Montauciel, ou À qui la Gloire, à propos en un acte et en vaudevilles, par MM. Désaugiers, Gersain et de Rougemont, représenté pour la première fois au Théâtre du Vaudeville le 10 avril 1809. A Paris, chez Fages, 1809.

Titre :

Adam Montauciel, ou À qui la gloire ?

Genre

vaudeville (à-propos)

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

10 avril 1809

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Désaugiers, Gersain et de Rougemont

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1809 :

Adam-Montauciel, ou à qui la gloire ? à propos en un acte, et en vaudevilles, Par MM. Gersin, de Rougemont et Désaugiers ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 10 Avril 1809.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome II, p. 400-401 :

[La pièce, qui se passe dans un théâtre dont le directeur ne sait quoi représenter (il hésite d’abord sur le genre, choisit « le grand opéra », mais doit décider entre deux personnages, qui font allusion à des pièces contemporaines, Abel et la Mort d’Adam. Une fois choisi le deuxième, il faut distribuer les rôles, et c’est l’occasion de nouvelles plaisanteries sur les opéras et sur les interprètes. Le compte rendu ne dit rien sur la qualité de la pièce. Il cite seulement un couplet qui a été répété à la demande du public. Pour finir, il donne le nom des auteurs, sans commentaire.]

Adam Montauciel, ou à qui la gloire ;à propos, joué le lundi 10 avril.

Un directeur de spectacle veut piquer la curiosité publique par l'annonce d'une pièce nouvelle. Il reste longtemps en balance entre une tragédie, un mélodrame, une comédie et un grand opéra ; après diverses plaisanteries sur ces sortes de productions, il se décide pour le grand opéra, et cherche dans son magasin des. ouvrages tragi-lyriques qui aient le mérite de l'originalité. Ouvrez-nous pour l'amour de Dieu ! lui crient alors, du fond de ses armoires, deux personnages dont il ne reconnoft pas la voix. Il ouvre ; d'un côté sort Adam ; de l'autre, s'avança l'innocent Abel. Ils sont l'un et l'autre affublés d'une camisole ; celle d'Adam est chargée de notes de plain-chant, celle d'Abel représente une partition d'opéra ; ces deux personnages burlesques se disputent la préséance; l'avantage reste au patriarche ; c'est donc la Mort d’Adam qu'on va représenter.

Le directeur s'occupe de mettre l'ouvrage en scène ; la distribution des rôles donne lieu à la critique de l'opéra nouveau ; un entrepreneur de succès, M. Clic-Clac, qui a perdu l'œil droit à la première représentation de l'illustre Aveugle, et la jambe gauche à la Bataille de Pultawa, vient offrir ses services au directeur. Il vante les avantages de sa tactique, et offre de mettre en œuvre ses travailleurs. Mais Adam tombe en foiblesse ; un médecin lui ordonne quelques aunes de nuages, des anges, un firmament, en un mot tout ce qui a fait dire de l'opéra : il a réussi grace au ciel. Le machiniste arrive et administre ces corroboratifs au moribond. Adam se ranime, monte dans la gloire en dépit d'Abel, et passe du haut de ses nuages dans la partie de la salle, qu'on nomme le paradis.

Cette plaisanterie termine la pièce. Entre autres couplets, on a fait répéter celui-ci que chante M. Clic-Clac.

Air : Une Fille est un oiseau.

Une pièce est un enfant
Dont les premiers pas chancellent,
Et de notre amour appellent
L'appui toujours renaissant.
Les billets sont les lisières,
Dont les secours salutaires
Ont aux chutes meurtrières
Su d'abord les dérober;
Par degrés l'enfant s'avance,
Et seul enfin il s'élance,
Quand il ne peut plus tomber.

Les auteurs, qu'on a demandés et nommés, sont MM. DÉSAUGIERS, GERSIN et ROUGEMONT.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VI, juin 1809, p. 282-286 :

[Plutôt que de faire une parodie de la Mort d’Adam, c’est à propos du bruit fait autour de cette pièce et de la rivalité entre cet opéra et la Mort d’Abel que les parodistes ont construit leur « à-propos ». Le début de l’article se trompe un peu sur le sens de l'œuvre parodique, mais c’est sans grande importance, puisqu’il décrit ensuite le déroulement d’une pièce à la fois gaie et pleine d’esprit. Ce qu’il montre, c’est la rivalité grotesque d’Adam et d’Abel pour savoir qui a la préséance, lorsque le directeur d’un théâtre de province bien embarrassé pour choisir son futur spectacle fit sortir de l’armoire où ils végètent les deux personnages. Adam réussit à se débarrasser de son fils en l’enfermant à nouveau dans une armoire, mais manque de tomber en pâmoison en voyant toutes les restrictions financières que le directeur veut imposer à la nouvelle pièce. Il est sauvé par le médecin de la troupe et obtient une gloire (une machine de théâtre destinée à faire monter un acteur dans les cintres), ce qui lui permet de faire un magnifique calembourg : il est monté le premier au paradis, mais en prenant ce mot dans le sens qu’il a au théâtre. La pièce s’achève par de jolis couplets, c’est un succès, et les auteurs ont été demandés. Inutile de demander un examen sévère d’une telle pièce, qui aurait pu être lieux construite, et faire un usage plus modéré des calembours. La caricature de l’apothéose d’Adam est peut-être aussi indigne d’un théâtre comme le Vaudeville. Mais l’essentiel est que le public ait ri d’une pièce originale, avec des costumes bien adaptés (mieux que ceux d’une autre parodie). Le critique a apprécié une scène montrant en action un entrepreneur en cabales sachant faire réussir les pièces qui ne le méritent pas. Dommage toutefois qu’il n’y ait pas dans la pièce un petit mot d’hommage pour els auteurs de l’opéra, « du moins par égard pour leurs bons ouvrages » (perfidie subtile !). La pièce aurait gagné à comporter « un pareil compliment de plus et quelques calembourgs de moins ».]

Théâtre du Vaudeville.

A qui la gloire? à-propos en un actesur la Mort d'Adam.

Une gaîté franche, poussée quelquefois jusqu'à la folie, beaucoup d'esprit et non moins de malignité ont fait le succès de ce petit ouvrage que bien des gens, malgré son titre, pourront trouver hors de propos, mais qui n'en est pas moins un à-propos très-heureux pour le Vaudeville. Les auteurs avaient un double but : rire aux dépens de l'opéra nouveau et se moquer de l'importance qu'on a mise à l'invention de l'apothéose qui le termine. Voici comment ils y sont parvenus.

Le directeur du spectacle de Falaise ne sait comment réveiller le goût du public ; l'ancien répertoire est usé; le nouveau ne promet guères ; cependant il y a recours. Il ouvre d'abord le carton des Mélodrames ; ce mot lui sourit ; il craint seulement qu'il n'y ait trop de frais à faire. La première pièce sur laquelle il met la main demande une princesse, un proscrit, des brigands, des esprits, un fleuve, une forteresse.... C'est beaucoup trop pour la caisse du pauvre directeur ; il passe à un second mélodrame, et trouve qu'il y faut encore une forteresse, un fleuve, un proscrit, des brigands, des esprits et une princesse ; tous ces ingrédiens entrent également dans la composition du troisième et du quatrième... C'est toujours la même chose ! s’écrie-t-il enfin, et il ouvre le carton de la bonne comédie. Celui-là se trouve vide. Il passe à l'opéra-comique et n'y lit que ce renvoi : Voyez au mélodrame ! Trait mordant que le théâtre Faydeau doit sans doute à son opéra des Deux Roses.

Dans une telle extrémité, le directeur a recours â une ressource désespérée ; il avise deux vieilles armoires portant pour étiquette : Anciens opéras nouveaux reçus depuis trente ans. A cette vue il prend courage, il entonne une invocation ; bientôt il entend du bruit dans les armoires ; deux voix répètent un air très-connu, dont le refrain contient ces humbles paroles : Ouvrez-moi la porte, pour l'amour de Dieu ! Le directeur ouvre, et l'on voit paraître deux personnages grotesques représentant les opéra d'Adam et d'Abel ; ils portent des robes-de-chambre couvertes de notes de musique, et sont affublés chacun d'un bonnet de nuit. Adam est reconnaissable à sa longue barbe blanche ; Abel à son air de fraîcheur. D'abord ils sa plaignent ensemble de ce qu'on les a fait dormir si long-temps. — Eh! mon Dieu, dit le directeur, vous pourrez bien nous le rendre ! Puis il veut savoir ce qu'ils apportent : tous deux veulent parler à la fois, et c'est alors que la querelle commence. Abel prétend avoir le pas sur son père; Adam ne veut pas le céder. Je suis né le premier, dit le père. — Je suis mort le premier , dit le fils. — J'ai ancienneté dans ce monde. — J'ai la priorité dans l'autre. Que pouvait répondre le directeur à de si bonnes raisons ? Rien sans doute, et la querelle durerait encore si Adam n'eût pris le parti d'user de son autorité et de renfermer une seconde fois le cher Abel dans son armoire.

Resté maître du champ de bataille, Adam expose au directeur ses moyens et ses prétentions : on sent que cette scène est une critique très-maligne de la pièce. Parmi les acteurs nécessaires pour la jouer, Adam désigne Caïn et Selime qui se présentent en effet bientôt après. Le directeur entre en marché avec eux, et se récrie sur la cherté du salaire qu'ils demandent. Caïn et Selime font valoir la difficulté qu'ils auront à jouer des rôles aussi ingrats. Le directeur n'en disconvient pas, mais il s'apperçoit que la pièce peut fort bien se passer de ces deux rôles, et se décide à les supprimer. Une fois en train de faire des coupures, il arrache la moitié des feuillets de l'opéra. Adam, qui était sorti pour se promener, arrive pendant cette opération cruelle ; il se voit au moment de périr d'inanition et s'évanouit dans une chaise. C'en était fait du père des hommes sans l'heureuse intervention du médecin de la troupe. A la prière du directeur, il prend la plume pour écrire une recette qui n'a jamais, dit-il, manqué son effet, et il écrit : Quinze cassolettes d'encens, quatre cents aunes de nuages, soixante chérubins dansant, etc. A chaque mot Adam reprend des forces, il ouvre les yeux, se lève, et l'ordonnance écrite il se jette dans les bras du docteur. Le machiniste arrive : Tu me sauveras donc ! lui dit Adam. Ah ! répond-il, j'en ai sauvé bien d'autres. En effet, le machiniste jette un coup-d'œil sur l'ordonnance, et voit que c'est tout simplement d'une gloire qu'il s’agit. J'en ai une toute prête, ajoute-t-il, et aussi-tôt il la fait descendre...... Adam est au comble de la joie. Mais Abel , qui a tout entendu de son armoire, n'y peut plus tenir ; il brise la porte et vient réclamer sa gloire. Le désespoir lui donne des forces; à son tour il repousse son père dans son ancienne prison; il crie, il menace, il tempête ; et sa colère le perd de nouveau. Favorisé par le docteur, Adam se glisse hors de l'armoire, va s'asseoir sur l'escarpolette de nuages et monte furtivement au ciel, pendant qu'Abel gourmande le directeur. Qu'on juge de sa fureur en voyant sa gloire disparue ! je suis joué, dit-il avec rage. Eh bien ! vous ne le serez pas, répond le directeur très-froidement. Abel s'emporte de plus belle ; mais une voix qui semble partir des combles de la salle l’appelle par son nom : Abel, mon fils ! lui dit Adam, je te l'avais bien dit que je serais au paradis avant toi; et si ce calembourg n’a pas eu un grand succès, du moins n’a-t il pas nui à celui de l'ouvrage qui se termine par de très jolis couplets. On a demandé les auteurs avec empressement : ce sont MM. Gersin, Rougemont et Desaugiers.

Il ne faut pas soumettre cette Folie à un examen trop sévère Sans doute on aurait pu en mieux lier toutes les parties ; on pourrait encore en retrancher quelques calembourgs. L'apparition d'Adam au paradis de la salle est peut-être moins digne du théâtre du Vaudeville que de celui des Variétés. Mais le sel est répandu à pleines mains dans ce petit ouvrage ; le public y rit d'un bout à l'autre ; peut-on exiger davantage d'un simple à-propos ? L'idée en est fort originale, les costumes plus véritablement comiques que ceux du valet-de-Carreau ; et rien n'est si plaisant qu'un épisode dont nous n'avons pas rendu compte, pour ne point interrompre le fil de l'action, mais que nous devons rappeller ici. Depuis quelque temps on a beaucoup parlé de ces entrepreneurs de succès dramatiques, qui , à la tête d'une nombreuse cabale, font réussir, moyennant une rétribution honnête, les ouvrages les plus dignes d'être oubliés. Les auteurs du vaudeville nouveau ont mis en scène un de ces personnages, intrépide champion, qui pour avoir perdu) un œil à la défense de l'Illustre Aveugle et une jambe à la bataille de Pultawa, ne s’est pas dégoûté des fonctions de tyran du parterre. Il se présente au directeur de Falaise, à la tête de ses hoquetons, et les conditions qu'il met à la réussite de tel ou tel genre de pièces, donnent lieu â des mots très-spirituels et très-piquans. Cette scène a été vivement applaudie et le méritait, quoique la satyre n'y soit pas sans amertume. C'est peut-être là le défaut de l'ouvrage en général. On a pu en juger par quelques-uns des traits que nous citons; et nous avons regretté que les auteurs n'aient pas adressé, selon l'usage , quelques complimens d'indemnité à MM. Guillard et Lesueur, sinon comme auteurs de la Mort d'Adam, du moins par égard pour leurs bons ouvrages. Les couplets d« ce genre sont toujours bien accueillis du public ; ils n'ont jamais nui à la gaîté d'une parodie et ils donnent aux auteurs l'air de l'impartialité. Il nous semble qu'un pareil compliment de plus et quelques calembourgs de moins ne pourraient faire que du bien à la pièce nouvelle, qui a d'ailleurs tout ce qu'il faut pour tenir long-temps en gaîté les joyeux amis du vaudeville.

Gustave Chouquet, Histoire de la Musique dramatique en France (Paris, 1873), p. 384, fait de la pièce de Désaugiers, Gersain et de Rougement une parodie de la rivalité entre les auteurs de deux opéras, Abel (Hoffmann et Kreutzer) et la Mort d’Adam (Guillard et Lesueur). Excellente idée !

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