Arlequin tout seul, pièce en un acte, par le C. Dupaty. 14 Frimaire an 7 [4 décembre 1798].
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Arlequin tout seul
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Genre
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comédie-monologue en vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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14 frimaire an 7 (4 décembre 1798)
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Dupaty
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Almanach des Muses 1800
Arlequin a parié avec Gilles cinquante écus qu'il resterait chez lui vingt-quatre heures sans aller voir Colombine, fille de Cassandre, restaurateur, dont il n'est séparé que par un mur mitoyen. Encore trois quarts-d'heure, et son pari est gagné. Comment tromper son ennui, instruire sa maîtresse des motifs de son absence ? D'abord il envoie copie de son traité avec Gilles dans une tourtière vide, qu'il renvoie à Cassandre par Gilles lui-même ; puis il s'entretient avec le portrait de sa maîtresse. Il entend que l'on agite la cloche d'un puits commun, il approche, voit l'image de sa maîtresse réfléchie par l'eau, et lui dit des douceurs. Bientôt il apperçoit une lettre suspendue à un fil, et s'en saisit. Cette lettre lui accuse la réception de la sienne, mais on le prévient que Gilles le dessert auprès de Cassandre. Il est prêt à franchir le mur, lorsqu'à l'aide d'une échelle double, il se trouve en quelque sorte présent à l'entretien. Il écrit soudain une nouvelle lettre à Colombine, il l'apperçoit dans sa mansarde, monte sur un perron, et lui fait signe qu'il a quelque chose à lui envoyer. On lui jette une corde ; il paraît incertain de l'usage qu'il en fera, le jeu d'une vielle le lui indique. Il fixe la corde de son côté, comme l'a fait Colombine, il reçoit une ardoise sur laquelle sa maîtresse a écrit, et renvoie en échange sa lettre et une rose. Les trois quarts-d'heure sont écoulés ; il se montre alors sur son mur, parle à Cassandre qui lui passe une échelle, a gagné ses cinquante écus, triomphé des obstacles que Gille voulait mettre à son mariage, et épouse Colombine.
Cadre ingénieux, beaucoup d'esprit, trop peut-être ; beaucoup de succès.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez le Libraire au Th. du Vaudeville, an vii :
Arlequin tout seul, comédie-monologue en prose et vaudevilles. Par Emmanuel Dupaty. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le 14 frimaire, an 7 [4 décembre 1798].
La Décade philosophique, littéraire et politique, an vii, Ier trimestre, n° 9 (30 frimaire), p. 547-550 :
[Le compte rendu s’attache d’abord à montrer que la tradition des acteurs seuls en scène est ancienne, et que le privilège accordé à Laporte est tout à fait mérité. On trouve ensuite le résumé de l’intrigue, ou plutôt du monologue d’Arlequin, longuement détaillé (avec les pantomimes). L’ouvrage est plutôt réussi : « tous les détails sont ingénieux », même si on peut leur trouver des précédents (dont le critique nous donne des exemples). Juste un conseil : sacrifier « quelque pointes, quelques détails trop recherchés », et en particulier un couplet que le public n’aurait pas compris. Sinon, la pièce paraît promise à un bel avenir.
Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, volume IV, nivôse an 7 [janvier 1799], p. 199-203]
Théâtre du Vaudeville.
Arlequin tout seul.
Presque toujours quand un acteur cher au publie obtient sa faveur particulière, il entre dans l'idée des auteurs contemporains de le présenter seul sur la scène : c'est ainsi que Panard fit son Pygmalion; Piron son Deucalion et Pyrrha ; et nous pourrions citer plusieurs exemples de mélodrames monologues nés du méme motif.
Le C. Laporte jouant les rôles d'Arlequin au théâtre du Vaudeville, méritait aussi cet avantage, et le C. Dupaty vient de le lui procurer avec beaucoup de succès dans la petite pièce intitulée: Arlequin tout seul.
Arlequin a parié cinquante écus contre Gilles, son rival, qu'il resterait enfermé chez lui vingt-quatre heures tout seul, sans aller voir sa chère Colombine, fîlle de Cassandre - restaurateur, dont il n'est séparé que par un mur mitoyen ; il s'est déterminé à ce sacrifice, parce qu'il a besoin des cinquante- écus pour applanir quelques difficultés.
Que faire pour tromper l'ennui de la solitude pendant trois quarts d'heure qui lui restent encore à franchir, et pour informer sa maîtresse des motifs de son absence ? Tout ce que l'Amour ingénieux suggère aux amans captifs.
D'abord, il fait parvenir la copie de son traité avec Gilles, dans une tourtière vide qu'il fait reporter à Cassandre par son rival lui-méme.
En attendant que Colombine ait reçu le message, et qu'elle trouve le moyeu d'en informer son amant, celui-ci emploie son tems à causer avec le portrait à la silhouette de sa maîtresse, et à lui dire les choses les plus spirituelles sur la solitude, sur l'amour, sur le cœur ; on a remarqué entre-autres, et fort applaudi un couplet sur la manière dont le cœur est diversement placé chez les hommes, et qui finit ainsi :
Bien peu d'amis l'ont sur la main,
Beaucoup d'amans l'ont dans la téte.
Bientôt Arlequin entend remuer la corde du puits commun aux deux maisons. Il vole, entrevoit sa maîtresse dont l'image se réfléchit sur la surface de l'eau, débite force galanteries dont on a justement trouvé les détails trop recherchés et trop longs, et finit par apercevoir une lettre suspendue à un fil : il parvient à la saisir et à la tirer de son côté.
Cette lettre lui accuse la réception de la sienne ; mais l'avertit en même tems, que Gilles profite de son absence pour le noircir auprès de Cassandre, et presser son consentement ; enfin, que s'il ne se montre tout est perdu. Il est prêt à renoncer à sa gageure, et à monter sur sa muraille pour mettre Gilles au pied du mur, mais il entend distinctement, à l'aide de son échelle double, la conversation de Cassandre et de son rival dans le bosquet qu'on suppose au pied du mur mitoyen.
Il s'agit d'en instruire Colombine, il lui écrit une nouvelle lettre : après l'avoir écrite, il est censé apercevoir sa maîtresse dans sa mansarde : il monte de son côté sur une espèce de perron, et contrefesant plaisamment avec ses bras les mouvemens d'un télégraphe, est supposé faire entendre qu'il a une nouvelle lettre à envoyer ; une corde lancée dans sa cour lui parvient aussitôt, dont le bout est attaché au toit de la mansarde. Il oublie, par distraction sans doute, qu'il a une lettre à faire parvenir, et paraît ne pas deviner l'usage qu'on lui propose d'en faire. Une vielle entre les mains de sa maîtresse, lui indique, comme au jeu conçu de l'épingle, ce qu'il peut et doit faire. Il l'attache donc à son mur : aussitôt le long de cette corde tendue, descend, à l'aide d'une faveur, une ardoise écrite de la main de Colombine, et qu'elle lui adresse sous le couvert de sa maison. Il lui renvoie par le même chemin la lettre qu'il vient d'écrire, à laquelle il attache une rose et un baiser : mais ce qui paraît singulier, c'est qu'il renvoie sa lettre avant d'avoir lu le message de Colombine.
Bref, l'heure de sa liberté va sonner; il se montre alors sur son mur, parle à Cassandre, reçoit une échelle : la ruse de Gilles est sans effet, les cinquante écus sont gagnés, et il descend chez sa chère Colombine pour conclure le mariage.
Tel est le cadre que s'était engagé de remplir le C. Dupaty, tout seul, sans autre secours que celui d'un seul personnage, ce qui lui sauve, comme on voit, le défaut d'ensemble assez commun dans les autres ouvrages. Il a réussi : tous ses détails sont ingénieux ; il a fort adroitement mis en œuvre plusieurs moyens connus, nés de l'industrie des prisonniers pour tromper les verroux, les grilles et établir des correspondances à travers les obstacles. Celui des deux instrumens qui se répondent par des airs connus, et dont la première idée est dans l'Olivier de Cazotte, a quelque chose de gracieux et d'attachant ; le message à l'aide d'une corde, est la paraphrase de la scène d'Azémia. La Cloison de madame Genlis a aussi quelques rapports avec l'ouvrage ; mais le C Dupatjr ne dépare point ce qu'il emprunte ; et il a été surtout merveilleusement secondé par la grâce variée et continue avec laquelle l'acteur a occupé la scène pendant près de trois quarts d'heure.
L'auteur fera encore quelques sacrifices à la rapidité ; supprimera quelques pointes, quelques détails trop recherchés ; il ôtera sur-tout un couplet inutile, que n'a pas compris le public, et qui paraît en effet d'une arithmétique inintelligible. En voici la fin :
Lorsque comme quatre l'on s'aime,
Trois fois heureux, deux n'en font qu'un.
L'ouvrage est assez en fonds d'esprit pour se passer de celui-là ; il doit, en fesant à-la-fois honneur à l'auteur qui l'a conçu et à l'acteur qui l'a exécuté, faire long-tems plaisir au public. L. C.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 4e année, 1798, tome IV, p. 519-520 :
Arlequin tout seul.
Arlequin et Gilles ont fait un marché par lequel Arlequin s'engage a lui payer cinquante écus si, pendant vingt - quatre heures, il sort un seul instant de chez lui. Gilles au contraire doit lui payer les cinquante écus s'il reste pendant les vingt-quatre heures sans sortir. Le but de Gilles est de disposer M. Cassandre à lui donner sa fille pendant l'absence d'Arlequin : le but de celui-ci est de gagner cinquante écus, somme sans laquelle il ne peut prétendre à la main de Blanche, fille de M. Cassandre, et dont il est amoureux.
Tel est le sujet de la petite pièce d’Arlequin tout seul, qui a obtenu au théâtre du Vaudeville le succès le plus complet. Les petites ruses qu'emploie Arlequin pour avoir avec sa maîtresse une correspondance malgré la distance qui les sépare et l'intérêt qui l'engage à ne pas sortir de chez lui sont le seul fonds de cette pièce, que le citoyen Laporte fait beaucoup valoir par son jeu piquant. Sa conversation, télégraphique a beaucoup amusé, ainsi que la manière dont il transmet au spectateur une conversation, entre Gilles et Cassandre, qu'il entend par dessus le mur. On ne peut rien ajouter sur cette pièce dont les détails amusent beaucoup à voir, mais n'auroient pas le même avantage à la lecture.
Elle est du citoyen Dupaty tout seul.
Un autre Arlequin tout seul, celui de J. A. Gardy :
Arlequin tout seul, folie-vaudeville, en un acte, en prose ; Par J. A. Gardy, Auteur de Palma, de Maltide, de Célestine, etc. etc. Représenté, pour la première fois, à Paris, en Vendémiaire, an X, de la République Française. A Paris, chez Fages, an X. (1801.)
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