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Agathine, ou la Fille naturelle
Agathine ou la Fille naturelle, drame en cinq actes, en vers, de Lourdet-Santerre, 14 ventose an 3 [4 mars 1795].
Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois.
La pièce de Lourdet de Santerre, inconnue de la base César pourrait bien avoir été confondue avec la Fille naturelle de Dejaure père. Dans la liste des représentations de la pièce de Dejaure figure la date de création de la pièce de Lourdet de Santerre.
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Titre :
Agathine, ou la Fille naturelle
Genre
drame
Nombre d'actes :
5
Vers / prose ?
en vers
Musique :
non
Date de création :
14 ventôse an 3 [4 mars 1795]
Théâtre :
Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois
Auteur(s) des paroles :
Lourdet-Santerre
Almanach des Muses 1796.
Pièce qui n'eut qu'un foible succès ; action très compliquée, des détails agréables.
Réimpression de l'ancien moniteur, tome 22, Gazette nationale ou le Moniteur universel, Primidi 21 ventôse, l'an 3. (Mercredi 11 mars 1795, vieux style.), p. 642 :
[Assez belle exécution d’une pièce, dont l’intrigue s’est passée surtout avant que la pièce commence, dont le dialogue n’est pas comique et n’a « presque jamais de vérité », « des sentences rebattues » sur tous les bons sentiments. Pour finir, un appel à la conscience des « Comédiens Français : ils ont mieux à faire que jouer ce genre de production, et le critique leur rappelle la longue suite des grands auteurs qu’ils peuvent montrer pour l’éducation du goût du public. Ce serait profitable au public comme aux jeunes auteurs qui les prendraient pour modèles.]
THÉATRE DE LA RUE FEYDEAU.
Les Comédiens Français, réunis sur ce théâtre, viennent d'y donner une pièce nouvelle, en cinq actes et en vers ; elle s'appelle Agathine, ou la Fille naturelle.
Une jeune bâtarde, orpheline, a été confiée à un homme vertueux ; celui-ci l'a remise entre les mains d'une femme vertueuse qui l'a adoptée, l'a donnée pour sœur à sa propre fille ; en sorte qu'Agathine se croit la fille de madame Dupré, et que Rosette la croit sa sœur. Madame Dupré a eu des malheurs ; son mari, qui est aussi un homme vertueux, a essuyé une banqueroute ; son commerce a été ruiné ; il a disparu, et depuis dix ans sa femme n'en a point de nouvelles. L'ami qui a recueilli Agathine a donné un asile dans sa terre à madame Dupré et aux deux jeunes personnes. Cette honnête famille se trouve voisine de campagne avec un M. Doutremer, très honnête homme, qui a un jeune neveu amoureux et aimé de Rosette.
M. Doutremer possède de grands biens en Amérique ; ils sont dirigés par un économe qui est la probité même ; cet économe se trouve être Dupré. Il écrit à son propriétaire ; la lettre tombe sous les yeux de madame Dupré. On peut juger de sa joie ; brûlant de revoir son mari, elle songe à s'embarquer ; mais Dupré arrive lui-même aussitôt que sa lettre; le jeune neveu de Doutremer épouse Rosette; l'ami bienfaisant épouse Agathine ; madame Dupré a retrouvé son époux, et tout le monde est content. On voit qu'il n'y a guère dans cette pièce qu'un échafaudage de faits romanesques antérieurs à l'action même ; pour l'action, elle est nulle ; tout se passe en conversations fort honnêtes, mais qui n'ont rien de comique. Le dialogue n'a presque jamais de vérité ; des sentences rebattues sur la bienfaisance, la probité, l'amour, la vertu, reviennent à tout moment ; en un mot, la pièce fait plus d'honneur au cœur de l'auteur qu'à son talent dramatique.
Les Comédiens Français, qui sont chargés du dépôt de l'art de la comédie, qui ont des talents si propres à les conserver, ne devraient-ils pas faire un choix plus heureux dans les ouvrages qu'ils ont à représente ? ll dépend beaucoup d'eux de former le goût du public, de le diriger vers tel ou tel genre ; or, qui doute que le bon genre de la comédie ne soit celui de Molière, et de ceux qui de loin ont marché sur ses traces ? Pierre et Thomas Corneille, Regnard, Brueys, Autreau, Boursault, Hauteroche, Destouche, Dancourt, Legrand, Dufresny, Piron, Lesage, etc. N'est-ce pas là en général la bonne école ? Un grand nombre de pièces de ces auteurs seraient nouvelles pour le public qui fréquente actuellement nos spectacles : comme elles sont bonnes et plaisantes, il les aimerait, il s'y amuserait, il y profiterait ; nos auteurs actuels, nos jeunes talents, les prendraient pour modèles, en s'accommodant toutefois à notre temps et à nos mœurs ; on pourrait revoir quelquefois de vraies comédies.
Nous proposons avec défiance ces réflexions, qui peuvent avoir quelque justesse, et qui nous sont seulement inspirées par un grand amour de l'art de la comédie.
Mercure français, historique, politique et littéraire, tome XIV, n° 35 (25 Ventôse an 3, 15 mars 1795), p. 363-364 :
[Le Mercure français n’est pas convaincu non plus par la pièce de Lourdet-Santerre : « la composition de cette piece mérite peu d'éloges », « toutes les scenes semblent une suite d'évenemens passés, dont le spectateur n'a connaissance que par hasard, et sans aucun ordre ». Points positifs : « un dialogue vrai, naturel et dramatique », style simple, mais diffus, et interprétation remarquable.]
On a donné le 14 nivôse la premiere représentation d'Agathine ou la Fille naturelle, comédie en cinq actes, en vers, par le cit. Lourdel-Santerre.
Cette piece, annoncée depuis long-tems comme un ouvrage plein d’intérêt, n'a eu que très-peu de succès. Il est impossible de tracer ici la marche de cette comédie, parce que toutes les scenes semblent une suite d'évenemens passés, dont le spectateur n'a connaissance que par hasard, et sans aucun ordre. Le sujet n'y est traité que vers le quatrieme acte, et ce qui est extraordinaire, l'intérêt cesse précisément lorsque l'action commence. Pendant les trois premiers actes, des conversations diversifiées par l'inégalité d’âge et de caractere dans les personnages, produisent en apparence quelque mouvement, mais sans motif et sans résultat. L’intérêt indispensable de l'action est remplacé par l'intérêt des sentimens qu’éprouvent les interlocuteurs. Il en résulte, il est vrai, une émotion douce, mais elle n'est due qu'au rapport direct que ces sentimens ont avec les situations ordinaires de la vie. L'art dramatique veut d'autres effets. Il exige que l'émotion ait pour cause et pour aliment la curiosité, la crainte, la pitié, l'inquiétude, etc. C'est ce qui manque entierement à la Fille naturelle. L'auteur ne se souvient de son sujet qu'au quatrieme acte, mais il revient bientôt, par le vice radical du plan, aux conséquences des incidens qu'il a combinés dans les premiers actes.
Si la composition de cette piece mérite peu d'éloges, il serait injuste d'en refuser à quelques scenes d'un dialogue vrai, naturel et dramatique. Le style en est simple, mais diffus ; la versification facile, mais commune. On y distingue des détails d'une morale pure, exprimée sans pédantisme, et même avec sensibilité. Enfin, l'ouvrage en général annonce, sinon l’expérience de l'art dramatique, du moins celle de la société. Il est joué avec cette perfection brillante qui caractérise la citoyenne Contat et les citoyens Molé et Fleuri. Le public a applaudi particulierement à l'intelligence, à la grace et au naturel de la jeune citoyenne Mars.
Esprit des journaux français et étrangers, vingt-quatrième année, tome II, mars & avril 1795, ventose & germinal l'an 3 de la République Française, p. 280-283 :
[Jugement sévère pour cette pièce ! Après le résumé d’une intrigue plutôt compliquée, et faite de rebondissements en tout genre, la partie proprement critique commence par une démolition de la pièce : pas d’unité d’action (deux intérêts séparés, le rôle titre n’est pas celui qui l’emporte), des caractères qui « n'ont point de physionomie à eux », un plan mal conçu (on a voulu remplir cinq actes « d’une foule de scenes presque toutes prévues »). Conclusion : « c'est un drame.... & un drame manqué ». Et la critique s’élargit au genre même du drame, à qui on peut faire tous les reproches : « l'échafaudage continuel des sentimens héroïques ; les entrées & sorties fréquentes, non motivées ; les interruptions d'intérêt, pour prolonger une action qu'un mot pourroit dénouer. Dans les drames aucun personnage n'est à sa place ; aucun n'y dit ce qu'il doit dire, ce que tout le monde diroit en pareil cas ». Le genre est évidemment inférieur à la « bonne comédie [qui] est un tableau de la société », quand le drame est « un composé de tragique, de larmoyant, de comique déplacé & de situations romanesques ». Mais le critique n’est pas que négatif : ce drame n’est pas « sans mérite », « il est écrit facilement : il offre des détails pleins de sensibilité & de délicatesse », et son auteur a droit à des compliments, d’autant que le public a applaudi sa pièce.]
Agathine, ou la Fille naturelle, drame.
Les comédiens françois, qui depuis leur entrée à ce théatre y attirent une foule considérable, ont donné derniérement un ouvrage nouveau en cinq actes, en vers, intitulé Agathine ou la Fille naturelle.
Monrose a confié Agathine, jeune orpheline, fille naturelle de deux de ses intimes amis, aux soins de madame Dorville, qui l'a élevée avec Rosette, sa fille, en leur partageant également à tous deux le doux nom & les caresses de mere. Madame Dorville est femme de Dupré, qui s'est expatrié depuis dix ans, après avoir éprouvé des pertes dans son commerce. L'épouse de Dupré a changé de nom : elle doit toute son aisance aux présens de Monrose, qui veut même lui céder la terre qu'il lui a donnée pour asyle. Doutremer, voisin de madame Dorville, vient souvent la voir avec Méricourt, son neveu : ce jeune homne aime Rosette, il en est aimé : mais son oncle veut qu'il épouse Agathine. Cette orpheline, qui ignore sa naissance, est attachée à Monrose ; & la tendresse de Monrose pour elle s'est changée en amour. Tout cela fait des embarras qu'un nouvel incident vient accroître. Madame Dorville, qui n'a point reçu de nouvelles de son mari depuis dix ans, apprend, par une lettre adressée à son voisin Doutremer, que son cher Dupré est l'intendant des possessions de ce dernier au cap. Sans se faire connoître, elle forme le projet de partir avec sa fille dès le lendemain, pour aller rejoindre son époux. Elle ne peut emmener avec elle Agathine : Monrose mourra, s'il est séparé d'elle. Il faut donc apprendre à cette orpheline le secret de sa naissance : on juge de sa douleur !. Sur ces entrefaites, Dupré arrive lui-même chez Doutremer. Il a successivement des entrevues avec Méricourt, Rosette, Monrose, Agathine, & enfin avec sa femme. Monrose & Doutremer réparent à l'envi les torts de la fortune envers ces tendres époux. Méricourt épouse Rosette, & Monrose obtient la main d'Agathine.
Tel est le fonds romanesque de cet ouvrage, qui offre bien des défauts. D'abord il présente deux intérêts séparés, & dont l'un même l'emporte sur celui qui donne le titre à la piece. Madame Dupré est plus intéressante qu'Agathine, & c'est elle qu'on voit toujours sur le premier plan du tableau. En second lieu, plusieurs des caracteres de cet ouvrage n'ont point de physionomie à eux. Monrose est un homme sensible & d'une générosité prodigieuse, comme on en voit dans tous les drames. Méricourt est un jeune fou, brusque & malhonnête comme son oncle Doutremer. Pour ce dernier, c'est un insensé, brusque, grossier, qui se fâche, crie, injurie, sans savoir pourquoi, sans même en avoir le droit. Le plan de l'ouvrage est aussi mal conçu : l'action y est traînée longuement, pour enfler cinq grands actes d'une foule de scenes presque toutes prévues, & par conséquent sans couleur dramatique : en un mot, c'est un drame.... & un drame manqué. On sait que le défaut des drames en général, est l'échafaudage continuel des sentimens héroïques ; les entrées & sorties fréquentes, non motivées ; les interruptions d'intérêt, pour prolonger une action qu'un mot pourroit dénouer. Dans les drames aucun personnage n'est à sa place ; aucun n'y dit ce qu'il doit dire, ce que tout le monde diroit en pareil cas : aucun n'y pense avec cette simplicité, cette franchise qui caractérisent la comédie ; mais aussi c'est que la bonne comédie est un tableau de la société, & que les drames sont un composé de tragique, de larmoyant, de comique déplacé & de situations romanesques : voilà les drames !... Celui-ci n’est cependant pas sans mérite : ; la scene de la lettre, au troisieme acte, est neuve & très-intéressante : il annonce, en général, un homme exercé à écrire, dont l'ame est honnête, à qui il ne manque que l'habitude de bien concevoir un plan. Aussi le public, qui a souvent applaudi cette piece, en a-t-il demandé l'auteur : Florence est venu nommer Lourdet-Santerre, connu déjà en littérature par des productions estimables.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1795, volume 6 (novembre-décembre 1795), p. 283-284 :
[Nouvel article dans l’Esprit des journaux sur la pièce de Lourdet-Santerre, qu’il faut identifier sous ce titre incomplet, sans allusion au nom de l’auteur. Et article tout aussi sévère que le premier : certes, la pièce est morale, mais il y est impossible de s’y identifier à un personnage : « L'action est divisée en tant d'actions diverses & entre tant de personnages, que l'esprit ne sait à quoi s'attacher ». Le rappel du Fils naturel de Diderot n’est pas à l’avantage de la pièce nouvelle. La pièce traite d’un préjugé : ou il est vaincu, et il n’est plus un sujet de pièce, ou il subsiste, et il fallait centrer l’action sur sa dénonciation.]
La Fille naturelle.
Cette pièce n'a eu qu'un foible succès, malgré la réunion des talens qui ont concouru à son exécution. La saine morale qui est répandue dans cette pièce, en fait estimer l'auteur. Mais cette morale ne suffit pas pour faire estimer l'ouvrage. Un ouvrage dramatique a besoin d'intérêt, & l’intérêt manque à celui-ci. L'action est divisée en tant d'actions diverses & entre tant de personnages, que l'esprit ne sait à quoi s'attacher.
C'est une vérité trop méconnue, que la complication des intrigues ne leur donne pas d'intérêt quand elles en manquent, & affaiblit certainement celui qu'elles ont. Le poëte dramatique peut exciter la curiosité par des imbroglie ; mais il n'excite les passions, il ne donne des plaisirs intimes, á l'esprit, il ne profite à la raison que par des développemens heureux de sujets simples & bien choisis. La véritable richesse du poëte est celle qu'il fait naître du fonds de son sujet, & non celle qu'il emprunte loin de lui pour l'en environner ou l'en surcharger.
Les principes paraissent avoir peu occupé l'auteur d’Agatine. Nous ajouterons que les intrigues de sa pièce n'offrent rien de neuf ; que la naissance de la fille naturelle paroît y être étrangère. On se rappelé quel parti Diderot a su tirer dans son drame, d'ailleurs plein de fautes, de la naissance illégitime de Dormal ; quelles situations il a fait naître de cette circonstance, & comment il a élevé & échauffé l'ame de son fils naturel, en proportion de ce que sa naissance l’abaissoit aux yeux du préjugé. Si ce préjugé est aujourd'hui vaincu, il ne falloit plus en faire le sujet d'une pièce. S'il est encore à vaincre, il falloit, comme Diderot, diriger toutes les situations de la pièce vers cet objet important.
On rencontre dans Agatine un grand nombre de vers heureux ; & le dialogue amène de très-agréables détails.
Les noms des citoyennes Contat, Mezeray, & des cit. Molé & Fleury annoncent une exécution parfaite. Une jeune artiste, nouvellement employée sur la scène, & qui se nomme la cit. Mars, a développé dans le rôle d’une fille de 15 ans un germe de talent que le travail & l'expérience pourront rendre précieux.
(Journal de Paris.)
[César : la pièce ne paraît pas figurer dans la base. N'y figure aucune pièce de Lourdet-Santerre postérieure à 1782.]
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