Arlequin en Perse, parodie d'Artaxerce de Delrieu, de MM. Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoy ; 7 juin 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Arlequin en Perse
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Genre
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parodie d’Artaxerce
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Nombre d'actes :
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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7 juin 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoy
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Almanach des Muses 1809.
Magasin encyclopédique ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome III, p. 419 :
[Cette parodie n’en est pas une pour le critique : « au lieu de parodier la pièce, on a tiré directement et à vue sur les acteurs et l'auteur », mais le résumé de l'intrigue de cette pseudo-parodie n’est pas très éclairante pour nous, si ce n’est le gag final, qui « a fait assez rire »...]
Arlequin en Perse, parodie d'Artaxerce, jouée le 7 juin.
Au lieu de parodier la pièce, on a tiré directement et à vue sur les acteurs et l'auteur. Un vieux roi de Perse qui déteste les vers, a pourtant à sa cour un abbé Rantamplan, italien, qui veut faire un poète d'Arlequin son filleul. Arlequin répond à cela qu'il n'est qu'une bête ; ce qui ne devroit pas l'empêcher d'écrire : mais Rantamplan endort le roi de Perse d'un sommeil si léthargique, que l'on craint pour ses jours : il remet ensuite son manuscrit à Arlequin qui est pris pour l'auteur de la pièce et du sommeil du roi, et pendu en conséquence. On le décroche cependant à temps pour finir la pièce heureusement, après avoir démontré qu'il est trop bête pour être coupable. Au lieu de mademoiselle Arsène qui avoit commencé le rôle de Mandane, on voit arriver au dénouement mademoiselle Desmares. Cette allusion au départ de mademoiselle Georges, et à son remplacement par mademoiselle Bourgoing, a fait assez rire.
Les auteurs de cette parodie sont MM. Barré, Radet, Desfontaines et Dieu-Lafoi.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1808, p. 286-291 :
[Le compte rendu commence par analyser ce qu’est une parodie, et comment la réussir. Il faut savoir ménager l’auteur, surtout si la pièce parodiée a réussi. Celle d’Artaxerce mêle personnages de la pièce (ou presque, puisque Xercès, présent dans la parodie, n’est pas dans la tragédie) et auteurs de tragédies sur Artaxerce son fils. Rataplan, dont il faut comprendre qu’il représente Métastase (tous les spectateurs n’ont peut-être pas compris d’emblée), manque de subir le sort d’Artaban en buvant le poison, et il tombe en léthargie. Et c’est Arlequin qui reçoit le manuscrit de Rataplan-Métastase. L’article ne permet pas vraiment de comprendre l’intrigue, mais ce n’est pas essentiel : les reproches portent surtout sur la forme de la parodie. Les couplets sont trop loin des situations, et « le cadre qu'avaient choisi les auteurs prêtait peu à la gaieté » du fait de la difficulté à comprendre l’assimilation de Rataplan et Métastase. La pièce de Delrieu n’est pas suivie pas à pas, et ce sont les défauts de sa pièce qui sont mis en avant, mais « pas toujours avec assez de gaieté ». Or « une parodie n'est pas obligée d'être juste ; elle n'est obligée que d'être gaie », et celle-ci ne l’est pas assez.]
Arlequin en Perse, parodie d’Artaxerce.
Le parodiste d'une pièce qui réussit a de grands ménagemens à garder. Un petit compliment au commencement de la parodie à l'auteur qu'on va plaisanter, un petit compliment quand les plaisanteries sont finies, voilà qui est de droit et de règle. Le public applaudit les complimens et les plaisanteries, et tout le monde est content, excepté l'auteur de la tragédie qu'on a complimenté sur son succès et son mérite qu'il connaît bien, et qu'on a chansonné sur les défauts de sa pièce qu'il ne se soucie pas de connaître. Au reste, si celui-ci a été chansonné il doit se consoler, il l'a été en bonne compagnie, c'est-à-dire en nombreuse compagnie, il y a des couplets pour tout le monde. D'abord sur les avocats, les procureurs, les maris, éternels appuis de la gaieté du Vaudeville, puis sur les journalistes ,
Qui ne pensent bien franchement
Que les injures qu'ils se disent ;
Celui-là a été répété. Puis Mlle. Georges, représentée d'abord par Mlle. Arsenne, qui joue la première moitié du rôle de Mandane, que Mlle. Desmares vient achever comme sœur cadette de la princesse, en annonçant que
Du soleil la fille aînée
A la lune a fait un trou.
Cette seconde Mandane se couvre ensuite d'une robe d'avocat pour défendre son amant Arlequin,
Si je babille, babille,
Sans jugement, sans résultat,
Songez que je suis une fille
Sous la robe d'un avocat.
Son plaidoyer est pourtant extrêmement concis, elle ne répète autre chose que
Il a sauvé mon frère,
Il a sauvé mon frère,
Je n'sors pas d'là.
Cette scène, très-bien jouée par Mlle. Desmares, est fort gaie, ainsi que le nouveau travestissement de Mandane, qui revient ensuite en courrier de cabinet pour apporter les nouvelles de la révolte et des hauts faits d'Arlequin ; il vient de déchirer tout ce qu'il a trouvé sous sa main de vers, de prose, et il a gaspillé tant d'esprit, que d'un siècle au moins on n'en trouvera pas dans Suze ; service éminent à rendre aux rois de Perse, qui ne veulent pas absolument qu'on ait de l'esprit dans leurs états. Ils l'ont défendu depuis long-temps, d'après un oracle qui prédit qu'un ouvrage d'esprit fera perdre la tète à Xercès. C'est là-dessus que s'est fondée la conspiration d'une demi-douzaine d'auteurs, ayant à leur tète l'abbé Ratapan, auteur italien, qui, comme on le voit bien, représenta Métastase. Les autres conjurés sont les autres auteurs qui ont traité le sujet d'Artaxerce. Ratapan, armé d'un manuscrit, entre chez Xercès, à qui il lit sa pièce qui le fait tomber en léthargie. Il sort ; le manuscrit est ensuite trouvé entre les mains d'Arlequin, etc. Cependant Xercès reparaît à la fin et dit qu'il n'était pas tombé en léthargie, mais en extase des beautés de la pièce, et prédit qu'à Paris on en fera quelque jour une meilleure encore. Ce dénouement n'est pas très-piquant, et l'air j'aime mieux boire, qui dans l'ouverture de ce vaudeville parodie le dénouement d'Artaxerce, annonçait une idée plus gaie ; mais il était difficile de faire boire Ratapan puisque la coupe était empoisonnée dans la parodie comme dans la tragédie, et qu'il y aurait eu mort d'homme, ce qui ne s'est jamais vu, je crois, au Vaudeville. Les auteurs devraient bien se rappel1er que les poignards, le poison, l'opium, même la mort aux rats, qui tue comme autre chose, sont absolument hors de costume dans une parodie ; d'ailleurs le cadre qu'avaient choisi les auteurs prêtait peu à la gaieté. Ils auraient dû le sentir, car aucun des couplets piquans de leur vaudeville n'est tiré des situations qu'ils se sont données. C'est une idée trop allégorique que celle de ces six auteurs qui conspirent contre Xercès, et il faut un peu d'esprit pour deviner tout de suite que l'abbé italien Ratapan est Métastase, en sorte que le commencement est une espèce d'énigme qui, placée plus tard, aurait peut-être lassé la patience des spectateurs ; mais au commencement la bonne volonté est encore fraîche et entière, c'est-là le bonheur de la plupart des expositions. Les auteurs de ce vaudeville ont eu le mérite de ne pas s'assujettir à suivre scène par scène leur original, et de choisir simplement les situations et les idées qui leur paraissaient propres à être employées-d'une manière piquante ; mais ils auraient pu mieux choisir et peut-être mieux exécuter. Quelques-uns des défauts de la pièce parodiée sont relevés avec assez de raison, mais pas toujours avec assez de gaieté ; quelques autres le sont mal ou point du tout ; on serait même tenté de croire, et les auteurs parodiés ne seront pas fâchés qu'on le croie, que les beautés fournissent davantage au parodiste que les défauts ; car la scène du jugement, l'une des plus belles d'Artaxerce, est aussi la plus gaie de la parodie, tandis que les auteurs n'ont presque rien tiré de deux premiers actes défectueux. Rien de ce rôle équivoque du confident. Cléonime qui,
Suivant l'occasion,
Quelquefois honnête homme et quelquefois fripon.
laisse dans le doute le plus absolu sur les motifs qui le font agir contre Arbace. Dans la parodie Xercès paraît, et l'on pourrait croire que c'est une critique de ce rôle absent de Xercès qui remplit les deux premiers et est assassiné au troisième sans qu'on l'ait vu paraître sur la scène ; mais rien n'indique cette intention. On se contente de faire jouer Xercès à l'oie, ce qui amène quelques jeux de mots sur l’oie qui est l'oracle de Xercès, et à laquelle il attribue plusieurs vers de la tragédie d'Artaxerce, entre autres celui-ci sur Xercès qui, à Salamine,
Recule et de sa fuite étonne l'univers ;
Cette critique un peu rude, s'il est permis de le dire, ne pouvait d'ailleurs s'appliquer à ce vers, qui non-seulement n'a rien de repréhensible, mais offre même une belle expression.
Une parodie n'est pas obligée d'être juste ; elle n'est obligée que d'être gaie, et celle-ci ne l'est pas assez ; elle a cependant réussi sans obstacles. Les auteurs demandés et nommés sont MM. Barré, Radet, Desfontaines et Dieu-la-Foi, accoutumés à des succès plus brillans et à des conceptions plus heureuses. P.
Les quatre saisons du Parnasse, quatrième année, été 1808, p. 303 :
[Dans tout ce qui manque à la parodie, on peut lire un programme : « un fonds moins usé, plus de naturel dans le dialogue, plus de sel dans les couplets, des critiques plus fines et de meilleur ton ; enfin, un peu de cette gaieté qui fait les bons contes et les bonnes parodies ».]
ARLEQUIN EN PERSE, PARODIE D'ARTAXERCE.
Les auteurs de cette mauvaise parodie sont MM. Barré, Radet, Desfontaines et Dieulafoi. On ne dira pas cette fois-ci qu'ils ont de l'esprit comme quatre, puisqu'à peine ils en ont comme un. Que falloit-il à leur parodie pour être meilleure ? Un fonds moins usé, plus de naturel dans le dialogue, plus de sel dans les couplets, des critiques plus fines et de meilleur ton ; enfin, un peu de cette gaieté qui fait les bons contes et les bonnes parodies.
Un homme d'esprit, en lisant le titre Arlequin en Perse, si méchamment parodié d’Artaxerce, s'est rappelé cette commission de l'Académie qui, chargée d'une inscription pour la paix avec les Anglais, ne trouva que pax cum Britannis, et à laquelle le ministre répondit : Et cum spiriiu tuo.
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