Adélaïde et Mirval, comédie en trois actes, en vers, mêlée d'ariettes, de Joseph Patrat, musique de Trial fils, représentée pour la première fois au Théâtre Italien le 6 juin 1791.
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Titre :
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Adélaïde et Mirval
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Genre
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comédie mêlée d’ariettes
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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ariettes
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Date de création :
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6 juin 1791
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Théâtre :
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Théâtre Italien
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Auteur(s) des paroles :
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M. Patrat
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Compositeur(s) :
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M. Trial fils
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Mercure universel, tome 4, n° 99 du mardi 7 juin 1791, p. 111-112 :
[Il est rare de trouver des comptes rendus aussi agressifs : celui-ci est précieux par le ton qu'il emploie envers une pièce qui n'est bien sûr pas un chef-d'œuvre, mais ce n'est pas non plus le signe d'une « dépravation du goût » dont le critique fait un fait indiscutable quand c'est simplement son point de vue élitiste.
Après avoir qualifié le succès de la pièce d'« affligeant » (les choix du public sont dont affligeants ?), le critique entreprend de résumer l'intrigue plutôt quelconque, pleine de clichés, d'une de ces histoires dont le théâtre du temps se nourrit, et nourrit son public. Il a la tâche facile de montrer que l'intrigue n'est pas originale (elle ne l'est pas), ni cohérente (elle ne l'est pas non plus). Ce n'est qu'à la fin que le critique ose enfin dire ce qu'il a sur le cœur : le succès de la pièce, pour lui, est l'effet de la claque que les amis des auteurs ont mis en place. Les auteurs n'ont pas voulu paraître malgré l'insistance du public (ou de leurs amis), mais comment savoir pourquoi. L'article s'achève par une consolation pour Patrat : ila déjà fait mieux, et le critique rappelle le titre d'une de ses pièces, un titre toutefois choisi sans doute de façon intentionnelle : le Complot inutile.]
Théatre Italien.
La première représentation d'Adélaïde et Mirval, comédie nouvelle en trois [actes] et en vers, mêlée d’ariettes, a eu hier à ce théâtre un succès affligeant. Rien ne prouve davantage la dépravation du goût que les applaudisse[mens] prodigués à ce qu’il désavoue.
Un pere tendre marie sa fille unique à un jeune François. (La scene est par-tout où l’on voudra, excepté en France). Il est déterminé à former cette union parla reconnoissance qu’il doit à ce jeune homme, qui lui a sauvé la vie, ainsi que l’honneur de sa famille dans la personne de sa fille attaquée dans une forêt par des voleurs. Ce motif est usé, et mille et une pièces attestent sa vétusté. Au milieu du bal qu’amene le mariage, on entend 1e bruit du canon, une armée attaque la ville, elle se rend, et l’ennemi s’est déjà emparé de tous les postes, avant que les jeunes mariés aient achevé leur contre-danse. (Il faut convenir qu'on ne sauroit emporter les villes plus lestement, ni mieux choisir son temps pour danser). Le fils du commandant arrive dans la salle de danse ; . . . il voit Adélaïde, il l’aime déjà ; . . . et comme il est officier François, l’auteur a cru devoir lui faire comparer Adélaïde à une fleur ; aussi lui dit-il en vers élégans :
» Vous verrez à mon ardeur,
» Si les François aiment les fleurs ».
Notez que ceci se passe en présence du pere et des parens.... Notre officier veut embrasser Adélaïde, lorsque Mirval son époux paroît.... Il s’étoit caché dans un cabinet voisin. Pourquoi s’étoit-il caché ? Le voici... Il est déserteur, l’armée Françoise s’est emparée de la ville, il craint d’être découvert... il l’est en effet... On l’arrête ; et malgré les prieres du pere et de l’épouse, le conseil de guerre s'assemble, il est condamné à la mort. Nous observerons en passant que le patient accuse son commandant de l'avoir forcé à déserter par un châtiment injuste, qu’on ne cherche point à éclairer cette accusation, et que, malgré la question préalable sur la peine de mort demandée et appuyée, le jugement final mis aux voix passe. et 1e coupable innocent amené au supplice par son confesseur, est sur le point d'avoir la tête cassée, lorsque le fils du commandant apporte la grâce de Mirval pour le dédommager d'avoir cherché à séduire son épouse.
Tel est le fond de cette inconcevable production, qui ne differe, selon nous, du Déserteur drame que par l'idée, heureuse, neuve et piquante d’avoir donné un confesseur au patient. Cette pièce pourroit passer pour une nouveauté, si l’on ne connoissoit déjà la pièce, que nous venons de citer, et le déserteur ballet pantomime, qu’on représente à l'académie royale de musique. Le premier acte une imitation du Franc-Breton, comédie en un acte, qu’on joue également au théâtre italien.
Nous passerons légérement sur des fadeurs de boudoir placées dans la bouche d’un jeune homme ardent qui .vient d'emporter une place ; en général, il regne dans l’ouvrage un ton de çhevalerie qui rappelle les anciens paladins. L’auteur a profité d’une application qui naissoit de son sujet : il fait dire au commandant, après la condamnation du déserteur, que bientôt peut être on s'occupera d’adoucir les peines criminelles ; le public a saisi avidement cet à propos.
La musique nous a paru légère et chantante, elle a par fois de la cou leur. Maintenant que nous avons donné une idée de l’ouvrage ; nous devons à la vérité, de dire aussi l’effet qu’il a produit. Tout a été applaudi avec enthousiasme, les plus petits détails ont excité des transports, et nous doutons qu’une production plus médiocre ait jamais obtenu un succès plus brillant. Qu’on est heu reux d'avoir des amis !
Les auteurs demandés avec acharnement, pendant près d’un quart d’heure, sont M. Patras, pour les paroles, et M. Trial fils, pour la musique. Ni l’un, ni l’autre, n'ont voulu paroître. . . . . quel dommage !
Nous devons au talent de M. Patras la justice de dire que nous n’avons point reconnu dans Adélaïde et Mirval, l’auteur du complot inutile, pièce très-délicatement faite, et qui a obtenu un succès mérité au théâtre de Monsieur, ainsi que d’autres ouvrages estimables.
Journal de la Cour et de la Ville, n° 42 du samedi 11 Juin 1791, p. 333-334 :
[Un petit incident dans une représentation, qui montre des tensions au sein du public, et aussi la prudence du duc d’Or.... (s’il s’agit du duc d’Orléans, le titulaire de ce titre est alors Louis Philippe Jospeh d’Orléans, le futur Philippe Egalité, le père de Louis Philippe).]
A la premiere représentation d'Adélaide & Mirval, donnée le 6 de ce mois aux Italiens : à l'instant où le beau-pere cherche à seduire le grenadier qui garde son gendre, arrêté comme déserteur, en lui offrant tout l'or qu'il avoit sur lui, le grenadier lui répond : tout l'or du monde ne sera jamais capable de séduire un grenadier français ! A ces mots un enorme coup de sifflet est parti d'un des coins de la salle. Grand tapage contre le siffleur : à la porte, à la porte, crient mille voix à-la-fois ! Dans cet instant, M. le duc d’Or... a paru dans sa baignoire ; apparemment il a pris pour lui ces cris répétés avec fureur, car il a disparu & ne s’estplus remontré.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 25 du samedi 18 juin 1791, p. 111-113 :
[Troisième pièce critiquée, après le Vendemie et Encore des Ménechmes. La pièce n’est pas originale (elle emprunte deux actes à une pièce de Mercier, le Déserteur), et elle n’est pas très bien construite, puisqu’on peut considérer l’acte I comme une pièce indépendante. Des détails agréables, quelques invraisemblances. La musique, d’un débutant, manque de personnalité : il faut qu’il travaille pour utiliser les ressources de son imagination. Curieusement, le résumé de l’intrigue figure après ces jugements, tout comme le nom de l’auteur, comme si le critique se résolvait finalement à le nommer.]
Nous avons à parler de trois Nouveautés, deux au Théatre de Monsieur, & une au Théatre Italien. [...]
La Piece du Théatre Italien, intitulée Adélaide & Mirval, est une imitation du Deserteur, Drame de M. Mercier, au moins pour les deux derniers Actes. Le premier, qui fait une Piece à lui seul, sans qu'on soit obligé d'y rien changer, offre des détails fort agréables, quoiqu'un peu communs. On a reproché à l'intrigue plusieurs invraisemblances. L'Ouvrage néanmoins a été fort applaudi. La musique est d'un jeune Compositeur, M. Trial le fils, dont on a voulu encourager les premiers efforts. On l'invite à travailler beaucoup, à se faire une maniere à lui, & à se livrer moins timidement à son imagination, toutes les fois qu'elle lui inspirera des idées nouvelles.
Nous ne dirons qu'un mot du sujet de ce Drame. C'est un jeune Soldat qui, ayant reçu de son Commandant un traitement injuste, a déserté en Allemagne. Il a sauvé la vie d'une jeune personne attaquée dans une forêt. Le pere reconnaissant l'accueille chez lui, & bientôt appercevant l'inclination mutuelle des deux jeunes gens, il se résout de les unir. Au moment où le mariage se fait, la ville est prise par une Armée Française. Mirval est reconnu, arrêté, condamné , il ne doit sa grace qu'aux démarches généreuses du fils du Commandant, jeune étourdi qui avait commencé par insulter sa femme.
Cette Piece est de M. Patrat.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 286 :
[L’Esprit des journaux reprend l’article du Journal de Paris, n° 158 du mardi 7 juin 1791, p. 636. La critique n’est pas si sévère : même si la pièce n’est pas originale, (même s’il a fallu finir sur un dénouement qui ne soit pas tragique), elle a eu du succès. La musique, due à « un jeune homme de 18 ans » a elle aussi été applaudie, mais « les défauts d'un talent de cet âge se corrigent par l'étude & la réflexion ».]
Le sujet d'Adélaïde & Mirval, comédie en trois actes, en vers, mêlée d'ariettes, donnée le 6 juin pour la première fois, est le même que celui du Déserteur. L'auteur semble avoir suivi de préférence le drame de M. Mercier, à l'exception du dénouement, qui ne pouvoit être tragique dans une comédie. Le fils du colonel, désespéré d'avoir été la cause de ce que le déserteur est découvert, vole à la tente du général, & revient apporter sa grâce. Ce qui augmente l'intérêt de la situation, c'est que ce déserteur a été marié le même jour à une jeune personne qu'il aime & dont il est aimé. Ce mariage remplit le premier acte, & pourroit former une petite piece à part: Il y a dans les deux autres des scènes touchantes.
La piece a eu du succès. On savoit que la musique étoit d'un jeune homme de 18 ans : on l'a applaudie ; les défauts d'un talent de cet âge se corrigent par l'étude & la réflexion. On a demandé les auteurs : un acteur est venu dire qu'ils étoient absens ; que celui des paroles étoit M. Patrat, & celui de la musique, M. Trial le fils. Le partere ayant long-tems insisté, M. Trial le pere a paru, & a dit que son fils n'avoit pas eu la force de venir témoigner combien il étoit sensible aux bontés dont on 1'honorait.
D’après la base César, le titre complet est Adélaïde et Mirval, ou la Vengeance paternelle. Elle a eu 15 représentations du 6 juin au 18 octobre 1792.
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