Agricol[e] Viala, ou le Jeune héros de la Durance, fait historique et patriotique, acte en prose mêlé de chant, de Philipon [La Madelaine], musique de Louis Jadin, 13 messidor an 2 [1er juillet 1794].
Théâtre des Amis de la Patrie.
Le nom du jeune héros varie selon les sources, Agricole ou Agricol.
La pièce est parfois citée avec comme titre le Jeune Héros de la Durance ou Agricole Viala.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, « seconde année de la République » :
Agricole Viala, ou le Jeune héros de la Durance, fait historique et patriotique : acte en prose, mêlé de chant. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre des Amis de la Patrie, le 13 messidor, l'an second de la République. Parole du Citoyen Philipon, musique du Citoyen L. Jadin.
Liste des personnages :
Isidore, nouvel époux de Pétronille.
Roger, meûnier du voisinage.
Un aide-de-camp.
Deux espions.
Pauline, veuve de Maximin Viala, meûnière.
Agricol, son fils, agé de 13 ans.
Pétronille, sa nièce, épouse d'Isadore.
Filles et garçons de la noce.
La Scène est sur les bords de la Durance.
Avant le texte de la pièce, le décor est décrit de façon précise :
Le théâtre représente, sur la droite, un bois épais ; dans le fond, la Durance ; à gauche un moulin à eau, duquel dépend un grand bac, qui manœuvre à la manière du pays. Le bac est attaché par une chaîne de fer, à une grosse pierre placée sur le rivage, de manière qu'elle couvre un peu la partie antérieure du bateau.
La première réplique d'Agricol, seul en scène, montre bien le sujet de la pièce.
Nos gens tardent bien à revenir de la municipalité..... J'aurois pourtant été aussi aise que les autres, d'assister au mariage de ma cousine Pétronille. Je l'aime bien, ma cousine, d'abord parce que ma mère l'a élevée, comme si elle eût été ma sœur, et puis encore, parce qu'elle est bien attachée à ma mère..... à cette mère, si bonne, si tendre, que j'ai vue si affligée de me laisser seule ici !..... Mais notre moulin travaille pour nos frères d'armes, et j'ai envié à tout autre, le plaisir.... que dis-je ? le devoir de surveiller cette mouture importante... Peut-on avoir trop de soin de ceux qui défendent la République ?... Cependant, si les rebelles, qui cherchent à traverser la Durance, se présentoient pour la passer, que pourrois-je faire pour les en empêcher ? Quels seroient mes moyens ?....
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1794, tome 9,. p. 258-260 :
[La pièce est bien de son temps, puisqu’elle retrace une des « actions les plus glorieuses de notre révolution », l’anecdote de Viala tentant de racheter sa négligence (il a laissé les fédéralistes s’emparer d’un bac dont il avait la garde) : le jeune homme se jette à l’eau pour couper la corde qui sert à manoeuvrer le bac, il y parvient, mais meurt sous les coups de fusil. L’événement est placé dans le cadre familial : un mariage dans sa famille, la mort dans les bras de sa mère. La pièce a réussi, et le critique lui reconnaît intérêt et détails agréables, jusqu’au style qui est « pur & souvent poétique ». Les auteurs ont été cités, et la mise en scène est soignée (merci aux entrepreneurs de ce spectacle : « les costumes y sont vrais & les chœurs bien soignés »). Tout est bien !
THEATRE LYRIQUE DES AMIS DE LA PATRIE, ci-devant LOUVOIS.
Le jeune héros de la Durance, ou Agricole Viala, piece en un acte.
Par un effet de zele qui anime tous les gens-de-lettres à retracer sur la scene les époques & les actions les plus glorieuses de notre révolution, le trait héroïque du jeune Viala se répétoit naguere sur deux théatres, où il obtenoit un égal succès. Le héros de la Durance, ou Agricole Viala, tableau patriotique en un acte, en prose, mêlé de chant, a été joué aussi avec un succès complet sur ce théatre. L'action de celui-ci ne fournit pas autant de spectacle que l'autre piece sur le même sujet : c'est le même trait, mais présenté différemment. Ici la scene se passe de même sur les bords de la Durance, où l'on apperçoit un bac enchaîné du côté des patriotes. Il se fait un mariage dans la famille-de Viala, & c'est au moment où chacun se livre à la joie, à des rondes civiques, qu'un aide-de-camp vient avertir les patriotes que les fédéralistes s'apprêtent à passer la Durance. Il est question de laisser sur ses bords un seul citoyen, pour observer la marche des ennemis ; tout le monde veut l'honneur du choix ; c'est Agricole qui obtient la préférence. Tandis que cet enfant est seul, deux espions des traîtres viennent le trouver, déguisés en troubadours : l'un d'eux porte un tambourin, & s'offre pour jouer à la noce. Agricole lui demande s'il fait la ronde à la liberté : le traître la fait : Agricole la chante ; mais pendant qu'il est ainsi distrait, l'autre espion va limer la chaîne du bac, & le conduit à l'autre côté du fleuve. Le jeune Viala s'en apperçoit trop tard : il jette un cri ; le tambourin se sauve ; tous les patriotes accourent, s'arment en voyant les fédéralistes se précipiter dans le bac, & jurent de les exterminer tous & de les compter après. Cependant le jeune Agricole, honteux d'avoir été surpris, brûle de se venger : pour réparer sa faute, il se jette à la nage, & va couper la corde du bac, qui soudain s'éloigne avec les traîtres qu'il porte ; .mais on a tiré sur lui plusieurs coups de fusil, dont il est bleffé mortellement !.... Lui seul expire pour le salut de ses freres !.... On l'apporte mourant aux yeux de sa mere, de sa famille, de ses amis, qui tous benissent son trépas & chantent l'amour de la patrie, qui donne à l'enfance & à la foiblesse le courage & la force des héros.
Cet ouvrage est plein d'intérêt & de détails agréables ; le style en est pur & souvent poétique : en un mot, il remplit parfaitement son but, & mérite les applaudisssemens nombreux qu'il a reçus : il est de Philipon, auteur, au théatre du Vaudeville, avec Leger, du Dédit mal gardé. La musique de Jadin est remplie de chant & d'expression. Elle offre un très-beau chœur, un don charmant, une ronde & un tambourin faits pour être dans la bouche de tout le monde. On a demandé les auteurs : Jadin s'est seul présenté.
Cette piece est mise avec un soin qui fait honneur au zele des entrepreneurs de ce spectacle : les costumes y sont vrais & les chœurs bien soignés.
Journal des Théâtres, n° 1 du 3 frimaire an 3 [23novembre 1794], p. 8-9 :
[Voilà un compte rendu très différent de celui qu’on trouve par exemple dans l’Esprit des journaux, qu’on trouve ci-dessus. C’est qu’entre les deux Robespierre a été chassé du pouvoir et exécuté. Et le rédacteur du tout jeune Journal des théâtres a plus le souci de s’attaquer à l’action passée de l’Incorruptible que de rendre compte de la pièce qui vient d’être imprimée. Il s’attache donc à montrer que la pièce n’est qu’un élément de la propagande de Robespierre, qu’elle transforme en héros national un jeune galopin tué parce que son envie pressante a été mal interprétée par un soldat de l’armée révolutionnaire : plus de barque dont on coupe l’amarre, mais des gamins qui jouent au bord de la rivière. Et la fin de l’article montre comment fonctionne le cercle des intimes de Robespierre : l’oncle qui invente l’histoire de Viala devient un proche de Robespierre et devient membre du tribunal révolutionnaire à Orange, tandis que le garçon entre au Panthéon.]
PIÉCE IMPRIMÉE.
Agricole Viala, ou le Héros de la Durance fait historique et patriotique en un acte, et en prose, mêlée de chant, représenté pour la première fois sur le théâtre des amis de la Patrie le 13 Messidor l'an deuxième de la République. Parole du C : Philipon, musique de L. Jadin : Prix 25 sous à Paris chez Barba, libraire rue Git-le-Cœur, N° 15. et chez la Citoyenne Vente, au théâtre des amis de la Patrie.
L'assertion suivante tirée de la préface du septième numéro du discours décadaire de Poultier représentant du peuple rendra sans doute les autres plus circonspectes sur ses ouvrages de circonstance. Roperspierre [sic], dit à Poultier fait un héros du Jeune Viala ; il lui à fait décerner les honneurs du Panthéon, il a bâti sur cette enfant, un histoire que les théâtres ont embellie , que les poëtes ont chantée, que les communes ont célébrée ; et ceux qui habitent les rives de là Durance, ceux qui ont connu Viala, n'ont vu, dans ce qu'il a fait, qu'une espieglerie funeste pour lui et inutile à la République. Roberspierre [sic] a dit que Viala avait coupé la traille d'une barque, empêché, par ce coup hardi ; le passage des Marseillais et sauvé le midi. Tout cela est faux la traille n'a point été coupée ; les Marseillais sont entrer a Avignon et le midi est resté en proye à ces brigands jusqu'à l'arrivée des représentant envoyés par la Convention nationale. Voici le fait véritable.
Des enfans s'amusaient à grimper sur une des Trailles de la Durance : Viala plus agile que ses camarades, y parvint le premier ; là, pressé par un besoin violent, il veut le satisfaire. Une sentinelle des nôtres croit que Viala se met dans une posture indécente pour l'insulter, l'ajuste et le tue. L'oncle de Viala enfermé au Luxembourg, par décret de la convention, arrange dans sa prison une belle histoire sur ce ridicule canevas, envoye son roman à Roberspierre qui signe la sortie de l’oncle, sur le champ, l'admet dans son intimité, l'envoya fonder à Orange une colonie du Tribunal–Dumas, et met le neveu Viala au Panthéon;
Dans la base César, la pièce est attribuée à Philipon La Madelaine, musique de Louis Jadin. La liste des représentations contient 35 dates différentes (certaines annonces de représentation renvoyant pour la même date à deux théâtres différents, le Théâtre des Amis de la Patrie et le Théâtre Italien : la même pièce jouée le même soir dans deux théâtres ?). Les cinq dernières représentations, à partir du 9 octobre, ont lieu au Théâtre Feydeau. Ces cinq représentations pourraient bien appartenir à la pièce de Fillette-Loraux et Berton, Agricole Viala, ou le Héros de la Durance.
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