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Arsinoüs

Arsinoüs, tragédie en trois actes, en vers, de Delrieu. 29 Messidor an 7 [17 juillet 1799].

Théâtre de l'Odéon transféré à la Cité

Titre :

Arsinoüs

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

29 messidor an 7 (17 juillet 1799)

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon transféré à la Cité

Auteur(s) des paroles :

Delrieu

Almanach des Muses 1800

Arsynoüs, roi de Mycènes, a été détrôné par Hydamas. Obligé de fuir, il a laissé Arsyone, sa femme, et son fils en bas âge, au pouvoir du vainqueur. Le desir de se venger et de sauver deux têtes qui lui sont chères, le ramène à Mycènes. Un naufrage l'y jette avec Alcméon, son ami fidèle. Il a bientôt retrouvé Eurymédon son frère, qui, partageant son ressentiment et enflammé du même désir, a défait la flotte d'Artapherne, général persan, allié d'Hydamas, tué Artapherne de sa propre main, et se trouve à Mycènes. Eurymédon engage Arsynoüs à quitter ses habits pour prendre ceux d'Artapherne ; il lui sera plus facile alors, et sur-tout lorsque le bruit de sa mort est répandu, de se venger d'Hydamas, qui, croyant qu'Arsyone est veuve, a résolu de l'épouser. Arsyone, en effet, est déjà dans la dure alternative, ou d'épouser l'usurpateur, ou de voir massacrer son fils ; et le fidèle Alcméon, que les gens d'Hydamas ont arrêté, est chargé de la décider à faire connaître son choix. Elle est partagée entre la nature et l'amour, lorsqu'elle entend une voix qui sort du tombeau de Pelops son père ; c'est celle d'Eurymédon. Il lui propose un asyle, et lui annonce qu'elle reverra bientôt son époux. Cependant Hydamas la mande auprès de lui ; il apprend sa fuite, il veut qu'on la retrouve ; on l'a découverte, elle est en sa présence. Elle croit du moins que son fils est sauvé mais il est dans les mains du tyran, qui exige qu'enfin elle se prononce. Elle persiste dans le refus de s'unir à lui. C'en est assez ; la mère et le fils périront. On annonce à Hydamas l'arrivée d'Artapherne, chargé de la dépouille d'Arsynoüs. C'est Arsynoüs lui-même qui paraît, et qui est témoin de l'horreur que son ennemi inspire à la fidèle Arsyone. le tyran, qui ne peut trouver un seul Grec pour embraser la maison où le fils d'Arsyone doit périr, se décide à y porter lui-même la flamme. Mais le faux Artapherne le suit, Hydamas a péri ; Arsinoüs revient auprès d'Arsyone, et lui rend à-la-fois son fils et son époux.

Action lente et compliquée, style froid, de beaux vers, quelque succès.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 7, 4e trimestre, n° 31 (10 Thermidor), p. 236-238 :

[Après avoir fait l'analyse du sujet, d’abord l’avant-scène, puis l’action, le critique porte un jugement plutôt sévère sur la pièce : « un tableau sans harmonie et sans ensemble, mais où l'on trouve quelquefois des coups de pinceaux assez vigoureux », et donne à l’auteur une série de conseils, étudier le coloris antique (il fait parler aux personnages un langage moderne), raisonner ses plans, calculer ses effets, méditer sur son art. L’auteur a été applaudi. Sa pièce comporte « des vers sententieux », mais on les remarque mieux dans les pièces médiocres, comme ici.]

Théâtre Français de la Cité.

Arsinoüs, tragédie en trois actes.

Idamas a donné la mort à Pélops, Roi de Mycènes, chassé Arsinoüs et Eurymedon, ses fils, et s'est emparé du trône. Il règne tyranniquement depuis dix ans : depuis le même tems il retient enfermés dans une tour Andrionne, femme d'Arsinoüs, et son enfant dont il s'est emparé. Arsinoüs, en cherchant des secours contre cet usurpateur, est tombé entre les mains d'Artapherne, Roi de Perse, ami d'Idamas, et s'est vu renfermé aussi dix ans dans un cachot : telle est l'avant-scène. Voici l'action.

Arsinoüs s'est échappé de sa prison avec son fidelle ami Acméon : ils sont aux portes de Mycènes ; ils projettent la mort du tyran : au moment même il retrouve Eurymedon, son frère, qui vient on ne sait d'où, mais qui cependant a tué Artapherne, s'est emparé de ses vaisseaux, a revêtu ses Grecs d'habits persans, et se propose d'entrer dans le port de Mycènes, où 1a flotte d'Artapherne est attendue.

Idamas de son côté s'est souvenu qu'Andrionne était belle, et présumant sans doute que sa beauté n'a point été altérée par dix années de captivité, il se sent épris d'un violent amour pour elle, veut l'épouser, ou donner la mort à son fils : cette situation n'a pas coûté un grand effort d'imagination à l'auteur, c'est celle d'Andromaque.

Créon, confident d'Idamas, fait sortir Andrionne de sa tour, lui déclare les projets de son maître, et la laisse seule sur la place publique pour y réfléchir : on lui amène son jeune fils. Andrionne qui croit qu'Arsinoüs a perdu la vie, déteste le tyran et l'hymen odieux qu'on lui propose : son caractère est un composé de Mérope, d'Iphigénie en Tauride, d'Hypermnestre et d'Electre ; ce n'est qu'un habit d'Arlequin. Au dénouement Arsinoüs et Eurimédon entrent dans Mycènes, l'un sous le nom d'Artapherne, l'autre à la tête des Grecs déguisés en Persans. Idamas qui ne connaît pas sans doute son ami Artapherne, charge Arsinoüs d'offrir à Andrionne les dépouilles de son époux : c'est la scène de l'urne dans Oreste, mais ce n'est ni Sophocle ni Voltaire. Andrionne ne reconnaît point les traits et la voix de son époux ; elle accable Idamas d'imprécations : celui-ci furieux se résout à donner la mort à son fils. Arsinoüs, aussi déguisé de caractère que d'habit, trouve le moyen de persuader au tyran qu'il se chargera de cette vengeance, et parvient à se la faire confier. Dès lors on juge le dénouement : un récit vient instruire le public qu'Idamas a péri sur le bûcher qu'il avait fait préparer pour le fils d'Arsinoüs.

L'ouvrage singulier dont nous venons de donner l'extrait, malgré toutes les ressemblances dont s'est aidé l'auteur, et la mesure de trois actes auxquels il s'est restreint, n'offre réellement qu'un tableau sans harmonie et sans ensemble, mais où l'on trouve quelquefois des coups de pinceaux assez vigoureux. L'auteur aurait besoin d'étudier un peu le coloris antique pour ne pas habiller, comme il le fait, ses pensées et ses situations à la moderne. Il aurait besoin de raisonner ses plans, de calculer ses effets, de méditer sur son art. C'est une entreprise difficile de vouloir créer des sujets tragiques ; la création en pareil cas exige un but déterminé, et cet ouvrage n'en a point du tout.

On a beaucoup demandé l'auteur : c'est le C. Delrieu, qui a déjà donné au théâtre de l'Odéon une petite comédie sous le titre du Jaloux malgré lui ; il paraît avoir moins de chemin à faire pour obtenir quelques succès auprès de Thalie qu'auprès de la Muse tragique.

On a fort applaudi des vers sententieux dont on est plus frappé dans les ouvrages médiocres, parce qu'ils y ressortent davantage, et qu'on a plus le tems et la liberté d'esprit nécessaire pour juger une pensée isolée, En voici un exemple :

Lorsque de pourpre et d'or le crime est revêtu,
On doit sous des haillons retrouver la vertu.

Cette pensée qui au fond n'a que de l'éclat antithétique, est sur-tout bisarre dans la bouche de celui qui la débite, et qui est lui-même vêtu de pourpre et d'or.                   L. C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome 2, p. 389-390 :

[De cette tragédie, le critique juge positivement écriture et versification, mais condamne l’intrigue : « les scènes ne sont pas motivées, et les situations sont souvent invraisemblables ». Ce qui n’a pas empêché le succès, attesté par le fait qu’on a demandé l’auteur. Bonne interprétation.]

ACTEURS DE L'ODÉON.

Arsinoüs, tragédie en trois actes, jouée le 29 messidor.

Idamas, tyran de Mycènes, a proscrit le brave Arsinoüs, et ravi son épouse. Arsinoüs, après quelques années d'exil, s'est fait passer pour mort, et revient secrètement à Mycènes, le jour où sa fidelle Andrionne va être forcée de choisir entre la main du tyran et la mort de son fils.

Arsinoüs, vêtu-d'un habit persan, s'annonce comme un général allié qui apporte au roi la dépouille du proscrit. Andrionne, qui ne reconnoît point son époux, se livre au désespoir, et résiste avec plus de force encore au tyran qui s'irrite et ordonne sa mort et celle de son enfant.

Le faux ambassadeur demande l'honneur de conduire la victime au bûcher ; le tyran le lui accorde : mais il emploie tout en secret pour délivrer son épouse, et parvient, au moment fatal, à soulever le peuple. Le palais d'Idamas est incendié, Idamas lui-même périt, et Arsinoüs recouvre sa femme et son fils, et rend la liberté à sa patrie.

Cette pièce est très-bien écrite et très-bien versifiée, mais elle n'est pas aussi bien conduite ; les scènes ne sont pas motivées, et les situations sont souvent invraisemblables. Cependant elle a obtenu du succès , et on a demandé l'auteur ; c'est le C. Delrieu, auteur de quelques pièces données avec succès à l'Odéon.

Les principaux rôles ont été bien joués par les CC. Dorsan, Varennes et Chevreuil. La C.e Desrozières a mis beaucoup de chaleur dans celui d'Andrionne ; elle y a été fort applaudie.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome XI, thermidor an 7 [juillet 1799], p. 196-198 :

[Le critique, qui reconnaît le succès de la pièce, en donne « à peu près le sujet ». Après l’analyse, donnée pour « imparfaite », il porte un jugement équilibré, entre défauts (les scènes ne sont pas motivées, les personnages n’ont pas toujours le ton qui leur convient – un enfant parle comme un héros – et le plan est plus digne d’une pantomime que d’une tragédie) et qualités (le style et la versification, de nombreux vers frappants par leur beauté ou par « les allusions auxquelles ils ont prêté » – un exemple est donné, beauté ou allusion ?). Pièce bien interprétée, succès aussi pour l’auteur.]

Arsinoüs, tragédie.

Cette pièce, qui a été jouée dernièrement sur ce théâtre, y a obtenu du succès ; en voici à peu près le sujet.

ldamas, tyran de Mycènes, a proscrit le vaillant Arsinoüs, dont il a ravi l'épouse, & qui, après un certain nombre d'années, réussit à se faire passer pour mort. Celui ci revient secrètement à Mycènes, le jour même où la fidele Audrione (c'est le nom de son épouse) va être forcée d'opter entre la main de l’usurpateur ou la mort d'un fils qu'elle chérit ; de concert avec un ancien ami, il conspire aussitôt la perte d'Idamas ; &, pour réussir dans son projet, il revêt un habit persan, & s'annonce au roi comme un général allié, qui vient lui apporter les dépouilles du proscrit. La cérémonie de réception a lieu devant Audrione, qui, ne reconnoissant point l'imposture, se livre au plus affreux désespoir, & résiste avec plus de force que jamais aux offres du tyran. Celui-ci irrité, ordonne la mort de cette femme généreuse & de l'enfant qu'elle a nourri ; aussitôt on prépare le supplice. Le faux ambassadeur, dissimulant sa fureur, réclame & obtient le funeste honneur de conduire la victime au bûcher ; mais on pense bien que c'est pour la délivrer. En effet, au moment fatal, il parvient à soulever le peuple ; le palais d'Idamas est livré aux flammes ; ldamas lui-même périt dans l'incendie, & le vaillant Arsinoüs a le double bonheur de retrouver sa femme & son fils, & de rendre sa patrie à la liberté.

Quelqu'imparfaite que soit cette analyse, elle suffira, sans doute, pour faire apprécier les moyens employés par l'auteur de cette tragédie. On les a, en général, trouvés foibles & communs, & l'on a remarqué, avec regret, qu'aucune scène n'étoit clairement motivé  ; qu'il y avoit des invraisemblances dans les situations & de l'inconvenance dans le langage des différens personnages, notamment dans celui d'un foible enfant qui s'exprime avec toute l'énergie d'un héros. Nous ne croyons donc pas être trop sévères en déclarant que le plan & la conduite de cette pièce nous paroissent essentiellement vicieux & trop conformes aux canevas de pantomime. Mais, sous le rapport du style & de la versification, elle dédommage complètement de ces défauts. Un grand nombre de vers ont fait la plus vive sensation, soit par leur beauté réelle, soit par les allusions auxquelles ils ont prêté. Le suivant , parfaitement placé & dit avec beaucoup de chaleur, a été surtout applaudi avec transport.

Je suis époux & père & ne suis pas vengé !

En général la pièce a été jouée d'une manière satisfaisante par les CC. Dorsan, Varennes & Chevreuil, & par la citoyenne Desrosières.

L'auteur a été demandé : on l'a nommé & amené sur la scène au milieu des applaudissemens, C'est le C. Delrieu, auteur du Jaloux malgré lui, jolie comédie, qu'on donne avec succès à ce théâtre.

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