Aurore, ou la Fille de l’Enfer, comédie en trois actes, imitée de l’allemand du comte de Saaüden (Soden), de Boursault-Malherbe, 26 février 1807.
Théâtre des Variétés Étrangères.
[D’après la France littéraire, tome 11, de Jean-Marie Quérard, Paris, 1854 (tome consacré aux « écrivains pseudonymes et autres mystificateurs de la littérature française »), p. 63, la salle des Variétés Étrangères, ouverte le 29 novembre 1806, ferma le 15 août 1807. Son directeur, Jean-François Boursault, y fit jouer dans ce court temps une vingtaine de pièces « traduites ou imitées des langues étrangères, par Boursault seul ou en société ». Aurore, ou la Fille de l’Enfer fait partie de cette série de pièces.]
Dans le Courrier des spectacles, n° 3667 du 26 février 1807, Aurore ou la Fille de l'Enfer est annoncée comme une « pièce à grand spectacle, ornée de décors et costumes nouv. ».
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Titre :
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Aurore, ou la Fille de l’Enfer
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Genre
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comédie imitée de l’allemand
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Nombre d'actes :
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3
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Vers ou prose ,
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en prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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26 février 1807
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Théâtre :
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Théâtre des Variétés Étrangères
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Auteur(s) des paroles :
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Boursault-Malherbe
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Antoine-Augustin Renouard, 1807 :
Aurore, ou la Fille de l’Enfer, comédie en trois actes, imitée de l’allemand du comte de Saaüden ; Représentée, pour la première fois, sur le théâtre des Variétés Etrangères, le 26 février 1807.
Journal de Paris, n° 55 du 24 février 1807, p. 392 :
La pièce qu'on annonce pour aujourd'hui au Théâtre des Variétés Etrangères, & qui a pour titre : La Fille d'Enfer, est, dit-on, un ouvrage allemand très-bizarre & susceptible de grands effets, que deux auteurs français, connus par de piquantes productions, ont plutôt imité que traduit.
Courrier des spectacles, n° 3668 du 27 février 1807, p. 3 :
[La féerie est à la mode, et la pièce nouvelle est bien une féerie, dont le sujet ,e consiste pas dans la tromperie d'un benêt, mais du mariage d'une fille de roi. Après cette introduction, le critique attaque une tâche difficile, résumer une intrigue plutôt compliquée, faisant appel aux moyens habituels de la magie. La pièce s'achève bien sûr par le mariage attendu. Le jugement donné ensuite distingue entre décors, machinerie et costumes, remarquables, et le « poëme », d'« un intérêt médiocre », dont le ton est jugé trop solennel, d'une enflure digne du mélodrame : trop de « sentences »; une action trop lente. Il faut donc « raccourcir le poëme et allonger la féerie. C'est pourtant un spectacle intéressant, qui avait attiré la foule.]
Théâtre Molière, Variétés Etrangères.
Aurore, ou la Fille de l'Enfer.
Depuis le prodigieux succès du fameux Pied de mouton, presque tous les théâtres du second ordre veulent nous attacher par les prestiges de la feerie. Déjà les Jeunes Artistes ont leurs Syrênes, qui partagent avec le Pied de mouton la faveur et les hommages publics. Aurore, ou la Fille de l'Enfer est aussi une féerie, mais une féerie solemnelle et pathétique. Il ne s’agit point ici de berner un niais, il s’agit du mariage de la fille d’un grand Roi.
Cette fille se nomme Amélie ; Alphonse, jeune seigneur de la cour de Naples, l’a vue dans une église, et en devient amoureux ; mais la mort lui ravit bientôt l’objet de ses vœux les plus ardens et les plus tendres.
Il est assez rare que le sort unisse les cœurs qui s’aiment ; une femme de la cour, nommée Junia, voit Alphonse, brûle pour lui, et fait tous ses efforts pour l’engager à répondre à ses feux ; mais l’image d’Amélie reste si profondément gravée dans le cœur de ce jeune amant, qu’il se refuse à tout autre sentiment
Un autre seigneur nommé Alonzo est moins insensible, et ses vœux les plus ardens sont-de se faire aimer de Julia [sic], qui, malheureusement pour lui, ne veut d’hommages que ceux d’Alphonse Par hazard Alonzo possède un enchanteur aussi puissant que Merlin : c’est un Valet nègre qui a le don d’opérer des prodiges.
Alonzo qui croit ne pouvoir se faire aimer de Junia qu’autant qu’Alphonse se refusera absolument aux vœux de cette amante passionnée, propose à son nègre de nourrir l’illusion d’Alphonse, et d’entretenir sa constance pour Amélie en lui montrant l’image de cette jeune Princesse. On choisit, pour opérer ces prodiges, les grotes de Portici. Alphonse s’y rend ; leNègre prononce des paroles magiques ; un vieux Génie l’exauce, et Amélie se montre, sous le nom d’Aurore dotée de tous les charmes qui avoient enflammé le cœur d’Alphonse. Que l’on juge des fureurs de Junia ; elle conspire successivement contre Alphonse, contre Aurore, contre Alonzo ; mais la puissance du Negre triomphe de tous les obstacles. Les miracles se multiplient ; et après une longue suite de merveilles, on apprend qu’Aurore est Amélie elle-même, qu’elle s’est dérobée à la vue de tout le monde, et que sa mort n’a jamais été réelle. Le Roi l’unit avec Alphonse.
Cette pièce est, sous le rapport des décorations et du spectacle, un ouvrage remarquable. Le jeu des machines est brillant, le décor et les costumes sont frais et riches. On est étonné de trouver tant d’éclat sur un théâtre d’un rang inférieur. Sous le rapport du. poème, la pièce n’a qu’un intérêt médiocre. Le ton en est trop solemnel, le style sent trop l’enflure du mélodrame ; les sentences y reviennent trop souvent ; l’action a besoin de marcher plus rapidement.
Il faudra, pour assurer le succès de cet ouvrage, raccourcir le poëme et allonger la féerie. D’ailleurd ce spectacle mérite d’être vu ; sa première représentation avoit attiré un concours nombreux et brillant.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1808, p. 292-295 :
[Compte rendu de la création en Belgique d’une pièce imitée de l’allemand et jouée en France dans un théâtre secondaire. La critique en est très sévère : mauvaise imitation du Diable amoureux de Cazotte, elle aboutit à un bien mauvais dénouement. La suite du compte rendus ‘attache à le montrer, en expliquant l’avant-scène de la pièce, puis la marche de l’intrigue, riche en magie et en jalousie. Si la pièce a échoué, c’est qu’elle a été mal montée : rien de ce qu’il était nécessaire de faire ne l’a été correctement : distribution (les acteurs ne savaient pas leur texte et jouaient mal), machines ridicules et mal utilisées. Le critique croit que la pièce a un intérêt, mais il faudrait tout reprendre que ce mélodrame (parce que c’est dans ce genre qu’il faudrait classer cette œuvre) réussisse : des acteurs bien choisis et connaissant leur rôle, des machinistes compétents servant des machines efficaces, des décorations élégantes, et surtout des ballets !]
THÉÂTRE DE BRUXELLES.
Deux pièces nouvelles ont été montées pendant le mois de Décembre. La première a été complettement huée : la seconde, accueillie avec intérêt, n'a pas répondu à la brillante réputation qui l'avait devancée. .Nous allons les faire connaître l'une et l'autre à nos lecteurs.
Aurore, ou la Fille de l’Enfer, comédie en 3 actes, imitée de l'allemand du comte de Saaüden, représentée pour la première fois sur le théâtre des Variétés-Etrangères, à Paris, le 26 Février 1807.
Cette pièce est une mal-adroite imitation du Diable amoureux de Cazotte ; ou , pour mieux dire, ce charmant roman a pu donner lieu à la pièce d'Aurore ; mais le dénouement de la comédie est aussi mauvais que celui du roman est intéressant, et les prodiges opérés par Amélie sont loin de valoir ceux de Biondetta.
Voici l'extrait de la pièce.
Amélie, fille naturelle du roi de NapIes, a remarqué dans le nombre de ses adorateur» dom Alphonse, jeune cavalier espagnol ; elle l'aime autant qu'elle en est aimée. Le roi refuse de consentir à son amour ; le chagrin conduit Amélie aux portes du tombeau ; à ce moment l'amour paternel se réveille et l'emporte sur l'orgueil et le respect des convenances ; le roi promet à sa fille d'unir son sort à celui de dom Alphonse, si elle peut lui donner des preuves de la constance et de la fidélité de son amant. Des obsèques magnifiques annoncent à dom Alphonse la perte irréparable qu'il vient de faire. Dès lors le désespoir s'empare de son ame : sa passion , loin de s'éteindre avec l'espoir, reprend une nouvelle énergie, et il pousse l'égarement jusqu'à croire aux prestiges et vouloir avoir recours à eux pour retrouver sa maîtresse.
Muzaf, serviteur et confident de la princesse, entre au service de Lorenzo, ami d'Alphonse. Sous prétexte d'être utile à son nouveau maître et à son ami, (par les prestiges de son art, dans lequel il s'annonce comme très habile), en empêchant dom Alphonse d'être sensible à l'amour d'une comtesse Julia, qui était la rivale d'Amélie, mais que Lorenzo adore, sous ce prétexte, dis-je, Muzaf les attire dans les cavernes de Portici, lieu fameux par les prodiges qu'Anne Radcliffe et Cazotte y ont opérés. Tout y est préparé pour faire illusion. C'est ici que commence le premier acte. Le génie de Muzaf est évoqué ; en vain dom Alphonse le supplie de lui rendre Amélie. Le génie ne peut rendre à la vie l'être dont la mort s'est emparé ; mais après avoir cherché à le séduire, en lui offrant des richesses et des honneurs, il finit par céder à la passion de dom Alphonse, en lui offrant de créer une nouvelle Amélie, à la condition expresse de s'unir à elle.
Aurore paraît, mais voilée. Dom Alphonse reconnaît celle que son amour poursuit jusque dans le délire de ses songes, jure de la suivre par-tout, et de ne plus la quitter.
La comtesse Julia , informée que Lorenzo est parvenu, par des moyens qu'elle ne peut soupçonner, à rendre à dom Alphonse l'objet de son attachement ou au moins son image, s'est emparée de dom A1phonso lorsqu'il quittait les ruines de Portici, et le tient prisonnier dan» son château. C'est le lieu de la scène pendant le 2me. acte.
Ici tout est employé par la rivale d'Amélie, amour, menaces, emportemens, pour déterminer dom Alphonse à abandonner Aurore, et pour lui prouver qu'il est la dupe des intrigans auxquels il se livre, de son ami Lorenzo, d'Aurore même.
Un moment incertain dom Alphonse se croit abusé et veut se venger ; mais Aurore parle, se met sous sa protection, il est désarmé, et promet de la défendre.
Au troisième acte il se trouve dans le palais d'Aurore, où Julia pénètre avec un commissaire de l'inquisition, auquel elle a dénoncé tous les prétendus sortilèges exercés par Aurore, et que réprouvent l'honneur et la religion. Lorenzo, qui venait défendre son ami, est arrêté par la suite de l'inquisiteur. Aurore elle-même qui, jusqu'à ce moment, s'était jouée de tous les dangers qui paraissaient la menacer ainsi que son amant, Aurore est en leur puissance. Mais un écrit qu'elle remet a l'inquisiteur suspend toute poursuite. Les prisonniers sont mis en liberté ; les gardes renvoyés. Julia, indignée de ce qu'elle croit une trahison, s'attache à Aurore, veut la dévoiler et connaître enfin cette mortelle ennemie qu'aucun de ses coups ne peut atteindre. Alors Aurore se découvre, c'est Amélie. Elle apprend elle-même à son heureux amant les motifs de sa mort simulée et de sa conduite, et se réjouit de pouvoir prouver à son père que dom Alphonse est digne d'elle. Elle pardonne à la comtesse Julia, et l'engage à donner son cœur à Lorenzo.
Rien de ce qui pouvait faire valoir cette pièce n'a été employé. Elle a été mal distribuée. Elle n'était pas sue, et a été mal jouée. Tout, jusques aux machines ridicules et mal servies, dont on a fait usage, tout a concouru à la rendre insupportable.
J'avoue que parmi les pièces de ce genre, qui ne sont enfin que des mélodrames, on aurait pu mieux choisir ; mais je suis loin de convenir qu'Aurore soit dénuée d'intérêt. Si l'on distribuait bien les rôles : s'ils étaient bien sus ; si les machinistes savaient ce qu'ils font et si les machines qu'ils font jouer n'étaient pas ridicules : si l'on mettait de la pompe et de l'élégance dans les décorations ; enfin si l'on joignait à tout cela des ballets, les mélodrames feraient accourir le public à Bruxelles comme ailleurs.
[La seconde pièce nouvelle jouée à Bruxelles en 1807 est Lina , ou le Mystère, opéra en 3 actes, musique de Dalayrac.]
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