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Archambaud ou Amour et devoir

Archambaud ou Amour et devoir, mélodrame en trois actes, de Ferrière, musique de Quaisain et Lanusse, ballets de Millot, créé sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique le 24 avril 1813.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1813 :

Archambaud, ou Amour et devoir, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, Par M. Leblanc ; Musique de MM. Quaisain et Lanusse, Ballets de M. Millot. Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le Samedi 24 Avril 1813.

Leblanc, c'est Alexandre Leblanc de Ferrière.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 220 (quatrième année), 530 avril 1813, p. 137-139 :

[L'article commence par une tentative de réhabilitation du mélodrame : après Palmerin ou le Solitaire des Gaulesmélodrame de Pessey joué en février au Théâtre de l'Ambgu-Comique et qui « avait fait concevoir l'idée de pouvoir épurer le mélodrame », confirmation de cette espérance avec Archambaud ou Amour et devoir qui reprend le sujet d'une nouvelle de Baculard d'Arnaud. Une telle indulgence envers le mélodrame n'est pas si banale et mérite d'être soulignée. L'intrigue, résumée ensuite, est plutôt simple (pour un mélodrame !) : Archambaud, maire du palais de Clovis, aime une esclave, la belle Elfride, et lorsque Clovis tombe à son tour amoureux d'elle, il n'hésite pas à la céder à son souverain, en acceptant de révéler qu'elle est fille de roi, ce qui la rend digne d'épouser Clovis. Cette soumission à son devoir touche Clovis, qui décide de lui laisser épouser celle qu'il aime et qui l'aime. Le jugement porté ensuite souligne les qualités de la pièce : «  beaucoup d'intérêt, de belles scènes, et, ce qui ne nuit pas, un pompeux spectacle », à quoi s'ajoute une interprétation. L'auteur a été nommé, mais il « a cru devoir se cacher modestement sous le nom de M. Leblanc.]

THÉATRE DE L'AMBIGU-COMIQUE.

Première représentation d'Archambaud, ou Amour et Devoir, mélodrame en trois actes, de M. Leblanc, musique de MM. Quaisin et Lannusse, ballet de M. Millot,

Palmerin avait fait concevoir l'idée de pouvoir épurer le mélodrame : Archambaud vient de prouver que cette espérance était fondée. Ces deux ouvrages sont exempts de mauvais goût, et cependant ils ont su plaire à la multitude comme aux gens. difficiles. Au risque d'être blâmé par les admirateurs de Palmerin, je dirai qu'Archambaud me plait davantage ; le genre en est moins sombre, et le sujet plus touchant et plus noble. Baculard d'Arnaud l'avait déjà traité dans une de ses Nouvelles.

Archambaud, maire du palais, jouit, sous Clovis, de la plus haute faveur ; le trésor et le commandement des armées, les honneurs et les emplois, tout est dans ses mains. Tant d'autorité a dû nécessairement lui attirer de nombreux ennemis ; on est jaloux du poste éminent où la fortune l'a placé, et les courtisans cherchent à le perdre dans l'esprit du monarque. Clovis, bien sûr de la fidélité d'Archambaud, veut faire taire l'envie, et procurer à son ami le plus nobie triomphe.

Archambaud aime en secret la belle Elfride, son esclave ; il vient de l'affranchir, et, cédant à l'amour qu'il éprouve pour elle, il est sur le point de lui offrir sa main, lorsque Clovis arrive chez son ministre, voit Alfride, en devient éperdument amoureux, et consulte Archambaud sur le projet qu'il forme d'en faire son épouse. Archambaud a donc son roi pour rival, et ce rival, qui a le droit de commander, va lui ravir tout ce qu'il aime !... Mais la famille d'Elfride est ignorée ; il est permis de croire que sa naissance l'éloignera du trône ; Archambaud est dépositaire des titres qui doivent la faire connaître..... Il brise le cachet.... Elfride est fille d'Ermenfred, roi des Anglo-Saxons de Kent, et Clovis, sans s'abaisser, peut lui offrir sa main ; mais Archambaud seul connait le mystère, il peut anéantir les preuves, et replonger Elfride dans la classe la plus obscure.... Il fait mieux, il déclare. à Clovis qu'Elfride est digne de lui. Clovis ordonne que les ornemens royaux soient présentés à Elfride, et c'est encore Archambaud qu'il charge de ce soin.... La situation est cruelle ! mais le devoir l'emporte; il place la couronne sur la tête d'Elfride, et c'est en ce moment qu'il apprend qu'il était payé de retour, qu'il était aimé. Son bonheur est à jamais détruit, sa félicité future est évanouie ; l'amour a cédé au devoir ; mais c'est à son souverain qu'Archambaud fait ce sacrifice : il veut qu'Elfride cache ses pleurs, et que désormais, occupée du bonheur de ses peuples, la Neustrie s'applaudisse de l'avoir pour reine ; c'est là son dernier vœu, c'est tout ce qu'il exige d'Elfride. Clovis, témoin de tant de courage, fait cesser cette cruelle épreuve ; il unit Elfride à Archambaud, et le proclame hautement le sujet le plus dévoué, le serviteur le plus fidele.

Cet ouvrage a obtenu un succès brillant et mérité : on trouve beaucoup d'intérêt, de belles scènes, et, ce qui ne nuit pas, un pompeux spectacle. La pièce a été très-bien jouée, surtout par Fresnoy, Grevin, Miles. Leroy et Adèle Dupuis. L'auteur est, dit-on, un littérateur connu, qui a cru devoir se cacher modestement sous le nom de M. Leblanc.

Journal de Lyon, quatrième année, n° 71 du mardi 15 juin 1813, p. 1-2 :

Dans le même article, le compte rendu de trois pièces, une nouveauté que le critique noie sous une érudition sans faille qui lui évite de trop parler de la pièce, dont le lecteur retiendra surtout la qualité de l'interprétation. Puis deux pièces déjà connues, les Aveugles mendians de Léger (datant de 1802), et les Femmes infidelles présenté explicitement comme une reprise. Le Théâtre des Célestins a été rénové, il a accueilli la grande Mademoiselle Duchesnois, et le critique n'a pas raté une seule de ses prestations, dont il est fort satisfait.]

Théatre des Célestins.

Première representation d'Archambaud, ou Amour et Devoir, MelodrameLes Aveugles mendians. – Les Femmes infidelles.

Ce pauvre Baculard d'Arnaud, a été pendant sa vie et est encore après sa mort, l'objet de critiques amères et quelquefois injustes ; on s'est moqué de ses lamentables Drames, et de cette manie de sensibilité dont il a empreint presque tous ses ouvrages. Né avec une imagination ardente et sombre, il s'est jeté à corps perdu dans le dédale obscur et romanesque qui convenait à son genre d'esprit ; semblable à Crebillon, il a cru devoir prendre l'Enfer pour son partage, puisque Racine avait pris le Ciel.

Il me souvient de l'Epigramme que Piron lui adressa, lorsqu'il fit paraître sa traduction des Lamentations de Jeremie.

Savez-vous pourquoi Jérémie
Se lamenta toute sa vie ?
Las! c'est qu'un jour il prévoyait
Que Baculard le traduirait.

Piron ne manquait jamais de s'égayer aux dépens des ennemis de la gaité française; et je suis bien sûr que ce qu'il préférait dans les Œuvres de d'Arnaud, c'est la jolie Epitre à l'un des charmes de Manon ; la décence me défend d'en dire le titre ; mais cette pièce est digne de Piron lui-même.

Cependant, d'Arnaud avait véritablement du talent et quelque connaissance du cœur humain. Ses Drames, qu'on voit rarement au Théâtre, d'où. le bon goût les a bannis, se font lire avec intérêt ; il y a de beaux vers et de belles situations dans Fayel, Euphemie, et le Comte de Comminges. Dans ma jeunesse, j'aimais beaucoup les productions de cet auteur ; on ne peut nier que la lecture des Délassemens d'un homme sensible, des Epreuves du sentiment, ne soit attachante pour ceux qui aiment à s'attendrir ; et les jeunes gens recherchent les émotions fortes, n'importe à quel prix ; la raison, c'est que leur goût n'est pas encore formé.

C'est dans les Epreuves du sentiment que l'auteur d'Archambaud a pris le sujet de son Mélodrame. Une aventure vraie ou fausse, arrivée à la cour de Clovis Il a fourni au Romancier une des plus agréables nouvelles de son recueil, lequel a donné idée à l'Auteur dramatique, de nous faire admirer sur la scène l'héroisme de ce Maire du palais, de cet Archambaud qui eut le noble courage de sacrifier à son Roi son amour et la maîtresse dont il était tendrement aimé.

Aujourd'hui, on vante les hommes d'autrefois ; et personne n'aurait la force de les imiter, sur-tout dans une pareille circonstance ; nous avons fait un grand pas en morale, et la maxime de Barthe as prévalu :

Je le crois mon ami, sa franchise intéresse ;
Mais amicalement, soufflons-lui sa maitresse.

Archambaud est un ouvrage qu'on reverra avec plaisir; il a obtenu un succès d'estime. Il n'y a que le Caissier qui n'estime pas ces succès-là.

Hippolyte a mis de la chaleur et de la sensibilité dans le rôle difficile d'Archambaud. Seulement, son débit était un peu lourd ; il ira mieux à la seconde représentation. Renaud a de la dignité dans Clovis ; Lancelin, un caractère vraiment français dans Aldabert ; et Mme. Roland, beaucoup de naturel et une curiosité extrêmement plaisante dans la vieille Plectrude. Mme. Camus a joué Elfride avec grâce et décence ; ce rôle convient à ses moyens. Mme. Saint-Amant était fort bien aussi; et je suis fâché qu'elle n'ait pas senti l'inconvenance qu'il y avait d'orner son front d'un Diadéme, et de se mettre comme une Princesse.

Le Vaudeville des Aveugles mendians, est une farce du genre le plus bas ; il ne faut donc pas s'étonner si le public est quelquefois tout honteux d'avoir ri d'un grand nombre de plaisanteries qui ne sont rien moins que comiques. Guérin a été naturel et gai dans Maitre Gonin. Les deux Aveugles ont été représentés par Emile et Notaire ; ils y sont d'une vérité épouvantable; et c'est bien là le cas de dire :

Il n'est point de serpent ni de monstre odieux,
Qui par l'art imité ne puisse plaire aux yeux.

La reprise des Femmes infidelles, avait attiré du monde, et a fait grand plaisir ; le public aime cet ouvrage, et moi aussi. Il a été joué généralement avec beaucoup d'ensemble. Armand est toujours très-plaisant dans le personnage de Rudolf; cet acteur est précieux pour les caricatures.

Mlle. Marigny a succédè à Mme. Maucassin, dans le rôle de la Comtesse de Toulouse ; c'est une bonne fortune pour le rôle et pour la pièce; Mlle. Marigny y est fort bien. Le petit Chaudier a joué Colinet avec une intelligence et un zèle, dont on doit lui savoir gré. C'est faire assez son éloge, que de dire qu'il a été applaudi en dépit du souvenir récent que la petite Maucassin a laissé dans ce rôle.

Je ne terminerai pus, sans demander pardon à mes chers Celestins, d'avoir pu les abandonner pendant quelques jours ; j'ai quitté la Maison des champs pour un superbe Palais ; et, bien qu'on ait dit :

Ni l'or, ni les grandeurs ne nous rendent heureux ;

Il était bien juste que Melpomène l'emportât sur Momus. Enfin, pour me servir d'une expression poetique, ma canne à pommeau d'or a vu la lumière des quinquets du Grand-Théâtre. Je n'ai pu manquer une seule représentation de Mlle. Duchesnois. Cette actrice célèbre a reçu le tribut de mon admiration ; les glaces de mon âge se sont fondues devant sa chaleur entraînante et inspiratrice ; je ne crois pas qu'il soit possible d'exprimer mieux la passion de l'amour, ses craintes, ses jalousies, sa fureur ; c'est là, que la nature est prise sur le fait ; j'ai pleuré, j'ai frémi; j'ai oublié mes soixante ans ; et, rempli des impressions profondes, que Mlle. Duchesnois fait à son gré sur l'ame des spectateurs, je me suis écrié avec Laharpe, après avoir entendu Phèdre, Hermione et Roxane :

J'ai retrouvé mon cœur dans les vers de Racine.

Grégoire Lefranc.          

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