Avis aux Jaloux, ou la Rencontre imprévue, opéra comique en 1 acte, par M. Saint-Remi [René de Chazet et Jean-Baptiste Dubois], musique de Louis Piccini, 25 octobre 1809.
Théâtre de l’Opéra Comique.
A ne pas confondre avec Avis aux jaloux (Avvertimento ai Gelosi) , jouée quelques mois plus tôt au Théâtre de l’Odéon (Opera Buffa).
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Titre :
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Avis aux Jaloux ou la Rencontre imprévue
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Genre
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opéra comique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, avec couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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25 octobre1809
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra Comique
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Auteur(s) des paroles :
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M. Saint-Remi [René de Chazet et Jean-Baptiste Dubois]
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Compositeur(s) :
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Louis Piccini
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Almanach des Muses 1810.
Mélange de situations prises dans nos anciennes pieces ; rien de neuf.
L’Esprit des Journaux français et étrangers, n° de décembre 1809, tome XII de l’année 1809, p. 274-279 :
[Le critique met en garde d’emblée : l’intrigue n’est pas originale du tout, tuteur, pupille et duègne, mariage prévu du tuteur et de la pupille, et amant qui vient créer l’obstacle nécessaire au bond éroulement de la pièce. Une idée neuve, enfermer l’amant avec sa maîtresse, mais l’auteur ne sait pas trop quoi en faire. Même lorsque le tuteur vient clouer la jalousie de la fenêtre de sa pupille, le public ne trouve pas cela très drôle. Et le dénouement est très convenu aussi : le tuteur prend l’amant pour le clerc du notaire et lui fait rédiger l’acte de mariage que le tuteur signe sans le lire. La pièce est finie. Elle est jugée assez gaie et spirituelle, mais elle manque de solidité dans la structure de l’intrigue. Le parolier aurait dû travailler plus ! La musique est « agréable, facile et souvent très gaie ». Quelques morceaux remarquables, mais elle manque d’originalité (il faudrait qu’elle ait « plus d'originalité et moins de réminiscences ». Les auteurs ont été nommés, mais pas sans opposition.]
Avis aux Jaloux, ou la Rencontre imprévue, opéra comique en 1 acte.
Si vous n'êtes pas encore las de tuteurs jaloux et trompés, de pupilles amoureuses, de duegnes compatissantes, allez voir l'Avis aux Jaloux. Je ne sais pas au juste dans quel pays vous irez pour cela ; mais ce sera en Espagne et en Italie, si l'on peut en juger par les noms des acteurs. Ce qu'il y a de sûr, c'est que la scène est à la campagne, dans un assez joli château. Au lever de la toile vous verrez un homme vêtu de noir traversant plusieurs fois le théâtre, suivi de laquais qui portent des malles. Bientôt après paraîtra la duegne vêtue de la même couleur, et leur conversation vous apprendra le sujet de la pièce. Vous saurez donc que le château où nous sommes appartient à don Geloso, qu'il y est attendu le soir même avec Flora sa pupille, qu'il veut épouser ; et que la duegne Marcelline a reçu de lui la défense la plus sévère de recevoir personne au château, défense qui regarde paticulièrement un oertain Lorenzo, neveu du tuteur et amant aimé de sa pupille.
L'exposition faite, l'homme noir, qui n'est autre que le notaire de Geloso, se retire pour arranger dans la bibliothèque de Flora des livres de chicane qu'on lui destine pour sa récréation. Marcelline reste seule, et l'on sent bien que ce Lorenzo, qu'on lui a défendu si particulièrement de recevoir, sera le premier qui troublera sa solitude. Heureusement Lorenzo est jeune et bien fait ; Marcelline, à soixante et dix ans, n'est pas éloignée de croire qu'elle peut faire encore des conquêtes : les prières de Lorenzo, qui demande un asyle pour la nuit, l'attendrissent, et elle consent à le lui accorder. Ici la continuation de la pièce exige absolument l'arrivée du tuteur avec sa pupille, et ils arrivent en effet. Marcelline est d'abord bien embarrassée, mais elle a recours à la ressource ordinaire de cacher Lorenzo dans un cabinet. Geloso et Flora paraissent. La chambre où l'on se trouve est celle de Flora, et le tuteur se prépare à l'y renfermer. On sent combien l'embarras de Marcelline doit croître ; elle demande à rester auprès de Flora ; mais le soupçonneux Geloso se défie d’elle ; il veut que sa pupille soit absolument seule; emmène Marcelline, et par conséquent renferme la pupille avec son amant.
Le public, qui jusqu'à ce moment n'avait rien vu de bien nouveau dans la pièce nouvelle, a saisi avec plaisir cette première intention comique de l'auteur ; il est fâcheux qu'elle n'ait été en quelque sorte qu'indiquée. Le tête-à-tête des deux amans n'a pas été mieux employé. Lorenzo, au lieu de profiter d'un moment si cher, s'amuse à regarder Flora qui se met en devoir de lui écrire. Flora interrompt sa lettre pour voir si on ne vient pas la surprendre ; alors Lorenze sort de sa cachette et vient écrire quelque mots sur le papier de Flora. Après avoir joui de son étonnement, il se décide enfin à se montrer ; mais la conversation ne peut être longue ; Flora a trop de vertu pour soutenir long-temps un tête-à-tête sous la clef ; elle prie Lorenzo de se retirer, et Lorenzo, non moins délicat que sa maîtresse, trouvant toutes les portes fermées, n'hésite point à passer par la fenêtre pour mettre l'honneur de sa belle à couvert.
Nous devons encore regretter que l'auteur n'ait eu à offrir à Lorenzo d'autre moyen de descendre par la croisée qu'une mauvaise corde restée par hasard de l'emballage des malles et paquets que l'on a vu transporter au lever de la toile. L'expédient a paru mesquin et préparé de beaucoup trop loin. Quelques murmures se sont fait entendre, et l'on n'a point apprécié une seconde intention comique de l'auteur, qui sans doute aurait produit beaucoup d'effet si elle eût été mieux amenée. Au moment où Lorenzo veut ouvrir la jalousie pour s'évader, cette jalousie est ouverte du dehors par don Geloso lui-même, qui, s'étant avisé qu'il restait encore cet accès à la chambre de sa pupille, a pris une échelle pour le fermer. Il condamne la jalousie avec de bons clous, et se retire enchanté de ce que rien ne peut plus sortir de chez sa pupille.
Cette scène, animée par un trio d'une facture assez agréable, devait faire le sort de l'ouvrage ; le froid accueil qu'elle a reçu faute de préparation, a influé nécessairement sur le reste de la pièce, qui, bien que très-gaie, n'avait rien d'aussi piquant. Ajoutons que la gaieté y est achetée par plusieurs invraisemblances qu'on n'aurait peut-être pas remarquées si l'on eût été mieux disposé. De ce genre est un souper que l'on passe à Lorenzo à travers des carreaux de vitres ; la promptitude du notaire à s'enivrer de vin de Champagne en tête-à-tête avec Flora ; sa facilité à reconnaître Lorenzo pour un clerc qu'il attend, sans que celui-ci lui en donne la moindre preuves et à lui confier aussi-tôt la rédaction du contrat de mariage de Geloso avec Flora. Il eût été sur-tout important de bien motiver ce dernier incident, puisque c'est par-là que la pièce se dénoue. Lorenzo, au lieu de rédiger le contrat de mariage de son oncle, rédige le sien propre ; Geloso le signe aveuglément sur la foi du notaire, et l'on sait qu'au théâtre contrat signé vaut mariage, et mariage vaut dénouement.
Il y a de l'esprit et de la gaieté dans cet ouvrage ; on vient de voir qu'il offre même des intentions comiques et des idées nouvelles dans un cadre usé. Il n'a manqué peut être à l'auteur que de méditer un peu mieux son plan, de nouer plus fortement son intrigue, et de mieux développer les intentions qui lui appartiennent, ce qui l'eût dispensé de reproduire en si grand nombre celles d'autrui. Mais il faudrait pour cela travailler moins vite, et de nos jours les auteurs semblent plus jaloux de faire beaucoup que de faire bien.
La musique de l'Avis aux Jaloux est agréable, facile et souvent très gaie : sans briller par le savoir, l'harmonie en est assez douce. Le public a très-vivement applaudi une polonaise chantée par Huet, et l'air de bravoure de Mlle. Regnault. Il y a du trait et des effets heureux dans le trio que nous avons cité, et dans le quintetto qui tient lieu de finale. Nous donnerions des éloges beaucoup plus décidés au compositeur, si nous lui avions reconnu plus d'originalité et moins de réminiscences ; mais la plupart de ses airs, et en particulier la polonaise, nous ont paru ne lui appartenir qu'à demi.
En dépit de quelques opposans, les auteurs ont été demandés : on a nommé pour les paroles M. Saint-Remi, et pour la musique M. Louis Piccini, fils de l'immortel auteur de Didon, et auteur lui-même du Sigisbé, opéra en trois actes, qui fut joué, il y a quelques années , sans réussir et sans tomber.
[La Didon de Piccini date de 1783.]
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